Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

apprentissage (suite)

Il serait cependant hasardeux de généraliser hâtivement à l’Homme à partir de l’animal : l’étude objective des comportements instinctifs montre clairement le caractère presque toujours erroné de l’utilisation de ce dernier terme à propos des conduites humaines. Trop souvent on l’applique à des comportements qui, bien loin de n’être pas appris, sont au contraire si fortement « surappris » qu’ils en sont devenus irrépressibles, inconscients, très rapides, au point de mériter l’épithète, bien sûr purement métaphorique, d’automatiques ; ils n’en sont pas pour autant instinctifs. La psychanalyse dénomme parfois aussi instinctifs, en suggérant par là leur innéité, des déterminants internes des conduites qu’il est préférable d’appeler pulsions dans le contexte de la psychanalyse et motivations ou mobiles dans celui, plus général, de la psychologie. Cette dernière a clairement montré la possibilité que de nombreuses motivations soient acquises.

D’une manière générale, on peut affirmer qu’à mesure que l’on gravit l’échelle animale diminue dans le comportement la part qui est déterminée de façon innée ; en même temps s’accroît et prend une importance de plus en plus considérable ce qui est, à la naissance et dans la première étape de la vie, non fixé, plastique et destiné à ne prendre forme que par apprentissage.


Les principaux facteurs de l’apprentissage

Les recherches conduites sur l’apprentissage au moyen de la méthode expérimentale ont souvent porté jusqu’ici sur des situations simplifiées, établies à partir d’un petit nombre de comportements et étudiées de façon intensive. Elles ont fourni une très grande somme de résultats, qu’il n’est pas toujours facile d’ordonner de façon cohérente et univoque ; plusieurs théories de l’apprentissage ont ainsi vu le jour, chacune mettant plus fortement l’accent sur tel ou tel trait des situations soumises à l’investigation. Comme beaucoup d’entre celles-ci étaient plus commodément réalisables chez l’animal, on a, d’autre part, été parfois tenté de généraliser ces théories à partir de données recueillies essentiellement chez le Rat, le Chien ou le Singe. Depuis quelque temps, toutefois, des recherches comparées se sont multipliées et elles ont permis d’avoir une idée plus exacte des ressemblances et des différences existant entre espèces animales, et surtout de l’animal à l’Homme ; pour celui-ci, à côté des recherches classiques généralement conduites sur des adultes (et même assez souvent sur des étudiants), on a commencé à établir des comparaisons en fonction de l’âge, du niveau intellectuel, des conditions de l’environnement, du genre de vie, de la classe sociale, du milieu culturel, etc.

Toutes ces recherches conduisent, bien entendu, à un tableau d’une grande complexité. Il semble possible, toutefois, d’en dégager l’idée que tous les apprentissages, qu’il s’agisse de l’animal ou de l’Homme, de l’enfant ou de l’adulte, d’individus socialement favorisés ou défavorisés, sont régis par un certain nombre de facteurs très généraux, même si, comme c’est le cas pour toutes les lois naturelles, leur action se manifeste diversement selon les circonstances. La spécification du jeu des facteurs et la découverte de nouvelles lois mettent en jeu une méthodologie assez complexe et imposent le recours à une conceptualisation de plus en plus élaborée. On ne présentera ici qu’une description sommaire des principaux facteurs.


La contiguïté

Au premier rang de ceux-ci, il convient de placer la contiguïté, dont l’importance a été reconnue avant même la naissance de la psychologie scientifique. Son rôle est manifeste dans tous les apprentissages auxquels peut être clairement reconnu le caractère associatif ; il faut y ajouter que ce dernier est aujourd’hui reconnu à une gamme d’activités psychologiques beaucoup plus large que par le passé et que nombre de critiques adressées à l’ancien associationnisme ont été surmontées par le développement de la recherche.

Selon une grande famille de théories de l’apprentissage, celui-ci s’établirait par association ou liaison d’un événement perceptif, ou stimulus, et d’un comportement ou réponse ; ces théories sont, pour cette raison, dites « stimulus-réponse », ou S-R. Cependant, selon une autre famille de théories, appelées « cognitives » (ou encore S-S, c’est-à-dire « stimulus-stimulus »), c’est plutôt entre deux événements perceptifs et de façon indépendante de la réaction que s’établirait la liaison, celle-ci étant alors souvent conçue comme une intégration plutôt que comme une pure association entre deux éléments préexistant isolément. D’autres conceptions encore mettent l’accent sur le contenu mobilisateur ou affectif des événements en cause. Il est clair que ces différentes théories ne peuvent être correctement appréciées qu’en relation avec les catégories de faits dont elles visent préférentiellement à rendre compte : ainsi, les liaisons cognitives, pour s’en tenir à cet exemple, ont sans doute peu ou pas d’existence chez les Mammifères inférieurs ou les Poissons, alors qu’elles ont manifestement une grande importance dans la psychologie humaine.

Quoi qu’il en soit de la nature des éléments ainsi liés, la contiguïté, c’est-à-dire la simultanéité ou la proximité temporelle dans l’expérience du sujet, est une condition sans laquelle il n’est pas d’apprentissage possible.

Dans les recherches expérimentales, elle devient un objet de mesure sous la forme de l’intervalle temporel qui sépare les termes de la liaison, et dont on a pu montrer qu’il doit avoir une longueur optimale pour que l’apprentissage soit lui-même facilité au maximum.

Dans le domaine verbal, l’épreuve bien connue des associations libres, dans laquelle on demande à un sujet de répondre à un mot par le premier mot qui lui vient à l’esprit, est un révélateur des contiguïtés, soit linguistiques, soit personnelles, qui ont affecté le mot inducteur dans le passé du sujet ; l’expérimentation et la psychanalyse en font, sous diverses formes, un large usage.