Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

accouchement (suite)

Cette période peut être marquée par des complications infectieuses ou hémorragiques : l’infection puerpérale a pour porte d’entrée les voies génitales et la surface d’insertion placentaire, et pour germe en cause le streptocoque. Elle représentait un danger redoutable autrefois (une femme sur dix-sept en mourait en 1856 à la Maternité de Paris). De nos jours, l’infection menaçante est si rapidement jugulée par les antibiotiques qu’elle n’a plus le temps de se développer. Les formes graves (septicémie, péritonite, salpingites puerpérales) ont pratiquement disparu ; les formes bénignes (endométrites ou périmétrites puerpérales) sont très vite jugulées.

Les hémorragies des suites de couches, distinctes des pertes de sang physiologiques, peuvent avoir pour cause une rétention de placenta, une infection utérine (fréquemment à streptocoque hémolytique), une inertie du muscle utérin ou un trouble hormonal. En règle générale, elles guérissent très bien. Enfin, cette période est celle des complications mammaires de l’allaitement*.

Historique

L’art de l’accouchement tenait déjà une place importante dans l’ancienne Égypte. L’accouchement avait lieu dans une maison spéciale destinée à mettre en quarantaine la parturiente. Il se faisait en position accroupie, au-dessus de trois pierres rectangulaires, constituant le « siège de mise au monde ». C’est à ce siège que fit allusion le pharaon en disant aux sages-femmes : « Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux et que vous les verrez sur le siège, si c’est un garçon, faites-le mourir... »

La mythologie grecque comporte de nombreuses références à l’obstétrique, mais si Esculape fut le dieu de la Médecine, il ne semble pas s’être beaucoup intéressé aux accouchements.

Seules les femmes y présidaient. Après Hippocrate et le renouveau médical, les sages-femmes ne durent plus s’occuper que des accouchements normaux. En cas de difficultés on avait recours aux médecins. Ceux-ci pratiquaient la « succussion » (la femme, attachée sur son lit, était secouée verticalement ou horizontalement selon la position de l’enfant), la dilatation artificielle du col, la version céphalique et facilitaient l’expulsion par des poudres à éternuer... Aristote pensait que cette expulsion était due aux mouvements du fœtus, dont les membres déchiraient les membranes.

La mythologie romaine fit une grande place aux divinités de la fécondation : les femmes enceintes invoquaient Lucina, déesse de l’Accouchement. Soranus d’Éphèse qui, formé à l’école d’Alexandrie, exerça à Rome sous les règnes des empereurs Trajan et d’Hadrien, fut le plus grand accoucheur de l’Antiquité. Il sauva de nombreux enfants grâce à la version podalique (alors que, jusque-là, seule la version céphalique était connue) et préconisa l’usage d’une chaise obstétricale. Ses écrits furent malheureusement perdus ou ignorés jusqu’à la fin du Moyen Âge, époque où l’obstétrique demeura tout entière entre les mains des matrones et bien loin des connaissances gréco-romaines.

À la Renaissance, la pratique des accouchements, qui représentait alors la plus grande partie de la médecine, bénéficia considérablement des idées nouvelles. Ambroise Paré peut être considéré comme le premier des accoucheurs-chirurgiens, puisque, avant lui, on faisait appel à des médecins et non à des chirurgiens. La version par manœuvres internes, qu’il préconisa à nouveau, après Soranus, sauva la vie de très nombreuses femmes, dont sa fille Anne.

Au xviie s., l’obstétrique fut au premier rang en France, grâce à François Mauriceau (1637-1709). Ce dernier laissa son nom à la « manœuvre de Mauriceau », qui consiste à extraire la tête en dernier au cours de l’accouchement par le siège. Le premier, il fit abandonner la chaise obstétricale pour le lit d’accouchement. Le forceps fut découvert, en Angleterre, par un membre de la famille Chamberlen, mais il resta secret jusqu’au xviiie s. Hugh Chamberlen, forcé de s’expatrier à Paris, tenta de vendre son secret à Mauriceau, mais ce dernier, non convaincu, ne l’acheta pas. Vers 1693, cependant, quelques accoucheurs hollandais furent en possession du forceps. On pense généralement que H. Chamberlen, après une banqueroute, dut se réfugier en Hollande et qu’il y vendit son secret. Au xviiie s., le forceps reçut une forme nouvelle des mains de Smellie et de Levret. Jean-Louis Baudelocque (1746-1810), accoucheur de la maternité de Port-Royal, précisa le mécanisme de l’accouchement normal et montra l’intérêt de mesurer les diamètres externes du bassin pour porter un pronostic sur les possibilités d’accouchement. Il fut choisi par Napoléon pour assister Marie-Louise, mais, comme il mourut en mai 1810, cet honneur échut à A. Dubois. Pendant la première moitié du xixe s., l’obstétrique resta très en retard. À Édimbourg, Simpson préconisa l’utilisation de chloroforme au cours de l’accouchement et en fit bénéficier la reine Victoria lors de la naissance du prince Léopold (accouchement « à la reine »). La seconde moitié du xixe s. et le début du xxe furent marqués par les découvertes de Lister, de Pasteur et de Semmelweis concernant l’infection puerpérale et par l’avènement de la césarienne segmentaire. À Vienne, dont l’école médicale était cependant à son apogée, l’infection puerpérale faisait des ravages considérables : en 1842, plus de 30 p. 100 des femmes de la clinique servant à l’enseignement des étudiants mouraient de cette infection après leur accouchement. Par contre, la mortalité dans la clinique servant d’école aux élèves sages-femmes était bien moindre. Ignác Fülöp Semmelweis (1818-1865) démontra, non sans luttes, que c’étaient les étudiants qui propageaient les germes infectieux de la salle d’autopsie, où ils disséquaient, jusqu’au chevet des accouchées. Il imposa les ablutions avec du chlorure de chaux et proclama, le premier : « Quiconque accouche une femme sans lavage des mains est un criminel. » Nommé en 1855 professeur à l’université de Pest, il fit tomber cette effrayante mortalité à 0,85 p. 100. Néanmoins, ses idées ne rencontrèrent que scepticisme et critiques acerbes. Incompris de son vivant, il se crut persécuté et sombra dans une démence progressive qui le conduisit dans un asile d’aliénés, où il mourut.