Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

malformation (suite)

• Plus rarement, les chromosomes eux-mêmes sont anormaux, ou bien il se produit des accidents au cours de la fécondation, déterminant une disposition chromosomique quantitativement ou qualitativement anormale de l’œuf. Il peut s’agir d’anomalies de nombre, consistant soit dans l’absence d’un chromosome, soit dans la présence d’un ou plusieurs chromosomes supplémentaires, ou bien encore dans une augmentation apparente par dédoublement pathologique.

Il peut s’agir aussi d’anomalies de structure, parmi lesquelles des cassures (délétions), des inversions, des duplications et des translocations entre deux chromosomes distincts.


Les facteurs exogènes

La susceptibilité de l’embryon est essentiellement fonction du stade de son développement. Chaque organe traverse sa période de vulnérabilité maximale aux premiers stades de sa différenciation.

Ces facteurs exogènes sont constitués soit par la carence d’éléments indispensables au développement de l’embryon (carences en oxygène et en diverses vitamines), soit par l’action nocive de certains facteurs qui vont déterminer des lésions plus ou moins importantes. Les uns et les autres réalisent des embryopathies.

• Agents infectieux. Il est actuellement bien établi que le virus de la rubéole peut entraîner des malformations de l’œil, de l’oreille interne, du cœur, des dents et peut-être du cerveau. Le type de malformation est déterminé par le stade du développement embryonnaire auquel survient l’infection (cataracte à la 6e semaine ; surdité à la 9e). Le virus frappe, en effet, électivement les ébauches qui sont à leur maximum d’activité, et de ce fait riches en acide ribonucléique, substrat nécessaire à son développement. Le rôle des autres maladies virales est beaucoup moins démontré.

• Agents physiques. Ce sont essentiellement les radiations ionisantes qui peuvent avoir été appliquées dans un but diagnostique ou thérapeutique (rayons X) ou avoir lésé accidentellement l’embryon à la suite d’une explosion atomique. Une étude sur les femmes enceintes au moment des explosions d’Hiroshima et de Nagasaki a montré que 28 p. 100 avaient avorté, 25 p. 100 avaient donné naissance à des enfants décédés au cours de la première année de la vie, et 25 p. 100 à des enfants présentant des anomalies du système nerveux.

• Agents chimiques. L’exemple le plus récent est celui de la thalidomide, qui, en 1962, a fait plusieurs milliers de petites victimes présentant essentiellement des malformations du type phocomélie. Les antimitotiques (médicaments anticancéreux), certains sulfamides hypoglycémiants (contre le diabète), certains antipyrétiques ont été également suspectés.

Par contre, la morphine, la cocaïne, le tabac et l’alcool, qui avaient été incriminés, ne sont pratiquement jamais à l’origine de malformations.

Ph. C.

 R. Stoll et R. Maraud, Introduction à l’étude des malformations (Gauthier-Villars, 1965). / B. Duhamel, P. Hargel et R. Pages, Morphogenèse pathologique. Des monstruosités aux malformations (Masson, 1966). / A. Rubin, Handbook of Congenital Malformations (Philadelphie, 1967). / J. Warkany, Congenital Malformations, Notes and Comments (Chicago, 1971).

Malherbe (François de)

Poète français (Caen 1555 - Paris 1628).


« Il était grand et bien fait, mais il crachotait toujours, ce qui faisait dire au cavalier Marin qu’il n’avait jamais vu un homme si humide, ni un poète si sec », écrit Racan, son premier biographe. Malherbe ne semble guère avoir séduit ses contemporains, qui craignaient son caractère bourru, sa brutalité, son absence de chaleur, et qui raillaient son peu de fécondité poétique. Lorsqu’en 1605 il vint se fixer définitivement à Paris, après avoir vécu en Provence et en Normandie, son bagage littéraire était assez mince, une quinzaine de pièces en tout, dont les Larmes de saint Pierre (1587), dans le goût italien du temps, et qu’il désavouera vite. Présenté à la Cour, grâce à Nicolas Vauquelin des Yveteaux (1567-1649), il sut plaire à Henri IV par sa Prière pour le roi Henry le Grand allant en Limousin. Le roi le retint à Paris, et Malherbe devint poète officiel, célébrant les grands événements de la vie nationale ou écrivant des poèmes de circonstance — vers de ballet, paraphrases des psaumes, sonnets et épigrammes.

