Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mongols (suite)

Du point de vue religieux enfin, sur le fond chamaniste ancien est venu se greffer, surtout depuis la fin du xviie s., le lamaïsme, qui a incorporé un grand nombre d’éléments des croyances qu’il voulait chasser, aboutissant à un syncrétisme où pèse plus, suivant les régions, l’un ou l’autre de ces systèmes de croyances : ainsi, si dans l’Est et le Sud les chamanes ont depuis longtemps disparu, le Nord et le Nord-Ouest en ont conservé une empreinte plus profonde. Alors que le lamaïsme était plutôt un culte public, requérant des spécialistes, le chamanisme peut plus aisément s’accommoder d’une pratique privée. En fait, ces deux croyances ayant relativement disparu à l’heure actuelle du fait des efforts du gouvernement républicain, ce que l’on observe du point de vue religieux relève d’un culte populaire où se mêlent étroitement lamaïsme et chamanisme. Ce qu’il met en lumière de la façon la plus claire, la plus nette est la croyance en des esprits localisés : à l’intérieur, esprit du feu-foyer, à l’extérieur, esprit des cols, des sources, des montagnes, etc. Ces croyances se révèlent dans la pratique de libations, dans le phénomène des obō, amas de pierres et objets divers déposés par le voyageur afin d’intercéder pour lui à tout endroit de passage difficile.

Les Mongols se sont dotés depuis le xiiie s. d’alphabets et possèdent une littérature tant orale qu’écrite, d’une originalité et d’une richesse remarquables ; l’activité de parole d’ailleurs est particulièrement valorisée parmi eux (que ce soit par mémorisation ou création individuelle) et elle revêt dans certaines circonstances un aspect formalisé dont l’infraction est difficilement admise. À cette habileté orale, qui comprend aussi tout ce qui relève de la musique, correspondent la prouesse héroïque ou sportive ainsi que l’activité médicale au sens très large du terme (connaissances anatomiques, divination-diagnostic, connaissances botaniques, etc.).

R. H.

 B. I. Vladimirtsov, le Régime social des Mongols. Le féodalisme nomade (en russe, Leningrad, 1934 ; trad. fr., Maisonneuve, 1948). / L. Krader, Social Organization of the Mongol-Turkic Pastoral Nomads (Mouton, La Haye, 1963).


L’histoire des mongols


Les origines

Dans les steppes qui s’étendent à l’ouest et au nord-ouest de la Chine se concentrent au cours du iie s. av. J.-C. des populations nomades appartenant aux trois branches de la race altaïque : Turcs, Toungouses et Mongols.

Plus effacés que leurs frères en nomadisme, les Mongols ne créent avant le xiiie s. que de rares royaumes : au ier et au iie s., celui des Xianbei (Sien-pei) ; au ve et au vie s., celui des Ruanruan (Jouan-jouan) ; au xie s., celui des Khitans (ou Kitat).


Les Xianbei (Sien-pei) et les Murong (Mou-jong) [ier-ve s.]

Les Xianbei, originaires de la région du Grand Khingan, éliminent vers 155 apr. J.-C. les Xiongnu (Hiong-nou) septentrionaux. Vers 350, un de leurs clans, celui des Murong, fonde le royaume de Yan (Yen) [région de Pékin], qui englobe progressivement le sud de la Mandchourie et le nord-est de la Chine actuelle jusqu’à la ligne du Huaihe (Houai-ho) avant d’être détruit par un officier, sans doute mongol, au service du roi des Xiongnu méridionaux. Le petit-fils de celui-ci, Fu Jian (Fou Kien, 357-385), occupe en 370 leur capitale, Ye (auj. Anyang [Ngan-yang]), mais sa puissance est brisée par l’Empire chinois en 383. De ses débris naissent plusieurs petits royaumes : celui des Yen occidentaux (384-394) au Shānxi (Chansi) ; celui des Yen postérieurs (384-407) dans le Hebei (Ho-pei) et le Shandong (Chan-tong) ; celui des Qin (Ts’in) postérieurs dans le Shănxi (Chen-si) et une partie du Henan (Ho-nan).

Les uns et les autres sont également éliminés par le peuple turc des Tabghatchs (en chinois Toba [T’o-pa]).


Les Ruanruan (Jouan-jouan) [ve-vie s.]

Les Tabghatchs mènent de puissantes chevauchées à travers le désert de Gobi (425, 429 et 449) contre les Ruanruan (Jouan-jouan). Ces derniers parviennent néanmoins à y édifier un immense empire qui s’assujettit au ve s. de nombreuses hordes, notamment celle des Huns* Hephthalites — sans doute d’origine mongole, dont se seraient détachés les Avars établis en Pannonie du milieu du vie s. au début du viiie s. — et celle des Tujue (T’ou-Kiue), peuple de race turque, dont la révolte victorieuse, sous la direction de Boumin, aboutit au suicide du khaghān ruanruan (Jouan-jouan) Anagui (A-na-kouei, 522-552) et à la dispersion de son peuple.


Le temps des Khitans (xe-xiie s.) et des Kara Kitay (xiie- xiiie s.)

Les Khitans (ou Kitat), que les Annales chinoises localisent dans le Jehol (en chinois Re he [Jo-ho]) dès 405-406, s’organisent seulement au début du xe s. sous l’égide de Yelü Abaoji (Yeliu A-pao-ki, † 926). Ils édifient un nouvel empire mongol et dominent de 936 à 947 toute la Chine du Nord que leur ont cédée les empereurs de Chine qu’ils ont fait introniser. Yelü Deguang (Ye-liu Tö-kouang, † 947) fixe en 938 l’une des capitales à Pékin, dont la possession est finalement reconnue en 1004 à ses héritiers (profondément sinisés) par la dynastie chinoise des Song. Mais avec l’appui du peuple toungouse des Djurtchets, établi dans le bassin de l’Ossouri, les Song éliminent définitivement les Khitans de la carte de l’Asie (1114-1124). Yelü Dashi (Ye-liu Ta-che, v. 1136-1142), réfugié dans la région du Tarim, fonde alors un nouvel empire : celui des Kara Kitay (Kitay noirs), qui étend son obédience du haut Ienisseï à l’Amou-Daria, englobant même Boukhara et Samarkand et contribuant ainsi à la sinisation de populations musulmanes. Se révoltant contre la tutelle du gūr-khān Kara Kitay Yelü Zhilugu (Ye-liu Tche-lou-kou, 1178-1211), ‘Alā al-Dīn Muḥammad, chāh du Khārezm (1200-1220), s’empare de Boukhara et de Samarkand en 1207 ; il rejette ses adversaires à l’est du Pamir et du Syr-Daria. Mais, en les assujettissant les uns et les autres, Gengis khān met fin brutalement à leurs querelles.