Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Médicis (les) (suite)

Cosme, qui sera salué lors de sa mort, en 1464, du titre de Pater patriae, transmet sans difficulté ses pouvoirs à son fils Pierre le Goutteux (Piero il Gottoso) [Florence 1416 - id. 1469]). Malade, mais excellent homme d’affaires, et habile homme d’État, Pierre surmonte la crise économique de 1465, qui élimine les Strozzi, et brise en 1466 la conjuration dirigée contre lui par Luca Pitti, aussitôt exilé. À sa mort, l’appui du duc de Milan Galéas-Marie Sforza (1466-1476) assure sa succession à son fils aîné, Laurent le Magnifique (Lorenzo il Magnifico) [Florence 1449 - Careggi 1492], auquel se subordonne son frère cadet Julien (Giuliano) [Florence 1453 - id. 1478].

Laurent se montre plus exigeant que ses prédécesseurs dans le choix de ses conseillers, tels Bartolomeo Scala, Girolamo Morelli, etc. ; il entend, après la révolte de Prato en 1470, assujettir totalement les conseils : celui des Cent, entièrement renouvelé en 1471, est chargé de la politique intérieure, il est alors subordonné à un nouvel organe : le conseil Majeur de 200 membres. Mais ayant mécontenté ses concurrents commerciaux en s’assurant par la force en 1472 le contrôle des mines d’alun de Volterra, Laurent suscite contre lui la dangereuse conspiration des Pazzi et des Salviati, soutenus par le pape Sixte IV. Il échappe miraculeusement à la mort, qui frappe Julien dans la cathédrale de Florence le 26 avril 1478 ; il fait exécuter les conjurés, dont l’archevêque Salviati, et réussit à briser la coalition dirigée contre lui en 1480, en rendant visite, au péril de sa vie, à son chef, le redoutable roi de Naples Ferdinand Ier, dont le pape a armé le bras. Membre des Otto della guardia dès 1478, puis des deux conseils des Soixante-Dix et des Dix-Sept, qu’il crée respectivement en 1480 et en 1490, et auxquels il réserve la nomination de tous les magistrats, il gouverne en fait directement Florence et achève la transformation de son régime en un principat dont les assises sont renforcées par son union, en 1469, avec l’héritière d’une vieille famille de la noblesse romaine, Clarisse Orsini, et par l’élévation au cardinalat, en 1489, de son second fils Jean (Giovanni) [Florence 1475 - Rome 1521], le futur Léon X. Esthète raffiné plutôt que mécène, puisque ce collectionneur curieux d’antiquités n’associe son nom qu’à l’édification d’une seule œuvre monumentale, la villa de Poggio a Caiano, confiée à Giuliano da Sangallo, il s’entoure des humanistes de l’Académie platonicienne. Il est l’ami de Botticelli, et il renforce le prestige international de sa ville en aidant à l’établissement des plus grands artistes florentins à l’étranger : Antonio et Piero del Pollaiolo à Rome, Léonard de Vinci à Milan, Giuliano da Maiano à Naples, Verrocchio à Venise, etc.

Mais, absorbé par les affaires de l’État et par l’intérêt qu’il porte aux questions intellectuelles et artistiques, il abandonne la direction de sa firme à un directeur général, son ami Francesco Sassetti. Mécène lui-même, ce dernier laisse trop d’initiatives aux chefs des filiales. Échouant dans sa tentative d’imposer à la chrétienté le monopole médicéen de l’alun exploité à Tolfa depuis 1466, mais brisé par Sixte IV en 1476 en faveur des Pazzi, défavorisé en outre, entre 1470 et 1490, par la chute constante de l’or, alors que ses comptes sont tenus en florins, Laurent multiplie les emprunts qui grossissent la dette publique vers 1482. Pour faire face à ses dépenses de prestige et soutenir sa politique de diplomatie armée, il confond sa fortune personnelle et celle de l’État, et laisse à sa mort, en 1492, une situation désespérée à son fils, Pierre le Malchanceux (Piero lo Sfortunato) [Florence 1472 - Cassino 1503]. À la suite de la faillite qui parachève la ruine de ses compagnies, ce dernier quitte Florence (9 nov. 1494) sous la pression du peuple, excité par Savonarole à l’annonce de l’arrivée de Charles VIII.


