Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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marine (suite)

Le navire de guerre par excellence est le vaisseau de ligne, sorte d’affût flottant de canons répartis en deux portées symétriques. Il restera le roi des mers jusqu’au milieu du xixe s., quand la vapeur détrônera la voile. La puissance de l’artillerie mettait fin au long règne des galères et rendait plus difficile l’emploi des brûlots, petits bâtiments incendiaires que l’on faisait dériver sur les flottes au mouillage.

Aux côtés des vaisseaux figurent des bâtiments plus légers.

Naissance de la navigation scientifique

Avec la mise au point du chronomètre, qui permet de résoudre le problème de la longitude, et d’instruments d’observation plus précis (l’octant), de nouvelles possibilités s’offrent à la marine. À la passion de la découverte commence à s’ajouter la recherche ou l’expérimentation de caractère scientifique. La plupart des expéditions ont pour objet l’océan Pacifique, qui est très largement exploré par les Anglais, les Français, les Hollandais, les Russes.

L’exploration de Bougainville*, premier Français à avoir bouclé le tour du monde, le conduit par le détroit de Magellan à Tahiti et aux Moluques (1766-1769). Les Anglais John Byron (1723-1786) et Samuel Wallis (v. 1728-1795) explorent la Polynésie. James Cook*, savant autant que marin, à qui l’on doit les premiers relevés des côtes de Terre-Neuve (1763) et de Nouvelle-Zélande (1770), entreprend trois voyages qui l’amènent successivement aux îles de la Société et Tubuaï (1769-1771), en direction de l’Antarctique jusqu’à 71° de lat. S. (1773), aux îles Hawaii, d’où il cherche un passage au nord de l’Amérique et atteint le détroit de Béring (1778). La Pérouse*, enfin, qui a embarqué sur l’Astrolabe et la Boussole des équipes de savants et d’artistes, découvre de 1785 à 1787 l’île de Pâques, atteint les Philippines, Sakhaline, la Corée et le Kamtchatka.

La grande pêche au xviiie s.

La pêche aux atterrages de Terre-Neuve et du Canada était de tradition ancienne. Fort prospère au xviie s., c’est d’abord une pêche de la morue, nourriture alors très populaire, et une chasse de la baleine, qui fournissait une graisse abondante et assez bon marché. Anglais et Français se disputaient l’usage des bancs où abondaient les morues ; ils virent leurs zones d’action délimitées par le traité d’Utrecht en 1713. Celles-ci seront confirmées par les traités de Paris (1763) et de Versailles (1783). Malgré la perte de l’Acadie, les Français conservèrent le droit de pêche sur le French Shore, à l’ouest de Terre-Neuve. En 1719, la France envoyait environ 500 navires de pêche, partant de Dieppe, de Fécamp, de Rouen, de Honfleur, de Granville, de Saint-Malo, de Nantes, de La Rochelle, de Bordeaux et de Bayonne. Les Hollandais pratiquaient surtout la chasse de la baleine, où ils engageaient chaque année environ 200 baleiniers (v. pêche).


1689-1815, l’établissement de la primauté navale britannique

L’accession, en 1689, de Guillaume d’Orange, stathouder de Hollande, au trône d’Angleterre, scellant la coalition anglo-hollandaise, réunit au profit de Londres la puissance maritime et commerciale des deux pays. La Grande-Bretagne triomphe en 1713 au traité d’Utrecht, qui la récompense largement de l’opiniâtreté avec laquelle elle avait soutenu son effort naval durant tout le règne de Louis XIV.

