Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Milan (suite)

Milan, ville d’art

Les colonnes romaines dressées devant la basilique San Lorenzo sont l’un des rares vestiges de l’Antiquité. Fondée au ive s., la basilique fut plusieurs fois reconstruite, notamment au xvie s., mais toujours sur le plan primitif. Les mosaïques des chapelles de San Lorenzo et celles de la basilique Sant’Ambrogio, également fondée au ive s., révèlent l’importance de la ville à l’époque paléochrétienne ; en sculpture, le grand sarcophage de Sant’Ambrogio, de la fin du ive s., demeure une pièce exceptionnelle.

Transformée aux viiie, ixe et xie s., Sant’Ambrogio est précédée d’un très bel atrium du xiie s. Elle possède les caractéristiques du style romano-lombard : faite des murs extérieurs orné d’un feston en léger relief supporté par des pilastres plats, décor et murs traités dans le même appareil rustique. Subsistent encore, du Moyen Âge, Sant’Eustorgio, construite au ixe s., dont l’abside et le noyau principal datent du xiiie s. ; le campanile de l’église San Gottardo, édifié au xive s. ; et aussi quelques édifices civils, le palais de la Raison, ou Broletto Nuovo, et la loggia degli Osii.

L’événement principal est évidemment, au xive s., la fondation du Dôme, dont la construction occupera des générations d’artistes. Malgré l’étalement des travaux dans le temps (près de six siècles !), l’unité architecturale de l’ensemble est assez étonnante et, si la façade est de style classico-baroque, il n’empêche que l’inspiration des maîtres d’œuvre successifs resta profondément gothique.

La peinture gothique survit grâce aux fragments de fresques de la salle des jeux du palazzo Borromeo, et à quelques peintures et dessins de Giovannino De’Grassi († en 1398).

La civilisation de la Renaissance est arrivée assez tard dans la grande cité lombarde ; elle a été importée de Florence, de Ferrare et de Mantoue par les Visconti et les Sforza, qui appelèrent à leur cour des humanistes et des artistes remarquables. L’apogée se situe sous le règne de Ludovic le More. Léonard* de Vinci est alors le plus beau fleuron de cette cour brillante et raffinée. La reconstruction du château des Sforza sur l’ancien château des Visconti se poursuit sous la direction de Bramante*, des frères Solari, Cristoforo (1460-1527) et Andrea (v. 1460 - v. 1520), et d’Antonio Averlino, dit le Filarete (1400 - v. 1469). Ce dernier élève, avec Guiniforte Solari (1429-1481), le portique de l’Ospedale Maggiore, tandis que Bramante donne deux autres chefs-d’œuvre de la Renaissance : l’église Santa Maria presso San Satiro et la coupole, l’abside et le cloître de Santa Maria delle Grazie. Une multitude d’églises ont été modifiées ou construites aux xve et xvie s. : dans l’église Sant’Eustorgio s’élève la chapelle Portinari, due à Michelozzo (1396-1472) ; à San Nazaro la chapelle Trivulzio, par Bartolomeo Suardi, dit le Bramantino (v. 1465 - v. 1536).

Trois architectes maniéristes se détachent dans la seconde moitié du xvie s. Pellegrino Tibaldi (1527-1596) construit l’église San Fedele (1569) et la cour de l’archevêché. Leone Leoni (1509-1590) subit profondément l’influence de Michel-Ange* en élevant la façade de la Casa degli Omenoni, ornée de huit énormes atlantes. L’ouvrage le plus important de Galeazzo Alessi (1512-1572) est le palazzo Marino, où se développe une profusion d’ornements assez confus, mais typiques du maniérisme lombard. La fin du siècle est marquée par la personnalité de saint Charles Borromée (1538-1584), fondateur de nombreuses églises, collèges et institutions.

La peinture milanaise de la Renaissance et du baroque est dominée par quelques grands artistes originaires d’autres régions de l’Italie. Auteur du cycle des fresques de l’histoire de saint Pierre (1467-68, chapelle Portinari à Sant’Eustorgio), Vicenzo Foppa (v. 1427 - v. 1515) est considéré comme le fondateur de la première école milanaise. Il eut plusieurs disciples, dont Bernardino Butinone (v. 1450 - apr. 1507), Bernardino Zenale (1436-1526) et Ambrogio da Fossano, dit le Bergognone (actif de 1481 à 1522), qui adoucit les lignes et subit l’influence de Léonard de Vinci. Du reste, l’admiration suscitée par la Cène (au couvent des Dominicains de Santa Maria delle Grazie) valut à Léonard de nombreux imitateurs : Bernardino Luini (v. 1485-1532), Giovanni Ambrogio De Predis (v. 1455 - v. 1510), Andrea Solari, Giovanni Antonio Boltraffio (1467-1516), entre autres. Avec eux, l’école milanaise et lombarde manifeste une suavité un peu stéréotypée, dont elle ne se débarrassera souvent qu’au prix d’un éclectisme lui aussi discutable.

Si les arts majeurs furent souvent le fait d’artistes nés en dehors de Milan, il n’en est pas de même pour les arts mineurs : étoffes et armes faisant la gloire, aux xve et xvie s., des artisans milanais ; les cristaux d’art étaient aussi très recherchés.

Malgré Francesco Maria Richini (1584-1658) — palais Durini, Litta, de Brera — et surtout Giuseppe Piermarini (1734-1808), constructeur du palais Royal et du théâtre de la Scala (1776-1778), l’art milanais des xviie, xviiie et xixe s., peu novateur, reste attaché à un éclectisme et à des modèles néo-classiques et romantiques venus d’ailleurs. Ce n’est pas la fondation de l’académie des Beaux-Arts de Brera (xviiie s.) qui pouvait modifier cette situation, bien au contraire ! Les créations les plus intéressantes sont pourtant des œuvres néo-classiques, comme la galerie Victor-Emmanuel II, par Giuseppe Mengoni (1829-1877), ou l’arc de triomphe de la Paix, de Luigi Cagnola (1762-1833).

La prospérité économique entraîne dès le début du xxe s. un renouveau artistique ; depuis l’architecte Antonio Sant’Elia (1888-1916), qui expose à Milan le projet de sa Città Nuova (v. futurisme), jusqu’à nos jours, où Gio Ponti (né en 1891) exerce son activité en liaison avec Nervi* (gratte-ciel Pirelli, 1958), Milan peut être considérée comme un véritable laboratoire de l’architecture, du design (exposition triennale) et de l’art contemporains.

B. C.