Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mérovingiens (suite)

Dès lors, les souverains ne sont plus que des jouets entre les mains des maires du palais. Libéré, Ebroïn s’appuie aussitôt sur les Austrasiens et sur Clovis III, fils prétendu de Clotaire III, pour reprendre le contrôle de la mairie du palais de Neustrie et de Bourgogne, temporairement occupée par un fils d’Erchinoald, Leudesius, qui est exécuté après la défaite à Baizieux, près de Corbie, de son souverain Thierry III. Ebroïn, qui écarte alors Clovis III au profit de ce dernier souverain, se heurte à une tentative d’émancipation de la Bourgogne, dont il brise le particularisme en faisant supplicier en 676/678, puis exécuter en 677/679 celui qui l’incarne : saint Léger, évêque d’Autun.

À cette dernière date, seule l’Austrasie conteste encore la prépondérance de la Neustrie et de son chef réel, Ebroïn, qui n’a remporté que des succès éphémères dans la longue lutte qui l’oppose à la puissante famille des Pippinides. C’est ainsi qu’il a fallu six ans à ce dernier pour briser la tentative d’usurpation du fils de Pépin de Landen, le maire du palais Grimoald, et de son fils Childebert (656-662), qu’il a fait adopter par le Mérovingien Sigebert III et dont la victime a été le jeune Dagobert II. Tonsuré, relégué en Irlande (656-676), celui-ci ne revient que tardivement pour régner sur l’Austrasie (676-679), où il succède paradoxalement à son frère Childéric II (662-675). Mais la disparition du maire du palais d’Austrasie, Vulfoald (Goufaud) [662-679], permet à Pépin de Herstal, petit-fils de Pépin de Landen et d’Arnoul, évêque de Metz, de reprendre le pouvoir dans ce royaume, au moment même où la disparition de Dagobert II livre l’Austrasie en 679 à son cousin le roi de Neustrie Thierry III et à son maître Ebroïn. Vaincu par ce dernier en 680 à Lucofao (auj. Bois-du-Fays, près de Laon), Pépin de Herstal s’enfuit, et son frère (ou demi-frère) Martin est exécuté. Ebroïn apparaît alors comme l’unique maître de la Gaule mérovingienne. Mais son assassinat en 680 (ou 683) par un officier révoqué, Ermenfroy, remet tout en cause.


La montée de l’Austrasie et le triomphe des Pippinides (687-751)

La faiblesse du nouveau maire du palais de Neustrie, Waratton (680 ou 683 - v. 686), l’incapacité de son gendre et successeur, Berchier (686-687), la victoire remportée sur ce dernier par Pépin de Herstal à Tertry, près de Saint-Quentin, en 687 permettent à l’Austrasie de substituer définitivement sa prépondérance à celle de la Neustrie à la fin du viie s. Unie à la Bourgogne, celle-ci ne conserve que les apparences de l’autonomie : la mairie du palais, dont le titulaire désigné par Pépin est en fait soit l’une de ses créatures, tel Norbert (v. 687 - v. 700), soit l’un de ses fils, tel Grimoald (v. 700-714) ; la royauté, dont les héritiers, trop jeunes pour gouverner, se contentent de régner sur l’ensemble un peu disparate du regnum Francorum depuis leur résidence neustrienne, tels Clovis III (ou IV) [v. 691 - v. 695], Childebert III (v. 695-711) et Dagobert III (711-715).

Maître du jeu, Pépin peut alors rétablir l’hégémonie franque sur les peuples germaniques qui se sont émancipés au viie s. : au nord, les Frisons de Radbod sont rejetés au nord du Rhin, et la fille de leur prince, Théodelinde, est contrainte d’épouser Grimoald en 695/696 ; à l’est, les Alamans, émancipés par leur duc Gottfried à la fin du viie s., sont replacés sous l’autorité franque entre 709 et 712, et leur évangélisation est alors achevée, ainsi que celle des Germains de Bavière.

Liée à la personne de son auteur, cette œuvre est en fait très fragile. Elle l’est d’autant plus que les héritiers légitimes de Pépin ou meurent avant lui, tels ses fils Drogon et Grimoald, qui disparaissent prématurément en 708 et en 714, ou sont trop jeunes pour lui succéder efficacement, tel le fils bâtard de Grimoald, Theudoald, âgé seulement de six ans lorsque son grand-père disparaît le 16 décembre 714. Les Neustriens sont bientôt soutenus par les Aquitains du duc Eudes, par les Saxons, qui franchissent le Rhin, et par les Frisons, auxquels ils joignent leurs forces. Dirigés par leur nouveau maire du palais, Rainfroi, ils se révoltent contre l’autorité vacillante de la veuve de Pépin, Plectrude, et tentent de lui opposer celle d’un Mérovingien, fils réel ou non de Childéric II : un clerc de quelque quarante ans, Daniel, rebaptisé Chilpéric II (715-721), qui succède ainsi opportunément à Dagobert III.

L’intervention d’un autre bâtard de Pépin de Herstal, Charles (le futur Charles Martel), fils aîné de sa concubine Alpaïde, renverse brutalement la situation et sauve l’Austrasie et les Pippinides. Vainqueur des Neustriens près de l’Amblève en 716, à Vincy en 717 et aux abords de Soissons en 719, Charles couvre son action du manteau de la légitimité mérovingienne, d’abord en opposant au roi de Neustrie, Chilpéric II, un roi d’Austrasie, Clotaire IV (718-719), peut-être fils de Thierry III, puis en leur donnant un successeur, Thierry IV (721-737), fils de Dagobert III.

Fantoche dépourvu de tout pouvoir, Thierry IV, laisse la réalité du pouvoir à Charles, désormais unique maire du palais du regnum Francorum. Tenant solidement l’Austrasie familiale, maître incontesté de la Neustrie adverse et de la Germanie voisine, dont il facilite l’évangélisation avec l’aide principale de saint Boniface*, Charles Martel profite des invasions arabes pour restaurer enfin l’autorité franque dans toute la Gaule. Après avoir battu les forces musulmanes d’‘Abd al-Raḥmān ibn ‘Abd Allāh à Poitiers en 732, il impose en effet au duc d’Aquitaine, Hunaud, la prestation d’un serment de fidélité en 736 ; en même temps, il reprend en main le contrôle de la Gaule du Sud-Est, où il occupe la Bourgogne jusqu’à Lyon en 733, puis les villes de la vallée du Rhône au terme de nombreuses expéditions menées en 736, en 737 et en 739. Il néglige à la mort de Thierry IV, en 737, de recourir aux services d’un nouveau Mérovingien et procède peu avant sa mort à un partage « royal » de sa succession entre ses deux fils légitimes — Carloman (741-747), qui reçoit l’Austrasie, l’Alamannie et la Thuringe, Pépin le Bref (741-751), auquel il accorde la Bourgogne, la Neustrie et la Provence — et son fils naturel, Griffon (726-753), pourvu de quelques terres en Austrasie, en Neustrie et en Bourgogne, terres qu’il détient dès lors sans droit de souveraineté.