Mithridate VI Eupator, dit le Grand (suite)
Mithridate consacra les années suivantes à restaurer son autorité en Asie et à se constituer des alliances avec Quintus Sertorius (75) et avec les pirates de Cilicie, puis il resserra ses liens avec le roi d’Arménie Tigrane. En 74, les hostilités reprirent. Mithridate envahit la Bithynie, devenue romaine, mais son succès fut de courte durée. Lucullus, gouverneur de Cilicie, l’investit devant Cyzique et le contraignit à se réfugier sur ses vaisseaux, puis en Arménie, tandis que les dernières villes insoumises du Pont étaient occupées par les armées romaines (71-70). Lucullus attaqua l’Arménie, mais, après des succès initiaux, se trouva en butte aux difficultés propres à ce pays reculé et dut battre en retraite. Mithridate put rentrer dans son pays (67). L’année suivante arriva Pompée* avec de nouvelles légions : il battit Mithridate, puis Tigrane, qui reconnut la suzeraineté romaine. Le roi du Pont, fugitif, gagna Panticapée par la voie de terre. Il avait réussi à regrouper autour de lui d’importants effectifs, et il projetait d’entraîner, nouvel Hannibal, les Barbares à la conquête de l’Italie. Mais il se heurta à des trahisons de la part de ses troupes, et, la veille du départ de son expédition, l’armée se souleva à l’appel de son fils Pharnace II, qui avait choisi de miser sur le parti romain. Pharnace II (64-47 av. J.-C.) fut proclamé roi à la place de son père, et les Romains lui laissèrent la royauté du Bosphore cimmérien.
Mithridate se fit tuer par un de ses soldats, le poison refusant de produire son effet.
Cet étonnant personnage n’a pas, en effet, usurpé sa renommée en matière de toxicologie. Le poison fut une de ses armes, qu’il se soit agi d’exécutions isolées ou d’opérations de grande envergure : Mithridate faisait empoisonner les puits sur le passage des armées ennemies. Mais il avait tant d’ennemis et les tribulations de sa jeunesse lui avaient laissé de tels souvenirs qu’il se méfiait de tous. La crainte du poison avait fait de lui un parfait expert en la matière, familier du laboratoire et de la bibliothèque, aussi averti des antidotes que des poisons eux-mêmes. La préparation qui lui avait permis de réaliser sa propre immunisation était un complexe mélange de poisons et de contrepoisons. En vérité, Mithridate s’intéressait également à l’ensemble de la médecine et à la botanique aussi bien qu’aux lettres grecques. On le disait parler vingt-deux langues et ne jamais faire usage d’interprètes. Il aimait l’art et la musique des Grecs, la compagnie des poètes et des philosophes. Mais il était aussi d’une superstition puérile, d’une grande sensualité, despotique, féroce et fourbe. Bref, il y avait en lui un mélange d’Oriental et de Grec. Ajoutons à cela qu’il était un coureur d’une exceptionnelle agilité, un chasseur inégalable, un gros mangeur et un grand buveur. Il avait manqué devenir un nouvel Alexandre le Grand.
R. H.
➙ Pompée / Pont / Rome / Sulla.
T. Reinach, Mithridate Eupator, roi de Pont (Didot, 1890).