Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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médecine (suite)

Le xviiie s. est le siècle de la classification des maladies, mais aussi celui de l’anatomopathologie naissante. Après l’anatomie descriptive globale, puis tissulaire (Malpighi), Giambattista Morgagni (1682-1771), professeur à Padoue, va créer l’anatomopathologie en rattachant la symptomatologie et les lésions observées sur le cadavre. Les anatomistes topographiques poursuivent cependant leurs travaux, tels Antonio Scarpa (1752-1832), les frères Hunter, William (1718-1783) et John (1728-1793). Félix Vicq d’Azyr (1748-1794) crée l’anatomie comparée.

La physiologie connaît également un développement considérable. Albrecht von Haller (1708-1777) expose la théorie de l’« irritabilité », propriété de la substance vivante musculaire de se contracter au contact. Lazzaro Spallanzani (1729-1799) affirme l’absurdité de la génération spontanée, en visionnaire. Lavoisier* démontre que la respiration est une combustion : la chimie est applicable à la physiologie.

De nombreuses théories tendent, pour expliquer le fonctionnement de l’organisme, d’analyser les rapports de l’âme et du corps. Au solidisme de Friedrich Hoffman (1660-1742) s’oppose l’animisme de Georg Ernst Stahl (1660-1734). Pour John Brown (1735-1788), l’excitabilité est essentielle.

À Montpellier prend naissance, sous l’influence de Théophile de Bordeu (1722-1776), la théorie vitaliste, fondée sur la sensibilité de chaque partie du corps. Le « principe vital » aura une grande importance au cours des siècles.

Giovanni Rasori (1766-1837) préconise l’utilisation de doses médicamenteuses de choc, voire toxiques, mais cette thérapeutique ne sera pas suivie. Christian Hahnemann (1755-1843), rejetant le principe des contraires, fonde l’homéopathie*.

L’électricité, dont les effets ont été étudiés expérimentalement par L. Galvani, A. Volta et l’abbé J. A. Nollet, est utilisée en thérapeutique, mais sans grand succès. Le magnétiseur Franz Anton Mesmer (1734-1815) connaît par contre un succès mondain et bénéficie de l’appui de la Cour, avant d’être désavoué officiellement en 1784. C’est également l’époque d’autres théories, telles la physiognomonie de Johann Caspar Lavater (1741-1801) et la phrénologie de Franz Josef Gall (1758-1828), qui veulent définir la personnalité en fonction de l’aspect du visage ou de la morphologie du crâne.

Philippe Pinel (1745-1826) crée la psychiatrie et abolit le système carcéral qui entoure les malades mentaux, en transformant humainement les hospices qui leur sont destinés. Il amorce la classification des maladies mentales et rapporte celles-ci à des lésions cérébrales.

Johann Peter Frank (1745-1821) définit les règles de l’hygiène sociale, fondamentale à cette époque où les épidémies déferlent sur l’Occident. La variole est alors le fléau le plus redoutable, mais Edward Jenner (1749-1823) découvre que le cow-pox (vaccine de Bovins) immunise contre cette maladie. La vaccination est réalisée pour la première fois en 1796 ; malgré ses ennemis, elle remporte un grand succès, et, en 1811, le roi de Rome sera lui-même vacciné.

Alors que la qualité d’ensemble de la médecine et de la chirurgie praticienne est médiocre, quelques grands esprits font un effort d’enseignement et de thérapeutique.

Hermann Boerhaave (1668-1738) associe principes hippocratiques et méthodes modernes, souligne le rôle fondamental de l’examen clinique et préconise des traitements chimiques (mercure), sans abandonner révulsifs et saignées. En Angleterre, les frères Hunter, Percival Pott (1714-1788) et, en Italie, A. Scarpa maintiennent la tradition des chirurgiens anatomistes. En France, Jacques Baulot (1651-1720), qui n’est pas chirurgien officiel, lance la taille vésicale latéralisée. Jean-Louis Petit (1674-1750), chirurgien de qualité, pense en physiologiste et en médecin, et suit l’évolution du patient après l’intervention. Grâce à lui et à ses élèves, la chirurgie est enseignée véritablement et s’insère dans la médecine.

L’Académie royale de chirurgie est créée en 1731 sous l’impulsion de François de La Peyronnie (1678-1747) et de Georges Mareschal (1658-1736 ou 1738). Un enseignement remarquable est prodigué par Joseph Desault (1738-1795) et J. N. Corvisart (1755-1821), l’un à l’Hôtel-Dieu, l’autre à la Charité. En médecine, à l’opposé, aucun enseignement valable n’est donné aux étudiants. Aussi la Révolution supprime-t-elle collèges et facultés, et crée-t-elle en 1794 trois écoles de santé. À partir de 1802, les médecins et les chirurgiens reçoivent les mêmes diplômes.

Trois personnalités marquantes illustrent encore en France la biologie, l’obstétrique et l’ophtalmologie. Xavier Bichat (1771-1802), élève de Desault, croit à l’importance de la pathologie tissulaire. Il développe l’anatomopathologie. Jean-Louis Baudelocque (1746-1810) fait de l’obstétrique une science, et Jacques Daviel (1696-1762) introduit l’extraction du cristallin dans le traitement de la cataracte.

Sous l’Empire, de grands chirurgiens accompagnent les armées de Napoléon. Pierre François Percy (1754-1825) essaie de former une organisation des soins sur les champs de bataille, mais ne peut obtenir la neutralité des hôpitaux militaires. Dominique Jean Larrey (1766-1842) crée les ambulances volantes, impose la notion de l’urgence de l’amputation, seule capable de vaincre la gangrène. Il devient chirurgien en chef de la Grande Armée. Nicolas René Dufriche baron Desgenettes (1762-1837), médecin inspecteur des armées, épidémiologiste et hygiéniste remarquable, lutte contre le typhus et contre la peste (Jaffa) d’une manière moderne (désinfection par le feu, hygiène surtout). Le médecin particulier de l’Empereur est Jean Corvisart (1755-1821), médecin de la Charité, propagateur de la percussion digitale.

Au terme du xviiie s., la chirurgie et l’obstétrique ont fait d’immenses progrès, la psychiatrie est née, la pensée médicale s’ordonne, mais l’examen clinique reste incomplet (pas d’auscultation ; la percussion n’est pas très répandue), et la thérapeutique disparate. La variole peut être prévenue, mais l’asepsie n’existe pas, et l’hygiène est peu développée. Grâce à Bichat, l’anatomopathologie progresse, et la médecine devient scientifique.