mécanique ondulatoire ou mécanique quantique (suite)
En mécanique quantique, de même, l’énoncé du principe d’incertitude par Heisenberg (deux grandeurs, représentées par deux opérateurs qui ne commutent pas entre eux, ne peuvent pas être définies simultanément avec exactitude) fut suivi d’une analyse détaillée des conditions réelles d’observation des systèmes atomiques, qui mit en évidence l’impossibilité pour l’observateur de définir expérimentalement toutes leurs propriétés simultanément. Cette analyse fut l’occasion d’une controverse acharnée entre Einstein et Bohr ; elle conduisit Bohr à affirmer l’inséparabilité entre le système physique et l’instrument de mesure et à énoncer le principe de complémentarité*.
L’interprétation de la mécanique quantique ainsi édifiée autour de Bohr par l’école de Copenhague a pour principe un empirisme fondamental et absolu : la théorie quantique relie entre elles les informations obtenues par un observateur qui mesure un phénomène. Mais la description d’un système atomique en soi, ou d’une réalité physique en soi, indépendamment d’un observateur, est une notion vide de sens. Bohr bannit totalement de ses écrits le terme de réalité.
L’interprétation de Copenhague s’est imposée très largement chez les physiciens puisqu’elle constitue un cadre entièrement cohérent et qu’elle fournit dans tous les cas l’interprétation des mesures qu’ils effectuent. Cependant, certains physiciens, et non des moindres, sont restés insatisfaits et font à l’interprétation de Copenhague les diverses critiques suivantes.
1. La nécessité d’une distinction entre l’objet physique étudié et l’observateur semble introduire un nouveau dualisme. En réponse à cette critique, on notera que les résultats calculés par la mécanique quantique sont indépendants de l’observateur : n’importe quel observateur utilisant le même dispositif expérimental effectuera les mêmes mesures. Une analyse détaillée montre également qu’il est impossible d’établir une frontière absolue entre le monde physique observé et l’observateur.
2. La mécanique quantique semble remettre en cause le déterminisme qui a été le fondement du développement scientifique, puisque, calculant des probabilités, elle est incapable de prévoir exactement le résultat d’une seule expérience. Or les prévisions statistiques de la mécanique quantique sont absolument contraignantes et s’inscrivent rigoureusement dans le cadre du déterminisme.
3. La mécanique quantique, enfin, ne serait pas « complète », c’est-à-dire que la représentation d’un système physique par sa fonction d’onde serait insuffisante pour représenter la totalité de la réalité physique. Ce point de vue, défendu par Einstein et de Broglie, repose sans doute sur une certaine conception philosophique de la réalité. Un certain nombre de théoriciens ont essayé de « compléter » la mécanique quantique en y introduisant des variables cachées ; mais ces théories n’ont pu jusqu’ici apporter aucune preuve de leur utilité.
B. C.
W. Heisenberg, Die physikalischen Prinzipien der Quantentheorie (Leipzig, 1930 ; trad. fr. les Principes physiques de la théorie des quanta, Gauthier-Villars, 1957) ; Das Naturbild der heutigen Physik (Göttingen, 1955 ; trad. fr. la Nature dans la physique contemporaine, Gallimard, 1962). / L. de Broglie, Ondes, corpuscules, mécanique ondulatoire (A. Michel, 1945). / J.-L. Destouches, la Mécanique ondulatoire (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1948 ; 6e éd., 1971). / T. Kahan et B. Kwall, la Mécanique ondulatoire (A. Colin, 1953). / A. Messiah, Mécanique quantique (Dunod, 1958 ; nouv. éd., 1964-1969 ; 2 vol.). / M.-Y. Bernard, Initiation à la mécanique quantique (Hachette, 1962). / J. Barriol, Éléments de mécanique quantique (Masson, 1966). /J. Salmon et A. Gervat, Mécanique quantique (Masson, 1967 ; 2 vol.). / D. I. Blokhintsev, Principes essentiels de la mécanique quantique (trad. du russe, Dunod, 1968). / E. Durand, Mécanique quantique, t. I : Équation de Schrödinger (Masson, 1970).