Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mari (suite)

Le royaume présargonique (jusqu’au xxive s.)

La cité-État de Mari a toujours tiré de grands profits du commerce qui, reliant la basse Mésopotamie au couloir syrien et à l’Anatolie, emprunte par bateaux ou par caravanes la vallée de l’Euphrate, et ses relations se sont étendues à travers l’Ouest, de la Crète et de Chypre (au xviiie s.) au sud-est de l’Iran (xxve s.).

Dès l’époque du Dynastique archaïque (v. 3000-2325), c’est une grande ville avec temples et ziggourat. Leurs vestiges montrent que la civilisation de la basse Mésopotamie, qui est avant tout celle des Sumériens, a été adoptée à Mari par un milieu purement sémitique, qui manifeste son originalité par l’emploi de sa langue dans les inscriptions et par certains rites. La tradition recueillie au IIe millénaire av. J.-C. attribue à la grande cité du Dynastique archaïque une des dynasties qui ont dominé toute la Mésopotamie ; et l’on croit la retrouver dans les bâtisseurs de deux grands palais qui se succèdent sur l’emplacement qui sera encore celui de la dernière demeure royale à Mari.

La richesse de la cité attire les conquérants, et ses monuments sont deux fois détruits vers la fin de la période. Elle passe ensuite sous la domination des rois d’Akkad (xxive-xxiiie s.) et sans doute aussi de la IIIe dynastie d’Our (xxiie-xxie s.).


Le royaume amorrite (xix-xviiie s.)

Même après l’effondrement de l’empire créé par les rois d’Our (2025), les souverains locaux de Mari se contentent longtemps du titre de « gouverneur » ; puis celui de roi de Mari est repris par Iaggid-Lim (v. 1825), qui est aussi roi de Hana, c’est-à-dire à la fois de la région de Terqa (en amont de Mari, sur l’Euphrate) et de l’ensemble des pasteurs qui nomadisent dans ce secteur de la haute Mésopotamie. La partie sédentaire de la population, où se mêlent Sémites de langue akkadienne et Sémites occidentaux et qui cultive les vallées encaissées auxquelles se limite l’irrigation, est bien moins nombreuse que ces tribus indociles d’Amorrites, et l’État de Mari, plus riche que puissant, participe sous la dynastie des Lim à l’instabilité politique qui caractérise la plupart des cités-États mésopotamiennes de l’« époque d’Isin-Larsa » (entre la chute de la IIIe dynastie d’Our et la création de l’empire de Hammourabi). Les maîtres de la grande cité de l’Euphrate se heurtent continuellement à une autre dynastie amorrite, qui réside sans doute à Shoubat-Enlil (dans le bassin supérieur du Khābūr) et dont le personnage le plus célèbre est Shamshi-Adad Ier. Ce conquérant profite de l’assassinat de Iahdoun-Lim de Mari (v. 1798), dont il évince le fils, Zimri-Lim, pour réunir la grande ville à son domaine. Mais à la mort de Shamshi-Adad Ier (v. 1783), Zimri-Lim est ramené à Mari par son beau-père, le roi d’Alep.

C’est ce Zimri-Lim, dont le règne semble avoir dépassé trente-trois ans, qui met la dernière main à ce palais et à ces archives qui sont, jusque-là, uniques dans l’archéologie de l’Asie occidentale. La demeure des rois de Mari est conservée sur 2,5 ha, où on a trouvé près de trois cents pièces, corridors et cours. Plus encore que par la qualité de son architecture et de son confort intérieur, elle est remarquable par ses peintures murales.

D’autre part, les archéologues ont trouvé dans les archives du palais plus de 20 000 tablettes, qui nous renseignent sur le royaume des xixe-xviiie s. et sur l’histoire événementielle et la civilisation de la Mésopotamie, qui, de ce fait, ne sont jamais aussi bien connues que pour cette période.


La ruine de Mari

Zimri-Lim, longtemps allié de Hammourabi de Babylone, est finalement attaqué et vaincu par ce dernier (1760). Deux ans plus tard, les Babyloniens qui occupaient la ville démantèlent sa muraille, et c’est la dernière mention du royaume de Mari dans l’histoire. Nous ne savons rien sur la fin de Zimri-Lim, qui a peut-être continué à régner dans une autre résidence. Dans les textes assyriens du IIe et du Ier millénaire, le nom de Mari continue à désigner le site et sa région, mais l’archéologie n’y a trouvé pour la période qui suit la fin de la cité-État que les tombes des garnisons assyriennes, parthes et sassanides qui campent en ces lieux, et le sable finit par recouvrir ce qui restait du fameux palais et de la « ville de royauté » qui avait dominé l’« Ouest ».

L’archéologie de Mari

Depuis 1933, la ville est l’objet d’un dégagement systématique de la part de l’archéologue français André Parrot (né en 1901) ; en vingt campagnes, ce dernier a remis au jour une documentation d’une rare ampleur, qui a renouvelé à maints égards notre connaissance de l’histoire et de l’art de l’Antiquité orientale aux IIIe et IIe millénaires.

Si la fouille n’a pas encore permis de préciser le moment de la fondation du site, peut-être à la fin du IVe millénaire, elle a du moins montré qu’au milieu du IIIe la cité rayonnait d’un éclat particulièrement vif. De cette période date un palais, en cours d’étude, d’une exceptionnelle conservation ; d’importantes installations cultuelles au cœur de l’édifice attestent la symbiose alors réalisée en la personne du souverain entre le temporel et le spirituel. En outre, des temples ont été dégagés en bordure de la ville (temple dédié à Ishtar), en son temenos (Ishtarat, Ninizaza, Ninhoursag, Shamash...), ou reconnus sous l’emplacement de la ziggourat plus tardive, peut-être voués à Dagan, divinité particulièrement vénérée en Syrie du Nord. Si les textes découverts sont rares pour cette époque, certains temples ont donné à profusion des statues de gypse ou d’albâtre qui sont parmi les pièces maîtresses de la statuaire mésopotamienne archaïque, telle la statuette vouée par Lamgi-Mari (musée d’Alep), l’un des princes de la cité, ou celle de l’intendant Ebih-II (musée du Louvre).