Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Marlborough (John Churchill, Ier duc de)

Général anglais (Musbury, Devonshire, 1650 - Granbourn Lodge, près de Windsor, 1722).


Né dans une famille de la gentry du Dorset, John Churchill fit de bonnes études à l’école Saint Paul, à Londres. Mais c’est à la Cour que se situent les origines de sa brillante carrière.


Sous le règne de Charles II : un courtisan heureux

La sœur de John, Arabella Churchill, était en effet dame d’honneur de la duchesse d’York. Lui-même devint page du duc d’York (1665). La fortune de la famille commença lorsque Arabella devint la maîtresse du duc d’York, frère de Charles II.

Dès 1667, John Churchill obtenait un poste au régiment des gardes et allait faire ses premières armes à Tanger. La troisième guerre hollandaise lui donnait l’occasion de se distinguer dans la marine d’abord, puis avec le corps expéditionnaire anglais qui combattait aux côtés des Français sur le continent : Louis XIV et Turenne chantèrent ses louanges.

Après la guerre, il se contenta de nouveau de la vie de courtisan. Dans l’hiver 1677-78, il épousa l’une des beautés célèbres de la Cour, Sarah Jennings (1660-1744), confidente et favorite de la princesse Anne (la plus jeune fille du duc d’York). Il obtint bientôt une pairie écossaise (1682), puis le brevet de colonel des dragons du roi (1683).


Jacques II, Marie et Guillaume : fortunes et infortunes...

Lorsque son maître, le duc d’York, devint le roi Jacques II, Churchill se trouva hissé au sommet de la gloire. Devenu commandant en second de l’armée, il joua un rôle déterminant à la bataille de Sedgemoor (5 juill. 1685), où sombrèrent les prétentions du duc de Monmouth. Mais la politique religieuse de Jacques II l’indignait : fervent protestant, il fut l’un des premiers à prendre contact avec Guillaume d’Orange. Jacques II eut néanmoins l’imprudence d’en faire son lieutenant général lors du débarquement de Guillaume : John Churchill passa avec armes et bagages dans le camp adverse.

Guillaume et Marie le récompensèrent : fait comte de Marlborough (1689), membre du Conseil, il conduisit les armées anglaises aux Pays-Bas (1689) et en Irlande (prises de Cork et de Kinsale, 1690). Pourtant, sa fidélité absolue à la princesse Anne, brouillée avec sa sœur la reine Marie, et ses opinions tories le mirent un moment en fort mauvaise posture : soupçonné de comploter, il fit même connaissance avec la tour de Londres (1692). Peu à peu, il se réconcilia cependant avec Guillaume III, sans toutefois retrouver dans les affaires publiques un rôle comparable à celui qu’il occupait sous le règne précédent.


Sous le règne d’Anne : un grand soldat

Le règne d’Anne (1702-1714) permit enfin à Marlborough de donner sa pleine mesure. Commandant en chef de l’armée anglaise, puis généralissime des armées alliées (Pays-Bas, Empire, Angleterre, Prusse), il joua un rôle déterminant pendant la guerre de la Succession d’Espagne, qui porta le coup de grâce à la tentative d’hégémonie européenne de la France de Louis XIV.

Dès 1702, il remporta de nombreux succès (prises de Kaiserwerth, Venlo et Liège) ; mais les puissances alliées et leurs généraux respectifs rendaient toute action d’envergure impossible. Pourtant, en 1704, lorsque les troupes de Tallart et de Marsin lancèrent leur grande offensive en Allemagne du Sud et, après avoir fait leur jonction avec l’Électeur de Bavière Max-Emmanuel, menacèrent Vienne, il sut échapper à l’armée de Villeroi et rejoindre Tallart : après avoir repassé le Danube au Schellemberg, il attaqua les troupes franco-bavaroises près du village de Blenheim (ou Blindheim). Lord John Cutts (1661-1707) et le prince Eugène de Savoie ayant forcé Tallart à dégarnir son centre pour résister à leurs attaques, Marlborough, avec le gros des troupes alliées, tailla en pièces le centre français. Seules, les troupes de l’aile gauche, commandées par Marsin, purent se retirer (13 août 1704). À l’issue de cette terrible bataille (dite de Blenheim ou d’Höchstädt), 40 000 Français et Bavarois étaient hors de combat et l’hégémonie de Louis XIV paraissait condamnée.

Le retentissement de cette victoire fut immense : la reine Anne fit Marlborough duc et lui offrit le manoir royal de Woodstock, sur lequel fut bientôt édifié le superbe château de Blenheim, qui ne coûta pas moins de 240 000 livres au Trésor public... Quant à l’empereur, il offrit à Marlborough la principauté de Mindelheim.

Par la suite, le duc remporta de nouveaux succès : Ramillies (23 mai 1706), où Villeroi fut écrasé, et, qui donna la Flandre et le Brabant aux Alliés ; et Audenarde (ou Oudenaarde) [juill. 1708]. À l’orée de 1709, la France paraissait aux abois. Pourtant, les exigences formulées par les gouvernements alliés (contre l’opinion de Marlborough et du Prince Eugène, d’ailleurs) étaient si considérables que Louis XIV préféra courir le risque de tout perdre plutôt que de s’y soumettre. Il confia l’armée à Villars, qui sut insuffler à son armée famélique et mal équipée un moral prodigieux : à Malplaquet, le 11 septembre 1709, l’armée française recula encore devant Marlborough ; mais ce fut en bon ordre et après avoir infligé aux Alliés des pertes énormes. Dans la mesure où elle démontrait que la France avait reconstitué son potentiel militaire, la victoire de Marlborough lui fit autant de tort qu’une défaite. De fait, les intrigues diplomatiques aidant, Marlborough ne retrouva plus la possibilité de conclure la guerre sur le terrain.

Au même moment, l’imprudence de son épouse, dont l’intimité avec la reine Anne avait tout d’abord grandement facilité son ascension, détruisait sa position en Angleterre. Marlborough, en effet, avait toujours été lié à la faction des « Court Tories » (lord Godolphin, le comte de Sunderland). Or, l’influence de ces derniers avait peu à peu décliné au profit de la nouvelle vague tory (Henry Saint John [lord Bolingbroke], Robert Harley), hostile à la guerre contre la France. En cela, cette nouvelle vague paraissait dangereuse à la duchesse de Marlborough pour la carrière de son mari. Aussi glissa-t-elle vers le parti whig, ce qui la brouilla avec sa grande amie la reine Anne. En 1710, Godolphin et Sunderland étaient renvoyés. Au début de 1711, la duchesse devait abandonner toutes les fonctions qu’elle occupait à la Cour, et à la fin de l’année Marlborough lui-même perdait tous ses offices.

Certes, après un exil volontaire de deux ans sur le continent, il retrouva avec George Ier les honneurs qui lui étaient dus. Mais il ne joua plus un rôle de premier plan et mourut retiré des affaires publiques en 1722. La duchesse, qui, pour le meilleur et pour le pire, avait tenu une place capitale dans le déroulement de sa vie publique, lui survécut jusqu’en 1744.