L’histoire et le goût ont voulu que Malherbe fasse plutôt figure de doctrinaire que d’un véritable créateur. On a tendance à voir en lui l’homme qui réglementa la poésie du xviie s. et à oublier son œuvre. Mais l’importance de la doctrine ne doit pas faire mésestimer la force et le charme d’un poète qui compte parmi les plus grands. Sans doute, ses préoccupations mêmes sont celles d’un réformateur en rupture avec la tradition de l’humanisme littéraire du xvie s. et de la Pléiade. Que veut-il ? Qu’on élimine l’équivoque et l’obscur, les fautes d’harmonies (hiatus, assonances rudes), de versification (rimes faciles, enjambements malheureux), les négligences de style (impropriétés, images banales, mauvaises constructions, répétitions), les taches de vocabulaire (archaïsmes, provincialismes, soit « dégasconner » la langue). Les crocheteurs du fort au Foin sont ses « maîtres pour le langage », ce qui signifie que Malherbe rejette tout ce qui n’est pas « dans l’usage vivant », c’est-à-dire tout ce qui est artificiel. La fin de la poésie est avant tout la clarté, tout poème est affaire de métier, dans une salutaire contrainte créatrice. Ces conseils ne constituent pas un art poétique : la doctrine n’apparaît que dans les remarques acerbes du fameux commentaire des œuvres de Desportes ou dans les boutades rapportées par Racan. Les vers de Malherbe sont-ils finalement à la mesure des préceptes énoncés ? « Ce que Malherbe écrit dure éternellement » : on ne peut qu’être sensible à la hauteur d’une œuvre mûrement élaborée, fermement rythmée, disciplinée dans le choix des mots et des sons, soucieuse de traduire, sans une intervention abusive de l’allusion mythologique ou savante, les grands lieux communs de l’expérience morale. La cadence de Malherbe est ample et harmonieuse, précise plutôt que riche, et préfère la pureté à l’abondance. Son sens de la grandeur, qui va parfois d’une beauté un peu froide (Consolation à Dupérier sur la mort de sa fille) aux accents impressionnants d’une austère méditation dans ses paraphrases des psaumes, lui fait découvrir l’expression qui s’accorde le mieux avec l’élévation de sa pensée. Cette noblesse, cette absence de concessions, ce refus de l’abandon, en somme ce dépouillement tout classique, vont de pair avec sa prédilection pour la composition architecturale, dans un élan oratoire soutenu qui n’exclut pas une discrète émotion. On a souvent relevé chez lui, il est vrai, des fautes de goût, des erreurs qu’il dénonçait chez ceux-là mêmes qu’il condamnait. Mais, à juger l’œuvre dans son ensemble, comment ne pas être touché par cette espèce de sourde intensité, non pas seulement dans ses variations sur la mort, mais aussi dans ses vers d’amour ? On doit à Malherbe quelques-uns des plus beaux vers de la langue française (tels ceux-ci, célèbres : « Et les fruits passeront la promesse des fleurs », « Tout le plaisir des jours est en leurs matinées : La nuit est déjà proche à qui passe midi... »). Les meilleurs poètes, à commencer par ses « écoliers », Mainard et Racan, sont redevables à son vers « symétrique et carré de mélodie », suivant le mot de Baudelaire.

A. M.-B.

 J. de Celles, Malherbe, sa vie, son caractère, sa doctrine (Perrin, 1937). / R. Fromilhague, la Vie de Malherbe (A. Colin, 1954) ; Malherbe, technique et création poétique (A. Colin, 1955). / Société d’études du xviie s., Malherbe et son temps (d’Argences, 1963).