Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

marine (suite)

Malgré les progrès réalisés par les pays où les récoltes sont insuffisantes (Inde par exemple), le transport maritime des céréales reste actif, avec 89 millions de tonnes en 1972, provenant surtout des États-Unis, du Canada, d’Argentine et d’Australie, et achetés par l’U. R. S. S., l’Europe occidentale et l’Extrême-Orient. Les États-Unis absorbent plus de la moitié de la production mondiale de bauxite et d’alumine, fournis par les Guyanes, mais c’est l’Australie qui développe surtout sa production et approvisionne le Japon. Très importants aussi sont les transports de phosphate, que le Maroc et les États-Unis livrent surtout à la Communauté européenne. Viennent ensuite à un rang encore important parmi les produits solides transportés par mer les minerais de manganèse, le sucre, le bois, le ciment, etc.

Pour les marchandises liquides, les hydrocarbures arrivent en tête avec 1 500 millions de tonnes des deux principales régions exportatrices (Moyen-Orient et Afrique du Nord), qui alimentent notamment les raffineries européennes et japonaises. Le transport de gaz liquéfiés (gaz naturel ou gaz de pétrole) a pris un grand développement. Le vin, les huiles et certains produits chimiques font aussi l’objet de transports en vrac par navires spécialisés.

La concurrence de la voie aérienne commence à se faire sentir pour certains frets riches. En 1973, toutefois, elle n’avait pas encore pris un caractère alarmant en dépit de la mise en service d’avions cargos d’une capacité de transport de 500 à 600 t. Quant aux passagers, leur nombre est tombé sur l’Atlantique Nord de 785 000 en 1961 à 218 000 en 1971. Toutefois, le développement du tourisme ouvre de nouvelles perspectives aux paquebots de croisières comme aux car-ferries.

• Les principales flottes de commerce en 1972. L’extraordinaire développement du pavillon libérien a un caractère artificiel dû aux avantages fiscaux et réglementaires que trouvent les armateurs (surtout américains et grecs) à immatriculer leur navire sous ce pavillon de complaisance. La république de Panamá offre des avantages analogues, ce qui explique le gonflement de sa flotte à un niveau voisin de celui de la France.

Le développement de la flotte japonaise a été très rapide depuis 1950. Un ambitieux programme avait prévu une augmentation de 28 millions de tonneaux entre 1969 et 1974, mais la crise économique japonaise (1970-71) a exigé la révision de ses objectifs.

Le taux de progression du tonnage britannique est tombé de 5,9 à 4,7 p. 100 entre 1971 et 1972. Les primes instituées en 1966 sont supprimées, mais des facilités de crédit sont données aux armateurs pour les constructions neuves, et l’intégration de l’Angleterre au Marché commun favorisera sa marine marchande.

La Norvège a fait un remarquable effort de rajeunissement de sa flotte, mais la désaffection des carrières maritimes rend difficile le recrutement des équipages, désormais constitués par près de 30 p. 100 de marins étrangers.

La flotte des États-Unis n’a jamais été au niveau de leur puissance économique, en raison du coût très élevé de son exploitation, qui explique son recours à des pavillons de complaisance. Elle comprend les navires des Grands Lacs (1,75 million de tonneaux) et une flotte gouvernementale de réserve désarmée (4,25 millions de tonneaux), composée d’unités anciennes de valeur médiocre. Le Merchant Marine Act de 1970 tend, grâce à des subventions, à tripler en dix ans le tonnage de la flotte.

L’importance de la flotte grecque s’est accrue depuis qu’une législation plus favorable à ses intérêts a réduit la place des pavillons de complaisance. Le résultat de ces mesures s’est traduit en 1972, date où son tonnage est devenu nettement supérieur à celui de la flotte des États-Unis.

La flotte soviétique poursuit son développement dans le cadre des plans quinquennaux. Celui de 1971-1976 prévoit une augmentation d’environ 500 000 t de port en lourd.

Les réévaluations du mark et l’augmentation des charges d’exploitation ont constitué de sérieux handicaps pour la marine de la république fédérale d’Allemagne.

Quant à l’Italie, elle assure par mer 90 p. 100 de ses importations et 65 p. 100 de ses exportations, mais son pavillon ne participe que pour 20 p. 100 au trafic global des ports de la péninsule. La progression régulière du tonnage améliore cette situation.

Vivant sans subvention et payant les plus hauts salaires d’Europe, l’armement suédois tente de compenser ces handicaps par l’emploi de navires très évolués et n’exigeant que de faibles effectifs.

(Pour la flotte marchande française, v. France.)

• Propulsion et mode d’exploitation des flottes marchandes. Dans l’ensemble des flottes mondiales, la proportion des navires chauffant au charbon est devenue négligeable, mais 37 p. 100 du tonnage sont encore constitués par des navires à vapeur chauffant au mazout, les autres étant des navires à moteur. Si la proportion de ces derniers n’est pas plus forte, cela tient au fait que, pour des raisons techniques, la propulsion par moteur n’est pas encore généralisée pour les puissances les plus élevées. Depuis 1970 apparaissent quelques commandes de navires dotés de turbines à gaz, dont sont munis beaucoup d’aéroglisseurs. Quant à la propulsion nucléaire, elle n’a pas encore dépassé le stade des prototypes.

En ce qui concerne enfin le mode d’exploitation des navires, s’il est vrai que la plus grande partie des marchandises diverses est transportée sur des lignes régulières, il n’en est pas de même pour les produits homogènes en vrac (céréales par exemple), pour lesquels il s’agit souvent de tramps, c’est-à-dire de navires vagabonds opérant sous un régime d’affrètement (notamment dans les flottes libérienne, norvégienne et anglaise).

• Problème d’avenir des marines marchandes. Aux troubles provoqués par le développement des pavillons de complaisance, qui fausse le jeu normal de la concurrence, s’ajoute la naissance des flottes marchandes des pays du tiers monde. Ceux-ci y voient le support nécessaire de leur commerce extérieur, une source de devises et surtout l’affirmation de leur indépendance économique. D’autre part, les pays socialistes de l’Est européen de même que certains États d’Amérique latine développent des flottes étatisées dont les conditions d’exploitation cadrent mal avec celles des pays d’économie libérale. L’antagonisme des conceptions s’est manifesté lors de la troisième conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (C. N. U. C. E. D.), réunie en 1972 à Santiago du Chili, notamment à propos du fonctionnement des « conférences », réunions d’armateurs tendant à régulariser l’utilisation du tonnage et les tarifs. Le groupe des pays latino-américains, d’une part, et celui des pays afro-asiatiques, de l’autre, ont confirmé leur intention de se réserver l’exclusivité ou une part majoritaire de leurs trafics nationaux et, éventuellement, de fixer d’une manière unilatérale les taux de fret, politique qui ne peut obtenir l’adhésion des pays développés à économie de marchés. Ces difficultés sont nées au moment où la croissance des échanges maritimes se ralentissait, situation à laquelle les désordres monétaires n’étaient d’ailleurs pas étrangers. Après une baisse passagère, au cours des deux années 1970 et 1971, du cours des frets (surtout pour les navires exploités en tramping) et du rythme des commandes aux chantiers de construction navale, la situation semblait toutefois se redresser depuis 1972, malgré une augmentation constante du coût d’exploitation des navires.

A. L., H. C. et P. D.