Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Manet (Édouard) (suite)

On attribua à la jeunesse du peintre son trait d’audace, espérant qu’il s’assagirait. Aussi le scandale fut-il bien plus grand encore en 1865, quand il présenta l’Olympia (Jeu de paume). Manet, cette fois, est un récidiviste, et pourtant c’est le Salon officiel qui présente l’œuvre. Mais, tandis qu’il se coupe progressivement du public qu’il espère toucher et des confrères qui le feraient accéder à des honneurs auxquels il aspire (Degas* le lui reprochera assez), l’artiste groupe autour de lui tous ceux qui recueillent du public les mêmes quolibets. Et pourtant il peint relativement « sombre », suivant des préceptes venant de l’École ; Pissarro, Sisley, Monet*, tous ceux qui se rangeront sous la bannière de l’impressionnisme* peignent alors d’une manière nettement plus novatrice. Il est étrange de constater que le public confondait ces artistes, effectivement révolutionnaires pour l’époque, avec Manet et Degas, si soucieux encore de netteté, de métier. C’est d’ailleurs la fréquentation des impressionnistes qui amènera les deux peintres à se libérer plus complètement de la tentation académique, qui aurait dû les faire apprécier du public du moment.

Si la critique se rue sur Manet, une voix, cependant, s’élève, solitaire, qui prend magnifiquement sa défense. C’est celle d’Émile Zola*. Celui-ci a alors vingt-six ans ; il est déjà connu du public, et sa parole fait autorité. Il rencontre Manet en 1866, alors que celui-ci vient de voir refuser au Salon son Fifre (Jeu de paume). En 1867, le peintre frappe un grand coup. Comme Courbet l’avait fait en 1855, il bâtit son « Louvre personnel » au coin des avenues Montaigne et de l’Aima, en marge de l’Exposition universelle. Il y réunit cinquante et une peintures. Dans le catalogue, il s’explique : « L’artiste ne dit pas aujourd’hui : venez voir des œuvres sans défauts, mais venez voir des œuvres sincères. » Il touche là le véritable problème posé par son art, rejeté parce que visant moins une beauté conventionnelle qu’une juste et vraie image de la vie.

De fait, Manet nous apparaît comme un parfait témoin de son temps. Alors qu’un Cézanne* se débat dans des problèmes techniques en inventant, comme Degas d’ailleurs, une nouvelle grammaire plastique, lui s’embarrasse peu de tels problèmes et avance à grands pas, peignant ses amis, sa ville, son milieu social. Comme Baudelaire, il est un vrai citadin et un voluptueux ; comme Zola, il est un curieux de tout ce que recèle une ville ; comme Mallarmé, enfin, il est un raffiné. Gustave Geffroy (1885-1926), l’un des analystes les plus lucides dans une époque particulièrement stupide, a bien vu que l’artiste rejette les préceptes académiques pour peindre ce qu’il voit, jusqu’à la simple indication sommaire se suffisant à elle-même. Remarque capitale, car elle annonce cette manière de peindre qui épousera les mouvements de la vie et donc acceptera la spontanéité comme valeur première. Comme Zola, Manet découvre l’ivresse de la vitesse sur une locomotive ; comme Degas, il se pose des questions sur l’expression effective du mouvement. Témoin de son époque dans ce qu’elle a de spécifique, la « modernité », il ne veut pas, pour autant, être peintre de l’événement. Ainsi, pendant la Commune, il fait son devoir de citoyen, mais s’abstient de prendre une position d’observateur en tant que peintre. De même que Toulouse-Lautrec* et Degas, il laissera d’admirables pages sur la vie parisienne : la Serveuse de bocks (Jeu de paume) et le Bar des Folies-Bergère (1882, Institut Courtauld, Londres) ont leur place parmi les meilleures notations qui traduisent le frémissement de cette vie de plaisir à laquelle, avec des tempéraments très différents, Manet, Toulouse-Lautrec, Degas et Baudelaire étaient si sensibles.

Converti à cet impressionnisme qu’il a malgré lui préparé, Manet peint bientôt, lui aussi, dans une palette très claire. Il travaille avec ses jeunes amis sur les bords de la Seine, dans ce climat de canotage, de danse, de réunions aimables immortalisé par les romans de Maupassant*. Sa touche, en s’éclaircissant, met mieux en valeur ce qu’elle avait déjà de vif, de ferme, de moderne en somme. Le Monet sur son bateau-atelier (1874, Bayerische Staatsgalerie, Munich) en témoigne spécifiquement, ainsi que le précieux petit Portrait de Mallarmé (1876, Jeu de paume). Mais, à côté d’œuvres d’une liberté propre à enthousiasmer les impressionnistes et à justifier sa présence à leurs côtés (encore qu’il ne participe pas à leurs expositions), Manet ne peut s’empêcher de peindre parallèlement dans une facture plus contrôlée. Une ambiguïté persiste dans son attitude : alors que Degas abandonne progressivement son bagage scolaire, Manet y revient parfois comme pour prouver son savoir-faire ou par nostalgie d’une audience qu’il trouvera pourtant à la fin de sa vie. Au Salon de 1881, il reçoit enfin la médaille tant convoitée. Quand il meurt en 1883, des suites d’une amputation de la jambe, il est glorieux quoique encore partiellement incompris.

J.-J. L.

➙ Impressionnisme.

 P. Jamot et G. Wildenstein, Manet. Catalogue critique (Van Oest, 1932 ; 2 vol.). / A. Tabarant, Manet, histoire catalographique (Aubier, 1932) ; Manet et ses œuvres (Gallimard, 1947). / R. Rey, Manet (Hyperion, 1938). / M. Guérin, l’Œuvre gravé de Manet (Floury, 1944 ; nouv. éd., New York, 1969). / M. Florisoone, Manet (Documents d’art, Monaco, 1947). / G. Bataille, Manet (Skira, Genève, 1955). / J.-J. Lévêque, Manet (Bordas, 1967). / S. Orienti, Manet (Florence, 1967 ; trad. fr. Tout l’œuvre peint d’Édouard Manet, Flammarion, 1970). / A. Weiner De Leiris, The Drawings of Manet (Berkeley, 1969). / D. Rouart de D. Wildenstein, Édouard Manet, catalogue raisonné (Bibliothèque des Arts, 1975, 2 vol.).

manganèse

Corps simple métallique.



Découverte

La pyrolusite est un minéral noir formé de dioxyde de manganèse, qui doit son nom au fait qu’il décolore le verre. Cette décoloration résulte de l’oxydation du fer ferreux en fer ferrique, tandis que le dioxyde est ramené à l’état manganeux incolore.

Johann Heinrich Pott (1692-1777), en 1740, puis C. W. Scheele*, en 1774, étudièrent la pyrolusite. Scheele constata que le constituant principal en était une terre inconnue, et J. G. Gahn (1745-1818) isola un manganèse impur vers 1774-1780, puis un métal plus pur fut obtenu en 1807.