Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Madagascar (suite)

En dépit de sa politique d’isolement, qui a pu être comparée à celle que le Japon suivait à la même époque, Ranavalona essaya de poursuivre l’œuvre de conquête de son prédécesseur. Elle n’obtint que des succès locaux. Deux Français qui avaient échappé à l’ostracisme, Jean Laborde et Napoléon de Lastelle, développèrent le commerce et dotèrent le royaume d’un embryon d’industrie (forges de Mantasoa).

Avec le bref règne de Radama II (1861-1863), que l’on a pu qualifier de « renaissance malgache », le pays s’ouvrit de nouveau aux influences européennes. Les chrétiens indigènes retrouvèrent leur liberté, les missions purent de nouveau s’implanter dans l’île, et des chartes commerciales furent accordées à des hommes d’affaires étrangers (le Français Joseph Lambert et l’Anglais Caldwell). Des traités furent également passés avec la France et la Grande-Bretagne.

L’assassinat de Radama (11 mai 1863) ne mit d’ailleurs pas fin à cette politique d’ouverture. Celle-ci se poursuivit sous les règnes de Rasoherina (1863-1868), Ranavalona II (1868-1883) et Ranavalona III (1883-1895).

Mais ces règnes furent en fait celui d’un seul personnage, Rainilaiarivony, prince consort. Premier ministre et commandant en chef, qui sut concentrer tous les pouvoirs entre ses mains.

La conversion de la reine et du Premier ministre au protestantisme (21 févr. 1869) fut le fait marquant de cette période. L’influence anglo-saxonne fut dès lors déterminante dans l’île, et le nombre de chrétiens s’accrut rapidement. Par ailleurs, Rainilaiarivony poursuivit l’œuvre de modernisation du royaume en dotant celui-ci d’un code civil, d’un système judiciaire, d’une organisation administrative perfectionnée. Il ne parvint toutefois pas à soumettre les populations du Sud.


L’ère coloniale (1885-1960)

Les aspirations des colons réunionais et les plaintes des milieux catholiques sont sans nul doute à l’origine de l’intervention française à Madagascar, bien plus que le souvenir des anciens établissements du xviie s. Dès 1883, une petite expédition maritime bombarda de nouveau Tamatave afin de faire reconnaître les intérêts français.

Le désistement de la France dans l’affaire d’Égypte incita la Grande-Bretagne à lui laisser les mains libres à Madagascar. Le traité franco-malgache du 17 déc. 1885 prévoyait la mise en place d’un régime de protectorat à peine déguisé. Ce régime fonctionna très mal, tant en raison des imprécisions du traité que de l’opposition du Premier ministre.

La reconnaissance par la France du protectorat anglais sur Zanzibar eut pour conséquence une nouvelle approbation par la Grande-Bretagne de l’action entreprise à Madagascar (convention du 5 août 1890). À cette époque, le désordre régnait de toutes parts, et l’intervention française était même souhaitée par des missionnaires anglo-saxons. Le résident français, Le Myre de Vilers, fut rappelé en octobre 1894. Rapidement menée, l’expédition du général Duchesne (janv.-sept. 1895) se termina par la prise de Tananarive. Un nouvel essai de protectorat ne fut guère plus heureux que le précédent, et, par la loi du 6 août 1896, l’île de Madagascar fut déclarée colonie française. Le général Gallieni*, gouverneur de 1896 à 1905, organisa remarquablement la nouvelle colonie, qu’il pacifia et soumit totalement. La colonisation fut entreprise activement, et une œuvre importante accomplie dans les domaines hospitalier et des travaux publics. La déportation de la reine à la Réunion puis en Algérie porta un coup sévère à la famille royale, principal foyer d’agitation. Par ailleurs, Gallieni sut apaiser les graves tensions qui se faisaient jour entre missionnaires catholiques français et protestants anglo-saxons. De 1905 à 1939, les successeurs de Gallieni surent, dans l’ensemble, poursuivre son œuvre, ainsi que l’attestent l’accroissement de la population (qui passait de 2 500 000 hab. en 1900 à 4 122 000 en 1941 et 5 144 000 en 1958), le développement des échanges, la construction d’un réseau routier et de plusieurs voies ferrées, la mise en place de nombreuses institutions scolaires et la création d’un embryon d’enseignement supérieur. Pendant cette première période de l’ère coloniale, l’opposition nationaliste fut pratiquement insignifiante. Sa seule manifestation notable fut en 1915 la découverte du complot « Vy Vato Sakelika » (fer, pierre, ramification), qui semble bien n’avoir été qu’une petite conspiration d’étudiants qui furent d’ailleurs frappés par une répression sévère. Par la suite, l’institution Jean Ralaimongo regroupa quelques nationalistes autour de la rédaction de son journal, l’Opinion.

Après l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, l’île demeura fidèle au gouvernement de Vichy, puis, en 1942, à la suite d’un débarquement anglais, elle rallia la France libre. Le général Legentilhomme, nommé gouverneur général, hérita d’une situation politique difficile.

Au lendemain du conflit, l’île fut dotée d’une représentation parlementaire. Les revendications nationalistes se firent jour avec plus d’intensité (création de plusieurs formations politiques), cependant que les députés Ravoahangy, Raseta et Rabemananjara réclamaient — en vain — le statut d’État indépendant associé à l’Union française. L’île devint en 1946 un territoire d’outre-mer de la République française, doté d’une assemblée représentative sans grands pouvoirs.

À peu de temps de là (mars 1947-déc. 1948) éclata une rébellion qui allait ensanglanter la côte est. De nombreux fonctionnaires, des garnisons isolées furent massacrés. Une très dure répression s’ensuivit et il y eut au total plus de 11 000 morts. Le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (M. D. R. M.) fut considéré comme le principal responsable de ce soulèvement : ses chefs furent emprisonnés et jugés ainsi que les quatre parlementaires malgaches accusés de complicité.