Le temps des papes

Le cardinal Jean de Médicis, frère cadet de Pierre le Malchanceux, rentre à Florence en 1512 avec l’appui des troupes espagnoles et celui de la grande bourgeoisie d’affaires. Devenu le pape Léon X (1513-1521), il favorise la constitution de deux États princiers en faveur de son frère cadet, Julien (Giuliano II) [Florence 1479 - Rome 1516], fait duc de Nemours par François Ier, et de son neveu Laurent (Lorenzo II) [Florence 1492 - id. 1519], dont il fait un capitaine général de l’Église et un duc d’Urbino. Du mariage de ce dernier avec Madeleine de La Tour d’Auvergne en 1518 naît alors Catherine* de Médicis (Florence 1519 - Blois 1589), qui épouse en 1533 le futur roi de France Henri II. Après la mort de Léon X, le gouvernement de Florence revient à son cousin germain le cardinal Jules (Giulio) [1478-1534], fils naturel du frère de Laurent le Magnifique. Devenu le pape Clément VII (1523-1534), Jules de Médicis abandonne en fait la direction de la ville médicéenne à deux bâtards : le cardinal Hippolyte (Ippolito) [Urbino 1511 - Itri 1535], fils du duc de Nemours, puis Alexandre (Alessandro) [v. 1510-1537]. Chassés de Florence, qui proclame la république (1527-1530) à la faveur du sac de Rome par les troupes de Charles Quint en 1527, les Médicis ne reviennent au pouvoir que par la grâce de ce dernier. Mais ils l’exercent dans un cadre nouveau : celui de la Toscane*.

L’entreprise des Médicis

Alors que les hommes d’affaires italiens du xive s. ont créé des compagnies à succursales multiples, les Médicis constituent à la fin du xive s. leur firme en compagnie à filiales, chacune de celles-ci étant érigée en une société juridiquement indépendante, possédant sa raison sociale (ragione), ses livres propres, ses capitaux autonomes. Imaginé sans doute à la suite du Grand Schisme par les Médicis, désireux de maintenir leur présence financière et commerciale tant à Avignon qu’à Rome, ce système acquiert toute son efficacité lorsque la législation florentine reconnaît en 1408 l’existence de sociétés en commandite, dont les associés passifs voient leurs responsabilités limitées au montant des sommes engagées dans le capital social de chacune de ces compagnies. Affinant sans cesse leur technique, les Médicis, sous l’impulsion successive de Giovanni di Bicci, puis de Cosme l’Ancien, édifient un véritable holding que R. de Roover compare avec raison à la Standard Oil et qui comprend à son apogée, vers 1458, onze sociétés. Certaines d’entre elles ont leur siège à Florence : la Tavola (banque locale) [1406-1494], une manufacture de soie (1433-1480) et deux manufactures de laine (1402-1494 et 1408-1465 ?). D’autres sont établies en Italie, compte non tenu de celle de Naples, alors supprimée, mais qui joue un rôle important de 1400 à 1426 et de 1471 à 1494. Celle de Pise (1442-1460 [?] et 1486-1489) est alors en voie de liquidation ; celle de Venise sera dissoute en 1469 et reconstituée de 1471 à 1481 ; celle de Rome (1400-1494) joint à ses activités bancaires et commerciales le rôle d’agence fiscale de la papauté ; celle de Milan, enfin, dont la fondation, sans doute remonte à 1452, scelle l’entente entre Cosme l’Ancien et Francesco Sforza.

Quant aux quatre filiales d’outremonts, elles sont implantées à Bruges (1439-1480), à Londres (1446-1480), à Avignon (1446-1479?), enfin à Genève de 1420 à 1465 et à Lyon après 1465.