Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Martinique

Départ. français d’outre-mer situé dans l’arc des Petites Antilles.


Peuplée de 324 832 habitants, la Martinique ne s’étend que sur 1 080 km2 : la densité avoisine 300 habitants au kilomètre carré. Cette île volcanique, au relief tourmenté, est une terre tropicale de vieille civilisation française dont les ressources essentielles proviennent de la culture de la banane, de l’ananas et de la canne à sucre. Elle connaît actuellement de profondes transformations économiques et sociales avec l’aide de la métropole.


Le milieu

L’île est moins massive que certaines Petites Antilles, ses rivages étant largement échancrés. La Martinique a connu une activité volcanique continue depuis la fin du Secondaire. Les manifestations les plus anciennes ont eu lieu dans le sud, le centre et le nord-est ; il n’y reste que des édifices démantelés (montagne du Vauclin, 505 m) ou des zones de dépôts volcaniques remaniés et entaillés par l’érosion. L’ensemble offre un relief accidenté — où se succèdent collines, ravins, petites plaines littorales au débouché des torrents — qui occupe environ les deux tiers de l’île à l’est d’une ligne allant de Fort-de-France au Lorrain. Au nord-ouest dominent au contraire d’imposants édifices récents et actuels, à peu près intacts, dus essentiellement au volcanisme explosif de type péléen caractérisé par des émissions de nuées ardentes dévastatrices. La montagne Pelée s’élève en un énorme cône qui atteint 1 463 m. Un large col — la plaine de Morne-Rouge, située vers 600 m —, qui permet des relations aisées entre le versant atlantique et le versant caraïbe, sépare la montagne Pelée du massif des Pitons du Carbet, aujourd’hui éteints, qui s’élève jusqu’à 1 194 m, dominant Fort-de-France. La montagne Pelée et les Pitons du Carbet sont bordés au nord et à l’est d’édifices plus anciens. Dans cet ensemble montueux, la plaine du Lamentin au fond de la baie de Fort-de-France, constituée d’alluvions récentes, est la seule plaine notable. Sa superficie ne dépasse guère 70 km2, soit 6,5 p. 100 de l’île. Les fortes pentes réduisent sensiblement les surfaces propres à l’agriculture (pas plus de la moitié du territoire). En rapportant la population à la surface agricole utile, on obtient l’énorme densité de 600 habitants au kilomètre carré. Cependant, le relief est suffisamment aéré pour permettre l’établissement de moyens de communication, et aucune région ne souffre d’isolement. La vie maritime a trouvé dans les baies de Saint-Pierre et de Fort-de-France des sites favorables à son développement. Le littoral, pittoresque, n’offre pas cependant un très grand nombre de plages propices au tourisme.

Le climat est tropical maritime pluvieux. L’île est balayée par les alizés qui soufflent du secteur est et frappent de plein fouet la façade atlantique. Les températures, dont la moyenne se situe autour de 25 °C, sont d’une remarquable régularité. De décembre à avril, il fait cependant un peu plus frais, les minimums nocturnes descendant au-dessous de 20 °C. L’abaissement de la température est surtout sensible au-dessus de 100 m. L’humidité de l’atmosphère est permanente, et l’île est en moyenne bien arrosée. Cependant, les précipitations varient beaucoup d’une année à l’autre ; les années sèches, désastreuses pour l’agriculture, ne sont pas rares. Le relief et l’exposition par rapport aux alizés jouent un rôle majeur dans la répartition géographique des pluies. Compte tenu de l’évaporation, les bordures de la côte caraïbe, de la côte méridionale et de la côte atlantique jusqu’au Lorrain sont sèches. La zone sèche occupe la péninsule de la Caravelle et s’élargit au sud-ouest, à cause de la faiblesse de l’altitude et du rétrécissement de la surface de l’île, qui réduisent la convection et la condensation. La majeure partie du territoire est cependant bien arrosée, avec en moyenne plus de 2 m par an. Les massifs volcaniques du nord-ouest et les mornes les plus élevés sont très humides (plus de 4 m). Les régions au-dessus de 500 m, en particulier sur le versant au vent, sont fréquemment ennuagées, ce qui rend difficile le développement des activités à partir de cette altitude.

La Martinique se trouve placée sur la trajectoire des cyclones qui parcourent la Caraïbe entre juillet et octobre, et les dévastations causées ne sont pas rares.

À l’état naturel, l’île était essentiellement recouverte par la forêt : forêt dense de type équatorial sur les pentes les plus humides dont il reste de beaux vestiges dans le massif des Carbets, forêt claire plus ou moins caducifoliée qui a été entièrement détruite pour faire place aux cultures, enfin formations xérophytiques avec des arbustes épineux, des cactées sur les littoraux secs. Les flancs de la montagne Pelée à l’ouest et au sud sont recouverts d’une savane herbeuse qui couvre les projections volcaniques récentes. Des sols fertiles, le climat, la beauté des sites constituent les seules ressources naturelles favorables. La Martinique est surtout riche d’une nombreuse population.


La mise en valeur et les problèmes démographiques

Au xviiie s., la Martinique était l’une des plus brillantes colonies des Antilles. À la fin de ce siècle, elle comptait un peu moins de 100 000 habitants. La culture de la canne à sucre constituait sa richesse principale. À côté de grands domaines se mit en place une petite propriété de colons blancs et de métis, qui, à côté des cultures vivrières, plantaient le caféier, le cacaoyer, le cotonnier, le tabac, l’indigotier.

L’occupation anglaise de 1794 à 1802 mit l’île à l’abri de la tourmente révolutionnaire ; l’abolition de l’esclavage n’y fut pas appliquée. L’aristocratie blanche conserva sa position dominante. Elle résista à l’abolition de l’esclavage de 1848 et aux crises sucrières du xixe s. Le nombre actuel des exploitations de plus de 40 ha, qui s’élève à 365, est très semblable à ce qu’il était à la fin du xviiie s. Cependant, l’abolition de l’esclavage entraîna la prolifération de petites propriétés souvent sans titre, noires et métisses surtout dans les parties les plus montueuses qui n’avaient pas été mises en valeur jusqu’alors. Pour retenir la main-d’œuvre libérée, des planteurs partagèrent les parties les moins fertiles de leur domaine en petites exploitations qui furent mises en rapport par le système du colonat, sorte de métayage des pauvres. L’abolition et le manque de main-d’œuvre qui s’ensuivit sur les plantations entraînèrent l’arrivée de 25 000 travailleurs indiens entre 1853 et 1884, et de quelques Chinois. Peu d’entre eux restèrent. Après l’abolition, le métissage se développa d’autant plus qu’il exista une minorité blanche relativement importante jusqu’à la catastrophe de Saint-Pierre (1902).