Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

Le conflit sera caractérisé par l’importance des transports maritimes (8 millions d’hommes transportés par les Alliés), par l’ampleur croissante des opérations de débarquement (Afrique du Nord, Italie, Pacifique), qui culminera en 1944 avec celle d’Overlord en Normandie*. Les batailles navales (mer de Corail [4-8 mai 1942], Midway [4-5 juin 1942], Leyte [24-26 oct. 1944]...) sont devenues celles de l’aviation embarquée, et les forces tactiques se groupent autour des porte-avions et de leurs escortes (task-force), tandis que, devant cette prédominance du facteur aéronaval*, le rôle de l’artillerie est devenu secondaire. On notera enfin que, pour alimenter à des milliers de kilomètres leur guerre navale dans le Pacifique, les Américains ont su créer un véritable système de bases logistiques* mobiles (train d’escadre) qui permettront à l’U. S. Navy de n’accorder aucun répit à leur adversaire japonais. La destruction quasi totale de la flotte nippone à Leyte annonçait déjà la défaite japonaise, consommée en août 1945 par la bombe atomique d’Hiroshima.

Instruits par l’expérience, les gouvernements alliés avaient pris dès le début du conflit le contrôle de leurs navires marchands. Après l’entrée en guerre des États-Unis, ils avaient institué un pool interallié s’étendant à la totalité de leurs moyens pour coordonner l’utilisation du tonnage. Les pertes s’élevèrent de 1939 à 1945 à 6 960 unités pour une jauge brute de 34 millions de tonneaux (dont 23 dans l’Atlantique). Le rapprochement de ces chiffres avec ceux de 1914-1918 fait ressortir une augmentation du nombre des navires coulés bien inférieure à celle du tonnage perdu, ce qui s’explique par le fait qu’en vingt ans le tonnage moyen des navires s’était considérablement accru.


Les marines contemporaines (1945-1973)

La flotte marchande mondiale de 1945 est, avec quelque 70 millions de tonneaux, légèrement supérieure à celle de 1939. C’est le résultat du gigantesque effort de construction en grande série d’unités standardisées par les chantiers américains. Bien qu’ils ne répondent pas exactement aux besoins du temps de paix, ces bâtiments constituent, pour les pays auxquels les États-Unis les cèdent, une solution provisoire permettant d’attendre que les chantiers navals soient en mesure de livrer du tonnage neuf. Toutes les flottes marchandes connaissent bientôt un très rapide développement, stimulé par l’accroissement continu des échanges intercontinentaux, qu’il s’agisse de produits solides et liquides transportés en vrac ou de marchandises diverses.

Sur le plan militaire également, les forces navales américaines, composées de navires neufs, conçus et construits durant les hostilités, dominent les mers. La disparition des flottes du Japon, de l’Allemagne et de l’Italie leur laisse le champ libre ; la marine soviétique n’occupe encore qu’un rang secondaire, et la flotte britannique est usée. Quant à la France, elle ne possède que quelques bâtiments construits avant 1939, usés eux aussi par la guerre, et quelques unités cédées par les États-Unis.

Quinze ans plus tard, en 1960, les États-Unis demeurent, avec 4,4 millions de tonnes de bâtiments en service, la première puissance navale du monde, mais l’U. R. S. S. est passée au second rang avec 1,5 million de tonnes, et la croissance de la puissance maritime soviétique va dominer l’après-guerre. Après deux siècles d’hégémonie, la flotte britannique avec 700 000 t passe au troisième rang, loin derrière les deux super-grands, et la France plafonne autour de 400 000 t.


1940-1955, bouleversement technique des marines de guerre

La révolution technologique qui s’est déroulée dans le domaine naval est si radicale qu’il faut se reporter à l’apparition de la vapeur pour en retrouver un exemple comparable. Au cours de la Seconde Guerre mondiale s’amorce une évolution capitale ; la maîtrise de la mer cesse de s’identifier avec celle de sa surface : l’air et la profondeur de l’eau ont désormais acquis la même valeur. Sur le plan technique, les étapes sont marquées par l’apparition du radar (1939) et de l’asdic (1940), les progrès des sous-marins (schnorchel), l’apparition des roquettes, le perfectionnement des porte-avions et des aéronavales, le déclin, puis la disparition du cuirassé.

Toutefois, ces transformations des bâtiments classiques sont désormais éclipsées par trois innovations fondamentales, dont bénéficie la marine américaine autour de 1955 et qui sont les fruits du potentiel élevé des États-Unis dans le domaine de la recherche scientifique et technique.

• La propulsion atomique. En janvier 1954 était lancé le sous-marin américain Nautilus, qui entrait en service en novembre suivant. Propulsé par un réacteur atomique S. T. R. (Submarine Thermal Reactor), ce bâtiment peut accomplir au moins trois fois le tour du monde sans recharge nucléaire. Devenu ainsi pratiquement invulnérable puisqu’il n’est plus obligé de faire surface pour recharger ses batteries, le sous-marin à propulsion atomique dépasse le rêve de Jules Verne. Il donnera à l’U. S. Navy une avance décisive dans un domaine où les crédits de recherche jouent un rôle primordial. Lorsque, à partir de 1961, il peut être équipé de missiles* stratégiques IRBM (Polaris) lancés en plongée et pouvant recevoir des têtes atomiques, ce sous-marin, devenu lanceur d’engins, constitue l’élément essentiel des forces de dissuasion et sera adopté par les marines soviétique, britannique et française.

• Le porte-avions lourd. L’entrée en service, en 1955, du porte-avions Forrestal de 76 000 t en pleine charge est l’aboutissement de la course au gros tonnage amorcé pendant la guerre. L’apparition de ce porte-avions marque une étape décisive dans la croissance des moyens aéronavals : équipé d’avions à réaction de 30 t, il peut agir à très longue distance par ses bombes nucléaires et devient un argument essentiel de la dissuasion (à lui seul, il emporte une puissance de destruction équivalente au tonnage total de bombes déversées pendant la Seconde Guerre mondiale). Entouré, en outre, de la multitude de bâtiments qui forment maintenant les flottes logistiques, le porte-avions lourd est la pièce maîtresse des forces d’intervention lointaine, telles la VIe flotte américaine en Méditerranée et la VIIe en Extrême-Orient.

• Le missile remplace l’artillerie. La conversion, en 1955, du croiseur Boston en navire lance-missiles antiaériens est à l’origine de la disparition progressive de l’artillerie classique des navires de surface, remplacée par des missiles d’efficacité de plus en plus grande.