Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

antibiotiques

Substances chimiques, produites par un micro-organisme, susceptibles d’être reproduites par synthèse et qui ont le pouvoir d’inhiber et même de détruire certaines Bactéries ou autres micro-organismes en solutions diluées (Janot). Cette définition exclut les corps fournis par la pharmacie chimique (sulfamides, P. A. S., I. N. H.). L’action des antibiotiques peut, en outre, se manifester sur certains virus et sur certaines cellules cancéreuses.



Historique

Dans la lutte anti-infectieuse ont été utilisés d’abord des antiseptiques à action sélective, tels les sels de mercure ou les arsenicaux dans la syphilis. En 1935, Gerhard Domagk met en évidence les propriétés antibactériennes d’un colorant (sulfamidochrysoïdine), premier de la série des sulfamides*, mais il ne s’agit, là encore, que de chimiothérapie. En 1874 avait déjà été remarquée l’inhibition du bacille du charbon par le bacille pyocyanique (la vie empêche la vie), et, en 1889, P. J. Vuillemin avait créé le terme d’antibiose.

En 1928, Alexander Fleming remarque que Penicillium notatum empêche la croissance du staphylocoque. Il faudra attendre 1940 pour que soit isolée, puis utilisée, la pénicilline*. Depuis, de nombreux antibiotiques nouveaux ont été isolés ou obtenus par synthèse. Seuls quelques-uns d’entre eux peuvent être utilisés en médecine, car ils doivent être actifs in vivo à des doses éloignées de la dose toxique.


Spectre des antibiotiques

À la différence des antiseptiques*, les antibiotiques ont une action spécifique. Ils ne peuvent agir que sur des espèces, des genres ou des familles déterminés de Bactéries. Cet éventail d’action est appelé spectre de l’antibiotique. Ce spectre est dit « étroit » lorsque le nombre d’espèces est très réduit, « large » dans le cas inverse.


Action des antibiotiques


Mécanisme d’action

Les antibiotiques agissent au niveau d’un ou de plusieurs sites bactériens. Ils peuvent intervenir en bloquant la synthèse de la paroi (pénicilline). Certains agissent sur la génétique bactérienne en empêchant la synthèse de l’acide désoxyribonucléique. Le chloramphénicol et les macrolides (v. plus loin) agissent sur la synthèse des protéines au niveau du ribosome. Les antibiotiques polypeptidiques agissent au niveau de la membrane cytoplasmique. L’action de l’antibiotique se produit par fixation sur une molécule, dont il gêne le fonctionnement. Dans d’autres cas, l’antibiotique a une structure analogue à celle d’un élément essentiel de la Bactérie. Il prend la place de cet élément, inhibant le métabolisme de l’ensemble (mécanisme d’action analogue à celui des sulfamides).


Degré de l’action

L’antibiotique agit sur les Bactéries de manière plus ou moins importante ; lorsqu’il inhibe la multiplication des germes sans les tuer, on dit qu’il y a bactériostase. Cette action est habituellement suffisante. Les défenses de l’organisme assurent la destruction des Bactéries, dont la multiplication est contenue par une concentration bactériostatique de l’antibiotique. Dans d’autres cas, les Bactéries sont tuées par le contact avec la drogue : il y a bactéricidie. Cet effet dépend de la concentration de l’antibiotique et du temps de contact avec les Bactéries. S’il existe des antibiotiques bactéricides et des antibiotiques bactériostatiques, la plupart sont bactéricides aux fortes concentrations.


Résistance des Bactéries aux antibiotiques

Très rapidement, on s’est aperçu que certains germes résistaient aux antibiotiques ; quelques-uns, comme les staphylocoques, sont devenus très résistants, surtout en milieu hospitalier. Les entérobactéries, le pyocyanique connaissent cette même évolution et sont plus souvent à l’origine d’infections sévères. Par contre, d’autres Bactéries, comme le streptocoque, n’ont guère vu se modifier leur sensibilité aux antibiotiques.

Le mécanisme d’apparition de la résistance est complexe. L’antibiotique n’induit pas la résistance. Il ne fait que sélectionner les germes résistants, qui, seuls, cultivent en sa présence. Le mécanisme de la résistance est double : biochimique ou génétique.
1. Mécanisme biochimique. Certains germes acquièrent une tolérance vis-à-vis des antibiotiques. D’autres résistent grâce à un équipement enzymatique, qui détruit l’antibiotique : la pénicillinase du staphylocoque en est un exemple important.
2. Mécanisme génétique. Les mutations chromosomiques sont rares, stables, spontanées, indépendantes de l’antibiotique, héréditaires. Une telle résistance à un antibiotique d’une famille s’accompagne souvent de résistance vis-à-vis des autres antibiotiques de cette famille : c’est la résistance croisée.

La possibilité de passage, d’une Bactérie à l’autre, d’un facteur extra-chromosomique porteur d’un ou de plusieurs caractères de résistance est seule capable d’expliquer l’apparition d’une résistance simultanée à plusieurs antibiotiques. Ce transfert de résistance peut se faire directement de Bactérie à Bactérie. Plus souvent, il a lieu par l’intermédiaire d’un bactériophage (virus parasitant la Bactérie). C’est un phénomène véritablement infectieux, survenant entre populations bactériennes en l’absence d’antibiotiques. Environ 90 p. 100 des souches résistantes relèvent de ce mécanisme extra-chromosomique.

Au cours d’un traitement antibiotique, des souches résistantes peuvent être sélectionnées (modifications de la flore intestinale). Par contre, au cours d’une infection donnée, la sélection d’un mutant est rare. L’échec d’un traitement bien conduit peut s’expliquer par l’existence de survivants : germes qui échappent statistiquement au traitement. Il existe également des germes demeurant indifférents à l’antibiotique. Des Bactéries, altérées, modifiées, insensibles, peuvent retrouver une activité à l’arrêt du traitement. Ces germes persistants sont une des causes d’échec des antibiotiques.


Étude pratique de l’action des antibiotiques