Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

modèle (suite)

Méconnaissance de l’effet de système

Lorsque des mécanismes sont liés fonctionnellement en un système, chacun d’eux se voit interdire certains aspects de son fonctionnement propre. Le conducteur d’un câble coaxial de télévision « ne peut pas » conduire du courant domestique. Structurer, c’est avant tout contraindre : pour William Ross Ashby (né en 1903), l’information est avant tout une contrainte. Déstructurer, c’est libérer des comportements qui, au niveau des mécanismes élémentaires, étaient inhibés. C’est l’« actualisation » du « potentiel » (Stéphane Lupasco). D’un autre point de vue, bien connu depuis Claude Bernard, la fonction du « tout » n’est pas la simple sommation des fonctions des parties : il se produit toujours l’émergence d’une fonction nouvelle. L’édification d’un système implique donc à la fois une addition et une soustraction de performances.


Modèles et systèmes naturels

Tant qu’il s’agit de faire le modèle du produit de l’industrie de l’homme (moteur, pont, navire), on dispose de la connaissance de la finalité du sujet. On connaît les performances que l’on attend de lui ; c’est une représentation de tout ou partie de celles-ci qu’on attendra d’un modèle. Mais, quand il s’agit d’une donnée de la nature, d’un système biologique par exemple, on ignore tout ce qu’il y a d’essentiel dans son comportement, de sa finalité propre, de la possibilité de son insertion dans un système englobant qu’on ne peut généralement pas définir. Tout modèle relève donc d’une décision arbitraire du sujet connaissant.

Dans de telles modélisations, les grandeurs observées sont choisies arbitrairement, ainsi que les performances ; en outre, on perturbe profondément par l’observation même le système biologique observé. Lorsqu’on juge bon un modèle, cela veut dire que, dans les conditions artificielles où l’on place le sujet d’études (cellule, organe, animal ou société), celui-ci réalise parmi bien d’autres performances négligées ou inconnues des performances comparables à celles du modèle. Il ne faut d’ailleurs pas s’illusionner : tout modèle tenu pour explicatif d’un système n’est, en réalité, qu’un simulateur de mécanismes élémentaires.

Il semble bien que toute pensée humaine consciente soit le résultat de deux types de relations entre l’environnement et le système cérébral. D’une part, à partir des perceptions, il y a construction dans le système nerveux de modèles de l’environnement. Ces modèles seraient l’objet de manipulations originales qui créent des êtres nouveaux dans les supports cérébraux. D’autre part, à partir de ces êtres nouveaux, « imaginés », il y a construction physique dans l’environnement matériel de modèles de ces « sujets » imaginés. Cela correspondrait à une dialectique constructive dans laquelle « intérieur » et « extérieur » fourniraient également des sujets et des modèles.

On doit, légitimement, se demander pourquoi, ne disposant que d’une méthode aussi suspecte, l’homme a pu accroître d’une façon vertigineuse son emprise sur l’univers. On peut y trouver quelques raisons.
1. La quasi-totalité de la biosphère, privée de pensée, presque totalement privée de mémoire évolutive, n’en possède pas moins des dispositifs cybernétiques qui assurent sa prolifération. L’homme en a également ; en outre, sa mémoire lui permet de transcender l’« ici et maintenant ».
2. Les modèles les plus pauvres, les plus inadéquats, la pensée mythique la plus échevelée suscitent l’action toujours féconde.
3. L’homme peut créer son environnement à l’image de ses modèles intellectuels et il est apte à construire des modèles très élaborés.
4. L’aboutissement nécessaire de tout comportement pragmatique est la sélection des modèles expérimentaux aux dépens des modèles mythiques. C’est l’ouverture à la pensée scientifique.

Mais, comparable en un certain sens à Antée, la science est sans cesse menacée de dégénérer en mythe supérieur quand elle renie ses origines expérimentales et qu’elle prétend à l’absolu.

Les modèles dans le contexte du traitement de l’information

Il s’agit de représentations simplifiées ou abstraites d’un objet, d’un système ou d’un processus, permettant d’imager, d’expliquer, de calculer ou de prédire son comportement de façon plus rapide et plus efficace que par la considération directe de l’objet, du système ou du processus en cause.

Modèles explicatifs ou modèles prévisionnels

La finalité est différente selon les cas.
1. Pour l’homme de science (physicien, biologiste, économiste, etc.), un modèle doit être explicatif. C’est une représentation abstraite et synthétique d’une réalité complexe : des lois ou des principes simples, c’est-à-dire s’énonçant très brièvement en langage mathématique, sont ainsi dégagés, comme les lois de Newton (mécanique), les lois de Maxwell (électromagnétisme) ou le principe de relativité d’Einstein.
2. Pour l’homme d’action (ingénieur, manager, homme politique, etc.), un modèle doit être prévisionnel. C’est un outil de calcul et de prévision qui permet de prendre des décisions ou de lever des options.

Les modèles sont le plus souvent mathématiques. Ils peuvent être physiques ; on dit alors qu’ils sont « analogiques ».

Modèles mathématiques

Un modèle mathématique est un ensemble de relations solubles liant les variables décrivant un objet, un système ou un processus. Ces variables sont de plusieurs sortes :
— variables d’entrée ou de décision, ou de commande, ou de cause ;
— variables de sortie ou d’observation, ou de mesure, ou de résultat, ou d’effet ;
— variables intermédiaires, introduites pour la commodité de la description ou correspondant à d’autres paramètres fondamentaux de l’objet.

• Le modèle peut être statique ou dynamique, selon que le temps intervient explicitement ou non dans la description. Un modèle dynamique vérifie presque toujours le principe de causalité (applicable à tous les systèmes physiques) : une cause précède son effet.