Son installation à Gibraltar en 1704 favorisait sa présence en Méditerranée et, prenant pied dans les possessions américaines de la France, elle pouvait entamer grâce à sa marine une large expansion coloniale. Celle-ci sera l’occasion de nouvelles luttes contre les Français, notamment pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763). C’est à leur maîtrise de la mer que les Anglais doivent leur victoire en Inde et au Canada, consacrée par le traité de Paris de 1763. Le commerce anglais prend dès lors un essor considérable, dont les ports bénéficient largement. Mais, durant tout le xviiie s., la Grande-Bretagne fait en sorte que sa marine de guerre demeure la première. Dirigée de 1745 jusqu’à sa mort par l’amiral George Anson (1697-1762), célèbre par le tour du monde qu’il avait accompli de 1740 à 1744 au cours d’une campagne menée contre les Espagnols, la Royal Navy entretient en permanence de 120 à 150 vaisseaux et de 100 à 300 bâtiments légers. Anson lui adjoint le corps des fusiliers marins (Royal Marines) et impose un règlement de discipline commun à tous les navires de Sa Majesté. La Navy atteindra son apogée entre 1800, date à laquelle elle s’installe à Malte, et 1815. Au moment où Nelson triomphe à Trafalgar (1805), elle compte 116 vaisseaux de ligne, 418 frégates ou bâtiments légers, représentant ensemble environ 400 000 tonneaux. L’hégémonie navale britannique est désormais incontestée : elle se traduira au xixe s. par le fameux principe du Two Power Standard, qui exige que la Grande-Bretagne dispose d’une flotte de guerre supérieure à la réunion de celles de ses deux plus puissants concurrents.


Les marines au xixe s. (1815-1914)

La découverte à la fin du xviiie s., de la propulsion à vapeur va radicalement modifier la construction et l’emploi des navires. Toutefois, la vapeur, qui n’inspire pas confiance aux marins, ne s’impose que très lentement — à partir de 1850 — aux dépens de la voile.

Dans la première moitié du xixe s., tandis que les progrès des navires à vapeur restent dans le domaine expérimental, les grands voiliers connaissent l’âge d’or de leur emploi, et leur construction se poursuivra pour les marines marchandes jusqu’au début du xxe s.

Au xixe s., la séparation des marines de guerre et des autres marines s’affirme définitive, encore que les principes de base demeurent évidemment communs dans la construction comme dans la navigation.


Une grande mutation technique : la vapeur

Au début du xixe s., le vaisseau à voiles est arrivé au dernier degré de la perfection, mais il est menacé de mort par les progrès de l’artillerie*, capable, désormais, de détruire toute coque en bois. Or, au même moment, plusieurs voix prônaient l’emploi de la vapeur pour la propulsion des navires. En France, dès 1783, Claude Jouffroy d’Abbans (1751-1832) avait effectué des essais concluants sur la Saône avec son pyroscaphe, bâtiment à vapeur mû par des machines à roues placées de part et d’autre de la coque. Mais les résultats les plus concrets furent obtenus par l’Américain Robert Fulton (1765-1815), dont le navire, essayé sur la Seine en 1803, se révéla utilisable et pratique. Rentré en 1806 aux États-Unis, il construisit le Clermont, mû par un système de roues à aubes, et qui assura en 1807 un trafic régulier entre New York et Albany, sur l’Hudson. En 1808, John Stevens (1749-1838) réalisait avec le Phœnix la première liaison côtière par mer d’un vapeur entre New York et Philadelphie. En 1835, on comptait déjà plus de 800 navires à vapeur sur les fleuves américains (Mississippi), 500 en Angleterre et 82 en France. Mais les marins craignaient de les aventurer en haute mer en raison de leur manque de stabilité et de leur grosse consommation en charbon. En 1816, l’Élise traversait la Manche en dix-huit heures ; en 1819, toutefois, le Savannah, bientôt suivi par d’autres vapeurs, traversait l’Atlantique. Les marines militaires commencèrent à utiliser ces bâtiments comme remorqueurs et comme avisos, mais, quand on voulut équiper les frégates, on constata que les roues prenaient la place d’une partie notable de l’artillerie et fonctionnaient mal par mer agitée. Plusieurs essais d’hélice (David Bushnell [1742-1824], John Fitch [1743-1798]...) avaient été tentés à la fin du xviiie s., mais il fallut attendre le brevet de Frédéric Sauvage (1786-1857) en 1832, les résultats du Suédois John Ericsson (1803-1889) en 1837 et de l’Anglais Francis Pettit Smith (1808-1874) en 1839 pour que la propulsion par hélice soit définitivement mise au point.