Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mistral (Gabriela) (suite)

Chargée de représentations consulaires à partir de 1932, Gabriela Mistral ne cessera de voyager jusqu’à sa mort. Elle s’est déjà beaucoup déplacée : c’est en Espagne qu’elle publie son deuxième recueil, Tendresse (Ternura, 1924), et à Rome qu’elle apprend la mort de sa mère. Tala (1938) porte la marque de ce nouveau chagrin, qui met la foi de la poétesse à l’épreuve. Gabriela Mistral y exploite aussi une veine neuve en chantant « la matière des choses simples : le pain, le sel, l’eau, la pierre [...] » (Paul Valéry) ainsi que son pays, les paysages d’Amérique, la cordillère des Andes. Cet américanisme sera un de ses titres de gloire, et non des moindres. La poétesse est au Brésil lorsqu’elle apprend qu’elle est lauréate du prix Nobel de littérature (1945). Neuf ans plus tard, elle publie son dernier livre, Pressoir (Lagar), dans lequel elle se montre chrétiennement résignée après une nouvelle épreuve : la mort d’un enfant adopté.

Chrétienne, cette femme, nourrie de lectures bibliques, l’aura été moins selon l’Église, note un critique, que « selon le Christ ». Sa religion d’amour pour les créatures les plus faibles, les enfants et les pauvres, sa profonde humanité, avivée par une longue familiarité avec la douleur, rendent sa haute figure singulièrement attachante. Comme écrivain, poétesse d’abord, mais également prosatrice dans d’innombrables articles et essais, Gabriela Mistral est, par la variété de ses accents, par son style, à la fois simple et très riche, une des grandes voix de l’Amérique.

J.-P. V.

 M. Pomès, Gabriela Mistral (Seghers, 1963). / F. Alegria, Genio y figura de Gabriela Mistral (Buenos Aires, 1966).

Mitanni

Nom qui désigne à la fois un royaume qui devait se trouver en haute Mésopotamie (xvie-xiiie s.) et l’empire qu’il a dominé du xvie au xive s.



Les origines (xvie-xve s.)

Le Mitanni (appelé Hanigalbat par les Assyriens) reste très mal connu, car on n’a pas retrouvé sa capitale Wassouganni, et les seules fouilles le concernant sont celles de villes appartenant à des royaumes secondaires de cet empire (Alalah, dans la partie septentrionale du couloir syrien ; Nouzi, près de Kirkūk, à l’est du Tigre moyen).

Le royaume de Mitanni est né de la poussée vers l’ouest du peuple hourrite, qui est, à partir du xvie s., guidé par une aristocratie guerrière où se mêlent Hourrites et Aryens, et il profite du vide créé par la disparition des dynasties amorrites d’Alep (v. 1600) et de Babylone (1595), puis du recul des Hittites (apr. 1590) et de l’Égypte (apr. 1504). Il impose sa prédominance à des États plus faibles, qui occupent un espace immense du Zagros à l’Oronte, de l’Araxe à l’Euphrate moyen ; la plupart sont dominés par des rois et une noblesse de charriers, d’origine aryenne ou hourrite, mais certains ont gardé des dynasties appartenant à d’autres ethnies, tel l’État d’Assour, qui subit comme les autres la présence d’un représentant du roi de Mitanni auprès du souverain local, le vicaire d’Assour.

Les premiers rois mitanniens n’étant pour nous que des noms, la date et les étapes de la constitution de leur empire restent inconnues. Ces rois se sont-ils déjà heurtés aux pharaons en Syrie septentrionale ? On l’a supposé, car Thoutmosis Ier, vers 1525, a atteint l’Euphrate après avoir battu les troupes du pays de Naharina (entre Oronte et Euphrate), nom sous lequel les Égyptiens désignent généralement le Mitanni, mais qui est aussi une expression géographique, signifiant « pays des fleuves ».


L’apogée (xve-xive s.)

L’apogée correspond au règne du roi Saoustatar, que l’on est tenté de placer, pour cette raison, avant les campagnes de Thoutmosis III, qui, à partir de 1482, conquiert la majeure partie du couloir syrien et bat en Naharina les Mitanniens (s’agit-il des troupes du grand roi de Mitanni ou de celles des rois locaux de Syrie qui dépendent de lui ?). Le pharaon suivant, Aménophis II (v. 1450-1425), doit réprimer plusieurs révoltes suscitées dans son domaine asiatique par le Mitanni. Puis les deux puissances font la paix : les Mitanniens gardent le nord-est du couloir syrien, et Thoutmosis IV (v. 1425 - v. 1405) épouse une fille du roi de Mitanni, inaugurant ce qui sera une tradition pour les pharaons pendant un demi-siècle.


La fin (xive-xiiie s.)

Mais, lorsque, après 1370, le roi hittite Souppilouliouma (v. 1380 - v. 1345) entame la destruction de la domination mitannienne en Syrie, le pharaon Aménophis IV ne croit pas utile d’engager ses forces dans la défense de son allié, le roi Toushratta, qui est, d’autre part, menacé par Artatama, un de ses parents, qui prétend au trône. Finalement, Toushratta, battu par les Hittites, est assassiné, et Artatama ne recueille qu’une partie de l’empire, car il a dû payer l’appui des souverains voisins, en particulier du vicaire d’Assour, Assour-ouballith Ier (1366-1330), dont le père avait pu rejeter la souveraineté du Mitanni : l’Assyrien devient même le protecteur d’Artatama et de son fils Shouttarna. Souppilouliouma, qui avait d’abord encouragé ces deux princes, soutient ensuite les revendications de Mattiwaza, fils de Toushratta, pour faire pièce à l’Assyrien ; et il y a pour un temps deux royaumes de Mitanni : l’un dépendant des Hittites, l’autre des Assyriens. L’existence du Mitanni se termine obscurément : au xiiie s., celui-ci ne forme plus qu’un seul État, qui s’appuie sur les Hittites pour résister aux Assyriens et qui est définitivement détruit par ces derniers sous leur roi Shoulmân-asharêdou Ier (Salmanasar) [1276-1246].


La civilisation du Mitanni

Composite comme l’empire dont la puissance la suscite, elle offre l’intérêt de faire entrevoir des cultures encore plus mal connues, comme celles des Aryens du IIe millénaire, des Hourrites et des autres populations non sémitiques de la haute Mésopotamie orientale. Mais l’essentiel de cette synthèse inachevée est dû à l’apport culturel de la basse Mésopotamie à la littérature suméro-babylonienne. L’art du Mitanni est encore plus composite, car il participe à la koinê (ensemble commun à plusieurs civilisations) du bronze récent en Orient. Aussi n’est-on jamais sûr que les objets produits sur le territoire du Mitanni — comme la céramique et les sceaux de Nouzi — soient vraiment propres à cet État.

L’importance politique et culturelle de ce grand État, qui fut un temps le premier en Orient et dont la production artistique constitue une des sources de l’art assyrien, appelle les fouilles qui permettront de mieux le connaître.

G. L.

➙ Assyrie / Hourrites / Mésopotamie.

 D. Garelli, le Proche-Orient asiatique, des origines aux invasions des Peuples de la Mer (P. U. F., coll. « Nouv. Clio », 1969).