Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mansart (François) (suite)

À Maisons, pour le président René de Longueil, en 1642-1651, l’art de Mansart trouve son plein épanouissement. La tradition y fait place à ce qui va former l’essentiel du nouveau style, une vigueur calme, pondérée et saine, où tout est réglé sans effort ni négligence, où tout semble répondre par avance au désir que Louis XIV exprimera pour Marly : « De la jeunesse partout. »


Le chef-d’œuvre inachevé

Héritiers des bâtisseurs de cathédrales, les architectes rêvaient encore d’un temple aux proportions parfaites, centré comme ceux de Brunelleschi* et de Bramante*. Si François Mansart a longuement muri une telle idée, c’est seulement à son petit-neveu Jules Hardouin-Mansart* qu’il sera permis de l’exprimer pleinement. Une première ébauche s’en présente à Notre-Dame-des-Anges (auj. temple Sainte-Marie, rue Saint-Antoine), élevée pour les Visitandines en 1632-1634 ; on y trouve, derrière un portail d’influence flamande, un espace de plan circulaire cantonné de chapelles sur les axes normaux et diagonaux, éclairé par la lanterne surmontant la coupole. Ce plan centré, avec annexes sur les axes, se retrouve au Val-de-Grâce, commencé en 1645, mais dont Lemercier a modifié les parties hautes. La coupole en aurait-elle été percée d’un oculus sur une seconde voûte, selon le dispositif essayé à l’escalier de Blois ? La chapelle du château de Fresnes, qui en témoignait, est, hélas ! disparue ; et le projet de chapelle funéraire des Bourbons, à Saint-Denis, demandé par Colbert en 1665, soit un an avant la mort de l’artiste, ne saurait non plus nous donner le stade ultime de cette poursuite d’un espace ordonné, illuminé par une source invisible. On est ici aux frontières du baroque* ; cependant, par la franchise de ses plans, la sûreté d’un vocabulaire restreint et d’une structure organisée, Mansart reste un des représentants les plus exemplaires de la culture classique.

H. P.

➙ Classicisme.

 A. F. Blunt, François Mansart and the Origins of French Classical Architecture (Londres, 1941). / Les Mansart, bibliographie (Centre nat. de bibliographie, Bruxelles, 1966). / A. Braham et P. Smith, François Mansart (Zwemmer, Londres, 1973).

Mansart (Jules Hardouin-)

Architecte français (Paris 1646 - Marly 1708).



L’homme

Resté célibataire, François Mansart* avait légué sa fortune et son nom à Pierre Delisle († 1720) et à Jules Hardouin, petit-fils de sa sœur. Ceux-ci devinrent architectes tous deux ; mais seul Jules Hardouin-Mansart devait égaler l’oncle en renommée, lui ressembler par son esprit inquiet de perfection, par ses intrigues et ses spéculations comme par les calomnies dont il fut l’objet. Il lui ressemble encore par sa formation. Lorsque François Mansart confie à Libéral Bruant (1635-1697) ce fils du peintre Raphaël Hardouin, âgé de quinze ans et qui a appris le dessin chez Charles Poërson (1653-1725), c’est pour qu’il acquière sur les chantiers des Invalides* et de la Salpêtrière une pratique solide de la stéréotomie. Sa science des profils sera vantée par ses élèves ; mais il n’ira jamais à Rome.

Ses débuts, comme ceux des autres architectes du temps, restent obscurs. Selon une anecdote, il devrait à Le Nôtre* la faveur du roi ; chose vraisemblable, car sa vision esthétique est proche de celle du grand jardinier, et la part respective de chacun reste parfois difficile à déterminer (par exemple pour les jardins de Marly ou l’Orangerie de Versailles). Dire qu’il avait « subjugué » le roi est sans doute exact, mais ne saurait suffire à expliquer trente années de faveur constante. Seule sa maîtrise face aux problèmes les plus ardus pouvait permettre, au moins baroque des artistes du règne, de satisfaire pleinement le désir de grandeur de Louis XIV, d’établir le rayonnement de Versailles* et de préparer pour l’avenir, par-delà la rocaille*, l’épanouissement d’un nouveau classicisme*.

Hardouin-Mansart doit à l’estime royale une ascension continue. Entré aux Bâtiments du roi et à l’Académie dès 1675, il est Premier architecte dix ans plus tard ; et la surintendance des Bâtiments, où Louvois avait succédé à Colbert en 1683, lui sera donnée en 1699. Anobli en 1683, Hardouin-Mansart est baron de Jouy et comte de Sagonne (titres qui reviendront à deux architectes du xviiie s., ses petit-fils). Pour faire face au labeur écrasant, il a organisé une « agence » dirigée par Robert de Cotte*, où des collaborateurs font les mises au net. Ce sera prétexte à contester son talent, comme si l’architecture n’était pas conception et coordination d’un travail d’équipe, et plus encore en une période où la personnalité du créateur devait s’accorder à la discipline classique. L’œuvre semble difficile à circonscrire par sa variété comme par son étendue ; bornons-nous à trois aspects caractéristiques.


Pour le roi et la Cour

La première grande commande fut Clagny, pour Mme de Montespan. Cette demeure, réalisée en bordure de Versailles de 1674 à 1677 et aujourd’hui disparue, ajoutait à l’habituel plan en U deux ailes éployées qui accusaient l’horizontalité en multipliant les axes transversaux ; pliant le décor à l’architecture, la galerie montrait une tendance à s’affranchir des règles. Jules Hardouin-Mansart reprend cette disposition à Versailles en 1678-1684, pour donner au château son envergure définitive et remplace par la galerie des Glaces le vide central créé par la terrasse de Le Vau. En 1687, à Trianon, le déséquilibre dû au bras du canal est prétexte à une composition plus libre ; l’aile gauche de la cour vient entourer les communs ; l’autre, par un double retour d’équerre, permet aux jardins de s’insérer dans l’architecture, de la pénétrer même par la transparence du portique central. Comme au bosquet de la Colonnade, à peine antérieur, l’espace enclos l’emporte sur le décor raffiné et précieux qui l’encadre.

À Marly (commencé en 1679), dans l’implantation heureusement préservée, on discerne le tracé de Clagny, traité de façon plus souple, substituant au ruban continu des façades un chapelet de treize (douze plus un) pavillons (détruits) pour encadrer le jeu des terrasses et la féerie des eaux, éléments essentiels de cette « clairière des dieux ».