Antioche (suite)
À Daphné s’élevait un faubourg de la ville, autour de sources cascadantes et du temple d’Apollon. Là, les fouilleurs ont pu dégager partiellement toute une série de maisons comportant, en grand nombre, de somptueuses mosaïques datées du ier au vie s. de notre ère (musée d’Antioche, Louvre et musées américains), dont l’étude a permis de suivre l’évolution du goût dans la métropole syrienne. Ces mosaïques appartiennent, certes, au mouvement général de l’art méditerranéen, et on peut les comparer aux pavements italiens ou africains. Mais elles possèdent leurs caractères propres dans la délicatesse de la facture, le style des compositions et aussi le choix des sujets, où abondent les figurations d’entités abstraites — fondation, renouveau, générosité, loisir —, qui se multiplient à l’époque chrétienne. Au ve s., on voit aussi apparaître des motifs — béliers ailés, animaux enrubannés, semis de fleurs — qui sont repris des tissus sassanides. Ainsi se prépare la synthèse que sera l’art omeyyade*.
Parmi les mosaïques conservées au musée du Louvre, il en est trois qui permettent de saisir en raccourci l’évolution du style : le panneau du Jugement de Pâris, du début du iie s. de notre ère, est une jolie et savante composition hellénistique, dont le schéma se retrouve à Pompéi ; la mosaïque des Saisons, d’époque constantinienne, est une vaste composition architecturale, avec de grandes figures féminines debout sur des rinceaux et des petits tableaux encore tout hellénistiques ; la mosaïque du Phénix, enfin, où un motif romain symbolique, oiseau nimbé majestueux, se détache sur un tapis de pétales de roses, avec une bordure de béliers ailés, date du début du ve s. et reflète l’influence iranienne.
Antioche a joué un grand rôle dans l’histoire primitive du christianisme, mais il ne reste rien de l’époque apostolique et de la grande église octogonale construite par Constantin. Par contre, on a dégagé dans la plaine au-delà de l’Oronte un monument cruciforme sans abside, que des inscriptions ont permis d’identifier : il s’agit d’un martyrium construit en 381 autour du tombeau de l’évêque martyr Babylas ; à l’histoire de ce saint et de cette église est lié notamment le nom de saint Jean* Chrysostome.
J. L.
➙ Chrétiennes (littératures) / Croisades / Rome / Séleucides.
R. Devreesse, le Patriarcat d’Antioche depuis la paix de l’Église jusqu’à la conquête arabe (Gabalda, 1945). / D. Levi, Antioch Mosaic Pavements (Princeton, 1947). / P. Petit, Libanius et la vie municipale à Antioche au ive siècle apr. J.-C. (Geuthner, 1957). / A. J. Festugière, Antioche païenne et chrétienne (De Boccard, 1959). / G. Downey, A History of Antioch in Syria, from Seleucus to the Arab Conquest (Princeton, 1961) ; Ancient Antioch (Princeton, 1963).