Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mao Tsö-tong (suite)

Ce courage est d’ailleurs mis à rude épreuve lors du passage des communistes dans les contreforts du Tibet, à des altitudes dépassant 3 000, voire 5 000 m. Enfin, au Sichuan (Sseu-tch’ouan), l’armée du Jiangxi (Kiang-si) fait la jonction avec d’autres forces communistes chassées de leur soviet et commandées par Zhang Guo-tao (Tchang Kouo-t’ao), l’un des fondateurs du P. C. C. en 1921, qui avait toujours défini la Révolution chinoise en termes orthodoxes. Très rapidement, une rivalité se développe entre les deux leaders. Pour Zhang, les deux armées doivent s’installer au Sichuan avant de reprendre l’offensive contre les Blancs. Pour Mao, les communistes doivent rejoindre un petit soviet situé au Shănxi (Chen-si) pour se rapprocher de l’envahisseur japonais. Les deux armées se séparent. Celle de Mao traverse alors des marais très meurtriers et rallie le Shănxi (Chen-si), un an après le départ du Jiangxi (Kiang-si). Ils sont 10 000 à peine à finir la Longue Marche. Et nombre d’entre eux ont été enrôlés sur le chemin.

Apparemment, la traversée de la Chine a considérablement affaibli le mouvement communiste. Mais la venue vers la base d’autres unités, dont celle de Zhang Guotao, renforce très rapidement la position des nouveaux venus, qui s’installent bientôt à Yan’an (Yen-ngan), leur nouvelle capitale.

À partir de leur soviet, les communistes proclament très haut leur volonté de lutter contre l’envahisseur japonais. Certaines armées nationalistes ne sont pas insensibles à ce mot d’ordre et refusent implicitement de combattre leurs « frères de race ». C’est la raison pour laquelle Jiang Jieshi se rend à la fin de 1936 à Xi’an (Si-ngan), non loin de la base du Shănxi (Chen-si). Son subordonné, le « jeune maréchal » Zhang Xueliang (Tchang Hiue-liang), le fait prisonnier et lui demande de modifier son attitude vis-à-vis du Japon, de ne plus combattre l’« ennemi de l’intérieur », mais celui de l’extérieur. Zhou Enlai (Tcheou Ngen-lai) participe aux négociations. Finalement, Jiang Jieshi se rend aux arguments de Zhang Xueliang. Quelques mois plus tard, la guerre sino-japonaise éclate. Les communistes et les nationalistes se trouvent réunis pour la deuxième fois.

Auparavant, Mao Zedong aura eu le temps de rédiger quelques-uns de ses textes les plus importants. Dès décembre 1935, il définit la « tactique de lutte contre l’impérialisme japonais », puis, un an après, il tire les conclusions de l’expérience passée dans Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire en Chine. Enfin, à l’été 1937, il rédige deux textes philosophiques devenus célèbres : De la pratique et De la contradiction.

Cette fécondité n’est pas fortuite. L’étape franchie par Mao est capitale, et, en 1936-37, il apparaît pour la première fois comme le leader incontesté du P. C. C. C’est l’époque où les premiers journalistes occidentaux (et d’abord Edgar Snow) découvrent le personnage. Mao est alors un homme dans la force de l’âge, encore maigre, les cheveux assez longs, portant toujours le même costume de coton. Il est d’un abord facile, et sa simplicité, héritée de ses origines campagnardes et des années vécues dans la clandestinité, est déjà légendaire. De même, sa puissance de travail et la capacité qu’il a de s’isoler pour rédiger un texte ou pour assimiler des lectures. Il ne fait pas encore l’objet d’un culte, mais sa popularité est grande sur tous les territoires contrôlés par les communistes.

Mao choisit alors de se séparer de sa troisième femme pour épouser une actrice de cinéma de Shanghai, Jiang Qing (Kiang Ts’ing), qui avait rejoint la base du Shănxi. Le premier mariage de Mao, arrangé par ses parents, n’avait jamais été consommé. Il avait épousé ensuite en 1920 Yang Kaihui (Yang K’ai-houei), la fille d’un ancien professeur, fusillée en 1930 par les nationalistes. C’est à elle qu’il fera allusion dans l’un de ses plus beaux poèmes : les Immortels. Sa troisième femme, He Zizhen (Ho Tseu-tchen), avait été la compagne des moments les plus difficiles. Avec lui au Jiangxi, elle avait été une des rares femmes à faire la Longue Marche, au cours de laquelle un éclat d’obus l’avait blessée.


La guerre sino-japonaise et la victoire communiste

La guerre sino-japonaise (1937-1945) va permettre aux communistes de s’affirmer comme des prétendants au pouvoir en Chine. Contrairement à Jiang Jieshi, qui refuse le combat avec les Japonais et préfère préserver ses forces, les Rouges choisissent de lutter contre l’envahisseur selon la tactique de la guerre civile mise au point au Jiangxi (Kiang-si). En prenant en charge la résistance patriotique, ils deviennent aux yeux du peuple les meilleurs garants de la nation chinoise. Le développement des territoires contrôlés par l’armée rouge prouve l’efficacité de leur méthode. Le travail effectué sur les arrières des armées japonaises n’est pas simplement militaire : les zones libérées reçoivent immédiatement une administration où sont appliquées des mesures propres à satisfaire la majorité des populations, principalement dans le domaine agraire, celui de l’éducation et de l’information.

À la fin de la guerre, la puissance accrue du P. C. C. est mise en évidence. Il comptait à peine 40 000 membres en 1937, il en comprend 1 200 000 en 1945. L’armée rouge (910 000 hommes) contrôle une population de près de 100 millions de personnes. Mao Zedong lui-même sort personnellement grandi de l’épreuve. Ses nouveaux écrits sur la guerre de résistance antijaponaise lui permettent d’affirmer de plus en plus son autorité au sein de son parti. C’est en effet à partir de son analyse que le P. C. C. est à même d’étendre son influence et de devenir plus qu’un simple interlocuteur pour le parti nationaliste. À l’intérieur même de l’organisation, Mao prend le meilleur sur ses principaux rivaux, Zhang Guotao (Tchang Kouo-t’ao) et Chen Shaoyu (Tch’en Chao-yu) dit Wang Ming (l’un des « vingt-huit bolcheviks »), qui avaient souhaité une ligne plus conciliatrice par rapport à Jiang Jieshi. Pour la tendance maoïste, il est clair que l’alliance avec le Guomindang ne doit pas altérer la liberté de manœuvre du P. C. C., liberté sans laquelle le développement autonome de l’armée rouge ne serait pas possible. Jiang Jieshi, conscient du danger, tente d’ailleurs en 1941 de freiner l’expansion communiste dans le bassin du Yangzi (Yang-tseu). Le 4 janvier 1941, les troupes nationalistes attaquent un contingent de l’armée rouge et l’écrasent en dix jours. L’alliance entre les deux partis n’est pas officiellement rompue, mais la collaboration devient tout à fait théorique.