Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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moisissures (suite)

Alors que la majorité des Bactéries végètent bien en milieu alcalin, la germination et le développement rapide des colonies de moisissures sont favorisés par une légère acidité ; mais une large échelle de pH est généralement tolérée, et certains Penicillium apparaissent dans des solutions de laboratoire à pH = 1 ; beaucoup de moisissures, en particulier des Aspergillus et des Penicillium, produisent d’ailleurs des quantités appréciables d’acides organiques, qui concourent à la dégradation du substrat, mais qui sont aussi exploités industriellement.

La température affecte diversement ces organismes. L’optimum de développement se situe généralement entre 20 et 30 °C, et la plupart des espèces sont détruites à l’ébullition ; certaines, cependant, sont thermotolérantes, tels Byssochlamys fulva, qui persiste dans les conserves après stérilisation, Neurospora sitophila, dont les ascospores survivent à la cuisson du pain, Aspergillus fumigatus, Chætomium, etc. La flore psychrophile, au contraire, se manifeste en dessous de 10 °C ; Cladosporium herbarum peut contaminer la viande congelée à – 6 °C.

Les moisissures sont inhibées, plus rarement tuées, par les substances toxiques antiseptiques : l’efficacité de ces fongicides dépend largement des facteurs externes.


Les principaux groupes de moisissures

Les Champignons des moisissures se répartissent dans tous les groupes d’Eumycètes ; ce sont le plus souvent des formes végétatives, à multiplication asexuée rapide et profuse ; toutefois, bon nombre d’Ascomycètes microscopiques accomplissent sur les substrats les plus variés leur cycle complet de reproduction. Les Mucorales, largement répandues dans le sol, colonisent un large éventail de substances organiques ; elles utilisent surtout les sucres et attaquent les fruits blessés ou trop mûrs ; certaines assimilent l’amidon et peuvent contaminer le pain et les grains (Rhizopus, Mucor).

Aux Ascomycètes appartiennent les Levures*, qui contaminent naturellement les fruits et les produits animaux ; de nombreuses espèces de Saccharomyces, depuis longtemps exploitées pour leur pouvoir de ferment, sont d’une importance économique considérable. Les Eurotiales groupent notamment les formes ascosporées d’Aspergillus et de Penicillium ; les Eurotium de la série repens (Asp. glaucus) sont parmi les moisissures les plus fréquentes et les plus destructives sur les substrats à pression osmotique élevée (confitures, tabac, textiles).

Parmi les Hypocréales et les Sphæriales se rencontrent quelques moisissures banales, en particulier les espèces coprophiles (Sordaria, Pleurage) et les Chætomium, agents d’altération des matériaux cellulosiques, surtout les papiers. Pleospora herbarum (Loculoascomycète), avec sa forme conidienne Stemphylium botryosum, attaque fréquemment les fruits entreposés. La plupart des Champignons microscopiques banals reconnus comme « moisissures » sont des Champignons imparfaits, ou Deutéromycètes : Levures anascoporées (Torulopsis, Rhodotorula), Sphæropsidales (Phoma herbarum, agent d’altération des peintures) et surtout Hyphomycètes, aux formes multiples (plusieurs milliers d’espèces connues). Une très large proportion des moisissures intéressant l’industrie appartiennent aux genres Penicillium et Aspergillus ; ces agents d’altération ubiquistes et redoutables, rencontrés sur tous les types de substrats, ont aussi des activités bénéfiques, exploitées pour la fabrication des fromages (P. camemberti, P. roqueforti) et pour la production industrielle de métabolites complexes (antibiotiques [P. notatum, P. griseo-fulvum], acides organiques, vitamines, enzymes).


Importance économique

Les moisissures sont à l’origine de multiples nuisances domestiques : altération des produits alimentaires, dégradation des objets usuels et des locaux d’habitation. À plus vaste échelle, elles peuvent causer de sérieux dégâts dans les bibliothèques, les entrepôts, les silos, les stocks de produits manufacturés. On limite ces risques par une prophylaxie appropriée : protection des produits stériles contre les sources de contamination, conservation en locaux secs et ventilés, choix de matériaux résistants. L’altération fongique affecte plus particulièrement les industries alimentaires et pharmaceutiques, la fabrication de la pâte à papier, des cosmétiques, des peintures et des colles, les industries du bois ; le choix et les modalités d’application de substances antifongiques doivent être envisagés en fonction de chaque problème particulier.

Les moisissures concourent activement à la destruction des déchets organiques, à l’assainissement naturel et à la fertilisation des sols. Il faut porter aussi à leur actif les industries des fermentations, la fabrication des fromages et de nombreuses techniques qui exploitent leurs activités enzymatiques. Les aptitudes métaboliques des moisissures, extrêmement diversifiées, sont exploitées industriellement par la culture en fermenteurs ; on fabrique ainsi par biosynthèse de nombreuses substances complexes : acides organiques (plus de 40 acides d’origine fongique sont utilisés dans l’industrie, l’alimentation ou la médecine), protéines, lipides, vitamines, enzymes, antibiotiques*. Les recherches sur la biochimie des moisissures, poursuivies dans le monde entier, élargissent constamment les perspectives d’application industrielle.

J. N.

➙ Antibiotiques / Champignons.

 G. Smith, An Introduction to Industrial Mycology (Londres, 1938 ; 6 éd., 1969). / E. C. Large, The Advance of the Fungi (Londres, 1940). / C. E. Skinner et coll., Henrici’s Molds, Yeasts and Actinomycetes (Londres, 1947). / J. W. Foster, Chemical Activities of Fungi (New York, 1949). / S. C. Prescott et C. G. Dunn, Industrial Microbiology (New York, 1949 ; nouv. éd., 1959). / C. M. Christensen, The Molds and Man (Minneapolis, 1951).

Moissan (Henri)

Chimiste et pharmacien français (Paris 1852 - id. 1907).


Fils d’un cheminot, Henri Moissan entre comme apprenti chez un horloger, puis devient stagiaire dans une officine de pharmacien. Il entre à l’âge de vingt ans au laboratoire d’Edmond Fremy au Muséum national d’histoire naturelle, où il apprend la chimie. Puis il étudie la chimie végétale auprès de Pierre Dehérain et passe dans le laboratoire de Louis Troost et d’Henri Debray. Dès 1874, il se signale par un travail sur l’absorption de l’oxygène et l’émission de gaz carbonique par les plantes maintenues dans l’obscurité. En 1879, il est reçu pharmacien de première classe, et, jusqu’en 1900, sa carrière se passe à l’École supérieure de pharmacie de Paris. Agrégé des sciences physiques en 1882, il passe en 1885 une thèse de doctorat sur la Série du cyanogène. En 1887, il est nommé professeur de toxicologie à cette école. Membre de l’Académie de médecine (1888), puis de l’Académie des sciences (1891), il obtient une chaire de chimie générale à la Sorbonne en 1900. En 1906, il reçoit le prix Nobel de chimie.

À une époque où les chimistes sont attirés par l’étude des composés organiques, c’est à la chimie minérale qu’il va se consacrer.