Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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migrations animales (suite)

Les modalités de la migration


Méthodes d’étude

De nombreuses techniques ont été mises au point pour étudier le phénomène de la migration et ses modalités. La plus classique est celle du marquage individuel : différents types de marques inoxydables fixées aux nageoires des Poissons, tubes contenant les indications nécessaires fichés au fusil dans la graisse des Baleines, traceurs radio-actifs déposés sur les Insectes, bagues posées à la patte des Oiseaux, etc. En Grande-Bretagne, plus de 500 000 Oiseaux sont bagués chaque année, et les taux de reprise varient entre 0,5 et 20 p. 100 suivant les espèces. Le baguage des Oiseaux a donné de précieuses informations sur les itinéraires empruntés, la vitesse de déplacement, ainsi que des renseignements sur la longévité, le taux de mortalité, etc. La technique moderne a été mise à contribution, et un pas décisif a été franchi dans la connaissance des modalités des migrations d’Oiseaux grâce au radar. Les premiers échos radar provenant d’Oiseaux ont été identifiés en 1940, et l’amélioration des appareils a rapidement permis de faire des mesures très précises sur le volume de la migration, la direction, la vitesse et l’altitude des Oiseaux, le comportement des migrateurs en fonction des facteurs météorologiques et leurs réactions quand ils se heurtent à des conditions brusquement défavorables, enfin les mécanismes de navigation et d’orientation des migrateurs qui survolent la mer et leur direction de vol en fonction de la direction et de la force du vent.


Itinéraires. Altitude. Vitesse

On a longtemps cru que tous les migrateurs suivaient des itinéraires fixes, régulièrement réempruntés. Cela est vrai pour quelques Poissons comme le Saumon, qui remontent pondre dans la rivière qui les a vus naître, ou certains Mammifères qui suivent fidèlement les mêmes pistes à tel point que, vues d’avion, elles dessinent de longs rubans sur des centaines de kilomètres. Plusieurs groupes d’Oiseaux suivent également des itinéraires fixes quand leur comportement ou leur manière de migrer les obligent à suivre des repères topographiques. C’est le cas de nombreux Oiseaux de mer, qui suivent fidèlement le tracé des côtes, et surtout celui de grandes espèces terrestres comme les Rapaces et les Cigognes, qui évitent systématiquement la mer et recherchent les reliefs favorisant les courants ascendants leur permettant de pratiquer le vol plané.

Mais la plupart des petits Oiseaux terrestres effectuent leur voyage par le plus court chemin et sont assez peu influencés par le relief qu’ils survolent. Le continent africain est abordé en automne sur toute sa largeur, des côtes de l’Atlantique à celles de la mer Rouge, par un très large front de survol emprunté par des millions d’Oiseaux. Ni la Méditerranée ni le Sahara ne constituent pour eux des obstacles infranchissables ; ils sont survolés de part en part, même par les plus petites espèces. Plusieurs groupes de migrateurs voyagent de jour, mais la grosse majorité des Passereaux migrent de nuit ou de nuit et de jour quand la longueur des trajets sans arrêt possible les y contraint (survol des mers).

L’altitude du vol est fonction du mode de migration. La plupart des Oiseaux de mer volent à très faible hauteur et souvent au ras des vagues. Il en est de même pour de nombreuses espèces continentales qui utilisent des repères terrestres ou les courants ascendants. Pour les petits Passereaux, l’altitude moyenne de croisière est de l’ordre de 1 000 à 1 500 m, mais les plus hautes montagnes sont traversées et des altitudes de 6 à 7 000 m ont été déterminées au radar. Leur vitesse n’est pas plus élevée qu’au cours de leurs autres activités, elle est de 40 à 50 km/h pour la majorité des petits Passereaux, nettement supérieure chez les bons voiliers comme les Martinets ou les Faucons.


Mécanismes de navigation. Adaptations physiologiques

L’un des problèmes les plus fascinants de la migration est celui des mécanismes de navigation et de sécurité que les animaux ont acquis pour arriver à bon port. Chez les Poissons, les problèmes de navigation et d’orientation se posent pour les espèces comme les Anguilles au moment de leur migration d’avalaison qui les emmène dans la mer des Sargasses, où s’effectue la ponte, ou chez les Saumons quand ils remontent de l’océan pour pondre dans leur rivière natale. Il existe probablement pour ces espèces un véritable sens de l’orientation déterminé par une conjonction de facteurs physiologiques et olfactifs qui les conduisent à rechercher les eaux dont les caractéristiques physico-chimiques et thermiques correspondent à leurs besoins, et à s’en rapprocher peu à peu. On peut se demander aussi par quels moyens les Oiseaux et notamment les petits Passereaux, dont la majorité font le voyage pour la première fois sans être guidés par leurs aînés, parviennent à s’orienter au cours de leurs longs vols nocturnes, alors qu’ils survolent d’immenses étendues continentales et marines totalement inconnues. Comment « savent-ils » quand ils sont arrivés ? Comment réagissent-ils aux intempéries et aux vents qui les dérivent ? Comment trouvent-ils l’énergie qui leur permet, alors que certains d’entre eux pèsent moins de 10 g, de soutenir pendant des dizaines d’heures un vol battu nécessaire à la traversée d’aussi redoutables obstacles que sont la Méditerranée (600 à 800 km) et le Sahara (1 000 à 1 500 km) ou le golfe du Mexique (1 800 km) ? Plusieurs de ces questions n’ont pas trouvé de réponse. Nous savons toutefois que, en l’absence de tout repère terrestre (vols nocturnes ou transocéaniques), les Oiseaux migrateurs possèdent une aptitude héréditaire à s’orienter, à choisir, puis à conserver leur direction de vol qui, pour les Oiseaux paléarctiques, est axée sur le sud-ouest à l’automne et le nord-est au printemps.

Comme on l’a démontré expérimentalement, les Oiseaux conservent leur direction standard en se fondant sur des repères visuels : le Soleil et les étoiles (l’Oiseau est dérouté quand le ciel est entièrement couvert) ; ils savent tenir compte du mouvement du Soleil et maintenir constante leur direction de vol (existence d’une « horloge interne ») ; ils connaissent la disposition des constellations et corrigent leur direction de vol en fonction des modifications de ces dernières au fur et à mesure qu’ils vont au sud à l’automne et au nord au printemps ; lorsqu’ils sont fortement dérivés par des vents latéraux, ils sont dans une certaine mesure capables de se réorienter et d’atteindre leur but initial.