Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Méditerranée (mer) (suite)

Dans chaque forage du Glomar Challenger furent trouvés des niveaux plus ou moins épais d’évaporites (marnes gypseuses, anhydrite nodulaire et surtout sel gemme) datées (à l’aide des foraminifères) du Messinien (fin du Miocène). Il est encore difficile d’expliquer la présence de ce sel ; cependant, comme il est établi que l’ouverture du détroit de Gibraltar a dû se produire au Pliocène, voire au Quaternaire, il est légitime de supposer qu’au préalable la Méditerranée fut soumise, après la mise en place des grands reliefs, à un régime de bassins fermés en proie à une évaporation active.

• L’intensité des efforts de compression explique l’importance des phénomènes tectoniques, notamment dans le bassin oriental. Le seuil « est-méditerranéen » est une longue cordillère plissée comparable à une guirlande insulaire en voie de formation (d’anciens dépôts du Nil y sont déformés) au sud des fosses hellènes. Les pentes continentales peuvent être interprétées comme de gigantesques flexures-failles affectées de glissements. Un dernier témoignage de cette activité est fourni par l’abondance des appareils volcaniques qui furent tronqués par des surfaces d’abrasion marine ou démantelés par l’érosion à la façon du Vésuve, comme on l’a constaté pour ceux de la mer d’Alborán et de la mer Tyrrhénienne.

Compressions et déformations se poursuivent actuellement, comme l’atteste l’importance de la séismicité, qui, pour les géophysiciens, est le résultat de l’affrontement de la « plaque » africaine avec la « plaque » européenne, sous laquelle elle plonge, comme dans le bassin oriental. Nombreuses sont les preuves de déformations des terrasses marines récentes, de rejeu de failles le long des grandes falaises (Péloponnèse), d’apparitions souvent éphémères (par exemple sur le seuil sicilo-tunisien) et même de destructions partielles (par exemple Santorin en mer Égée) d’îles sous l’effet des phénomènes volcaniques. Périodiquement, les pentes continentales sont secouées par des tremblements de terre qui déclenchent des avalanches de boue ravinant les canons et sectionnant les câbles sous-marins, dont on retrouve des tronçons dans les plaines bathyales (comme cela fut observé lors du grand tremblement de terre d’Orléansville en 1954).


Une mer subtropicale


Par son climat

Celui-ci est caractérisé par la faiblesse des pluies (moyenne inférieure à 500 mm, toute la marge sud-est étant même franchement aride), les valeurs élevées des températures moyennes et l’intensité de l’évaporation (environ 1 400 mm par an). Saisonnièrement alternent les influences polaires et tropicales. En hiver et parfois au printemps, les dépressions issues du front polaire parcourent le couloir de basses pressions fortement creusé entre deux alignements anticycloniques nord et sud. Les vents, du nord (froids et secs, tels le mistral, la bora et le vardaris) ou du sud (comme le sirocco), peuvent souffler en rafales et sont capables de soulever des mers fortes, voire dangereuses.

En été et parfois en automne, la pression décroît sensiblement de l’ouest vers l’est (les courbes isobares sont orientées du nord vers le sud). Mais les dépressions ne peuvent parvenir sur le bassin, qui reste placé sous la protection de l’anticyclone atlantique. Le gradient de pression est donc faible, les vents sont modérés (avec un très remarquable effet de mousson sur toutes les côtes méridionales), les perturbations sont rares, les pluies sont absentes, la mer est belle ou modérée.

En toute saison, cette alternance saisonnière peut être perturbée par des phénomènes locaux tels que : l’intensité plus ou moins grande des brises de terre et de mer ; l’élévation des reliefs côtiers, qui produisent un blocage de l’air et un renforcement local du gradient de pression et des vents ; l’élaboration de petites perturbations susceptibles de provoquer de subites chutes barométriques qui sont à l’origine de seiches comme celles de la côte dalmate ou grecque (v. ondes océaniques) ou de brutales surélévations du niveau de la mer comme le phénomène connu sous le nom de marobbio en mer des Syrtes.


Par son hydrologie

• Une mer tiède. La température moyenne de l’eau de surface est comprise entre 17 (golfe du Lion) et 21 °C (eaux égyptiennes). C’est le nord de l’Adriatique (ouverte sur l’Europe centrale) qui a la plus faible moyenne annuelle (moins de 14 °C). L’amplitude thermique reste modérée à l’est, mais augmente vers le nord-ouest (plus de 10 °C), surtout sur les plates-formes continentales soumises aux vents froids du nord, comme le golfe du Lion et l’Adriatique. Jusqu’aux plus grandes profondeurs, la température de la Méditerranée, à la différence de l’Atlantique, reste égale ou supérieure à 13 °C, ce qui a pour conséquence que toute la colonne d’eau est homotherme en hiver. Cette eau profonde provient des plongées, ou cascading (v. courants océaniques), que subit l’eau de surface des régions septentrionales lorsque sévissent de longues périodes de froid sec et rigoureux.

• Une mer salée. Les pertes par évaporation (v. la carte) ne sont compensées que pour un tiers par les apports locaux des pluies et des fleuves. On dit alors que la Méditerranée est une mer à bilan hydrologique négatif : fait fondamental qui s’exprime par une augmentation sensible de la teneur en sels, qui croît régulièrement vers l’est au fur et à mesure que s’évanouit l’influence atlantique. Entre Chypre et la côte libanaise, la salinité oscille entre 38,5 et 39,5 p. 1 000. Ces taux restent constants, car le déficit hydrologique est comblé par une double pénétration en provenance de la mer Noire (par les Détroits) et surtout de l’Atlantique (par le détroit de Gibraltar). Par ailleurs, l’excès de sels est exporté par un courant profond qui franchit ce seuil et se répand dans l’Atlantique subtropical (v. Atlantique [océan]). À Gibraltar, Henri Lacombe et ses collaborateurs ont retrouvé le dispositif hydrologique complexe qui caractérise (v. la coupe) certains détroits (v. courants océaniques). Si le déficit de la Méditerranée n’était ainsi comblé, il se traduirait par un abaissement substantiel du niveau de la mer, de l’ordre du centimètre par an.