Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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messe (suite)

L’histoire de la messe durant le Ier millénaire consiste en l’élaboration progressive du schéma général. Vers l’an 1000, l’ensemble est constitué. Les trois papes qui ont plus que d’autres contribué à la fixation du formulaire liturgique sont Damase Ier (366-384), Gélase Ier (492-496) et Grégoire Ier le Grand (590-604), à qui le chant dit « grégorien » doit son nom.


Constitution de la messe

Depuis ce temps, le déroulement de la messe est resté à peu près fixe. On y rencontre des éléments d’importance inégale et d’origines diverses, qui peuvent se répartir en deux temps :
1o l’avant-messe, ou messe des catéchumènes (c’est-à-dire la seule partie de la messe à laquelle pouvaient assister ceux qui n’avaient pas encore reçu le baptême), qui, conformément aux habitudes de la synagogue, est composée de chants, de lectures et de prières ;
2o la messe proprement dite, le sacrifice eucharistique, dont les trois moments principaux sont l’offertoire, la consécration et la communion. Dans cet ensemble, il faut distinguer les éléments constants, l’ordinarium missae, et les éléments variables, le proprium temporis ou le proprium sanctorum. L’ordinaire comprend six prières : la triple invocation du Kyrie eleison, seul vestige grec dans la messe latine, le Gloria, hymne à louange à Dieu, le Credo, énoncé des principes de foi, dernière pièce à être incorporée à l’ordinaire (à Rome, au xie s.), le Sanctus et le Benedictus, réplique latine fort ancienne du trisagion, connu à Constantinople dès le ve s., l’Agnus Dei, triple appel à la miséricorde, et l’Ite, missa est, formule de congé.

Le propre varie selon le temps de l’année liturgique (proprium temporis) ou la fête célébrée (proprium sanctorum) et comporte : le chant d’entrée, l’introït ; une brève prière de demande, l’oraison ; une première lecture, l’épître ; un chant de procession, le graduel, suivi de l’Alleluia ; la seconde lecture, l’évangile ; la prière d’offertoire ; une prière récitée à voix basse sur les offrandes, la secrète ; un extrait de psaume, appelé communion ; une dernière prière, la postcommunion.


Le « corpus grégorien »

L’élaboration de ce corpus, œuvre collective dans laquelle il serait vain de chercher à déterminer les auteurs, s’étend sur un grand nombre de siècles. Mais longtemps la transmission n’a été qu’orale ; nous ne pouvons donc connaître que par des manuscrits tardifs (les premiers manuscrits à neumes ne remontent pas au-delà du ixe s.) les compositions les plus anciennes. L’âge d’or du chant grégorien commence au viie s. et se poursuit deux siècles encore. Le répertoire se fixe de façon autoritaire, notamment à partir de la naissance du monde carolingien. Les époques suivantes grossiront le corpus, mais l’ère de grande production est close.

Le livre appelé graduel contient l’ensemble des chants exécutés à la messe durant l’année liturgique, d’une part les chants de l’ordinaire, d’autre part les chants du propre.

Les dix-huit messes grégoriennes, groupant Kyrie, Gloria (sauf pour les trois derniers), Sanctus, Agnus Dei (l’Ite, missa est n’est que la reprise de la mélodie d’un Kyrie), ne sont que des assemblages disparates et accidentels de pièces conçues séparément et à différentes époques. Désignées par l’incipit du trope, elles sont plus ou moins affectées soit à un moment de l’année liturgique, comme la messe no 1, Lux et origo, soit à différents degrés de solennité, comme la messe no 4, Cunctipotens genitor Deus. Le Credo n’est inclus dans aucun de ces ordinaires, et l’on n’en compte que quatre usuels. Sur les cinq pièces de l’ordinaire, trois sont fondées sur la répétition au moins partielle d’éléments mélodiques : le Kyrie, le Sanctus et l’Agnus. Les deux autres, Gloria et Credo, sont des hymnes non versifiées, exécutées par deux chœurs qui se répondent.

Les pièces du propre sont plus variées et beaucoup plus abondantes. Elles n’ont pas toujours conservé leur intégralité dans les manuscrits qui nous les ont léguées. Ayant été souvent écourtées, elles ont, de ce fait, perdu certaines de leurs caractéristiques et ne sont pas toujours aisées à classer. Elles se répartissent en trois formes : antiennes, répons et traits.

L’antienne tire son nom, antiphona, d’un procédé d’exécution : le chant des psaumes en deux chœurs alternés. Elle en est venue à désigner la pièce mélismatique chantée avant et après le psaume par les deux chœurs groupés. Deux chants du propre sont des antiennes : l’introït, dont le psaume s’est progressivement réduit au seul premier verset suivi de la doxologie, et la communion, dans laquelle le psaume — sauf pour la messe de requiem — a totalement disparu.

Le répons était primitivement fondé sur une alternance, mais entre l’assistance et une personne, prêtre ou lecteur. Dans les formes élaborées, il en reste l’alternance entre l’ensemble du chœur, qui chante le refrain introductif, le corps même du répons, et les solistes, qui répondent par un verset en général très orné. Le chœur termine le verset sur un mélisme emprunté à la fin du refrain introductif. Telle est la forme du graduel et de l’Alleluia.

Le cas de l’offertoire est un peu particulier. Comme il n’a gardé que sa première section, on ne peut savoir avec certitude sous quelle rubrique le classer. D’aucuns le disent répons, d’autres antienne. Aujourd’hui, on tend à le considérer comme antiphona ad offertorium.

Durant certaines périodes de pénitence, le chant d’allégresse Alleluia est remplacé par le trait, qui n’est que le chant d’un psaume rendu plus solennel par ornementation ; on y trouve, mais amplifiées, toutes les formules de la cantillation : l’intonation, les deux teneurs, la médiante et la terminaison. Pour assurer une cohésion plus grande à ce psaume orné, l’intonation du premier verset et la terminaison du dernier sont beaucoup plus développées que celles des autres versets.