Manzoni (Alessandro) (suite)
Manzoni rédigea la première version de son roman, sous le titre provisoire de Fermo e Lucia (1821-1823), en s’inspirant de la Storia patria (1641-1643) de Giuseppe Ripamonti et de romans et chroniques du xviie s. : le roman se situe en effet en Lombardie au début du xviie s. et culmine dans l’évocation de la peste de Milan en 1630. Dans la deuxième version, publiée en 1827 sous le titre définitif, Manzoni s’employa à éliminer toute concession au romanesque baroque, à l’idéologie romantique et à l’apologétique catholique, visant à un idéal de « medietas » stylistique et narrative, plus conforme à la quotidienneté de l’histoire qu’il s’efforce de saisir à travers la personnalité de ses deux héros, Renzo et Lucia, modestes et touchants villageois en butte à l’hypocrisie, à la corruption, à la luxure et à la rapacité de tous ceux qui font obstacle à leurs noces, indéfiniment suspendues. Le roman était à peine publié que Manzoni le remit sur le métier une seconde fois, après un voyage à Florence, où il était allé « laver son linge dans l’Arno », autrement dit retremper sa langue à la source des plus grands classiques toscans. Ce travail d’épuration et de raffinement linguistique l’occupe de 1830 à 1840-1842. Tous les autres textes qu’écrit ou publie alors Manzoni en marge des Promessi Sposi permettent d’en mieux comprendre les implications idéologiques : Storia della colonna infame, publiée en appendice de l’édition de 1840-1842, méditation sur le mal, la justice, la Providence et l’histoire ; esthétiques : lettre au marquis Cesare d’Azeglio Sul romanticismo (écrite en 1823 et publiée en 1846) et Del romanzo storico e, in genere, dei componimenti misti di storia e d’invenzione (1831, publié en 1845 et réélaboré en 1850) ; linguistiques : Sulla lingua italiana (1846).
Si, dans la seconde moitié de sa vie, Manzoni connaît la gloire et les honneurs (il est nommé sénateur en 1860), il n’est épargné ni par les épreuves familiales — mort de sa femme en 1833 (il se remariera en 1837) et de sa fille aînée (1834), emprisonnement de son fils Filippo à la suite des Cinq Journées de Milan — ni par les conflits qui l’opposent à la hiérarchie romaine, de par ses convictions de démocrate cavourien et partisan de Rome capitale. Plus que jamais, sa proverbiale sérénité n’est au prix que d’une conquête de chaque instant de la « vérité » sur l’« inquiétude ».
J.-M. G.
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