Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

machine-transfert (suite)

Avantages et inconvénients

Ces machines-transferts, constituées d’unités séparées, présentent divers avantages :
1o diminution des délais d’étude, de réalisation et de mise au point, du fait de l’emploi d’unités normalisées, préfabriquées, dont les performances et les conditions d’utilisation sont bien connues, et diminution corrélative du coût des études et du coût de réalisation de ces machines ;
2o grande productivité par suite de la réduction du temps total d’usinage, donc coût réduit des opérations d’usinage effectuées grâce :
— au travail simultané de tous les postes d’usinage, une pièce différente étant usinée à chaque poste à des stades différents d’avancement ;
— au travail simultané, à chaque poste, de différentes têtes d’usinage susceptibles d’être disposées suivant trois ou quatre faces de la pièce, ces différentes têtes d’usinage pouvant être équipées chacune de carters porte-broches susceptibles de comporter, par exemple, des dizaines de broches de perçage travaillant ensemble ;
— à la durée très réduite de la phase « transfert », pendant laquelle l’usinage proprement dit est interrompu ;
3o suppression du personnel d’exécution — d’où grande productivité de la main-d’œuvre et coût relativement faible du travail réalisé ;
4o diminution des rebuts d’usinage, en raison de la bonne reproductibilité, et diminution corrélative des frais de contrôle, les machines pouvant être équipées pour contrôler elles-mêmes leur travail ; le contrôle final peut alors se faire par prélèvement ;
5o diminution du nombre d’affûtages — d’où réduction de la consommation des outils de coupe, les avances et les vitesses de coupe étant préalablement réglées à des valeurs optimales ;
6o réduction de la surface couverte occupée par ces machines et suppression quasi totale de la manutention de pièces semi-finies dans l’atelier ;
7o possibilité de modifier assez facilement un transfert d’usinage en fonction des améliorations apportées à la forme des pièces usinées ;
8o possibilité de réutiliser les éléments normalisés en cas de changement de la fabrication (changement de modèle).

Mais, compte tenu de l’investissement que nécessite l’acquisition de telles machines, celles-ci ne sont rentables que pour les séries importantes de pièces.

G. F.

➙ Affûtage / Alésage / Filetage / Fraisage / Machine-outil / Perçage / Rectification / Taraudage / Tournage.

 A. R. Métral, la Machine-outil, t. III (Dunod, 1954). / N. S. Atcherkane, les Machines-outils travaillant par enlèvement de métal, t. III (Éd. S. P. M., 1959).

machinisme

Utilisation des machines.


Si l’on convient d’appeler machine une combinaison d’éléments résistants, capable soit de produire et de transformer de l’énergie, soit de la transmettre et d’accomplir un travail, le machinisme apparaît comme le remplacement, systématiquement poursuivi, du travail humain et des outils directement mus par la main de l’homme par des machines. La production d’énergie* est le problème central. C’est pourquoi, si la mise au point d’outils, pour soulager la peine des hommes, est une activité universelle, la machine n’a pu apparaître qu’avec la maîtrise de l’énergie. Les deux premières sources utilisées furent le vent — avec le bateau à voile, qu’on peut considérer comme une machine, et le moulin à vent (inventé vers le ve s., probablement en Asie Mineure, mais diffusé en Flandre à partir du xie s.) — et les rivières, qui se mirent à animer, à partir des xiie-xiiie s., les machines à fouler le drap. Un pas décisif fut franchi lorsque la production d’énergie ne dépendit plus des caprices du temps et de la diversité des climats, ni des inconstances de l’hydrologie. La mise au point, au xviiie et surtout au xixe s., de la machine à vapeur, du moteur électrique et du moteur à explosion a ouvert à la machine et au machinisme des possibilités dont on ne peut encore percevoir les limites.

La machine se substitue au travail humain (non seulement musculaire, mais aussi mental par l’introduction des cerveaux électroniques et de l’informatique*), mais elle a besoin du travail* humain pour fonctionner. Cette contradiction est à l’origine de deux interprétations diamétralement opposées de la machine et du machinisme.

Une vision optimiste considère le premier aspect de la machine et du machinisme et insiste sur la libération qu’ils autorisent. C’est une libération par rapport au travail, qui cesse, du moins à l’horizon de la logique machiniste, d’être la vieille malédiction qui pèse sur l’humanité ; la substitution progressive de machines dans toutes les activités humaines de production et de contrôle permet de rêver, pour un avenir plus ou moins proche, à un automate universel qui non seulement accomplira toutes les tâches, mais se contrôlera lui-même. L’homme cessera d’être astreint à consacrer une grande fraction de son temps à produire les conditions matérielles de son existence, pour pouvoir se livrer entièrement à sa fantaisie et à sa spontanéité. Parallèlement se produira une libération par rapport à la rareté, car la mécanisation systématique permet d’accroître dans des proportions fabuleuses la productivité du travail et, par le fait même, la part qui revient à chacun dans la production totale. Bref, par le machinisme, on peut escompter que l’humanité accédera à des conditions qui lui permettront de s’épanouir pleinement.

La vision pessimiste ne manque pas d’arguments. Depuis le début du xixe s., tout un courant n’a cessé d’insister sur le prix auquel est payé le machinisme. Car une machine a besoin des hommes pour la surveiller, l’entretenir et l’alimenter. Mais elle vit à son rythme propre, qu’elle impose donc à ses servants. La mécanisation détermine, par ailleurs, la division du travail en tâches élémentaires, dont la répétition monotone des mêmes gestes asservit une fraction importante des travailleurs à un travail sans joie et sans perspectives. Ainsi, par une logique implacable, le machinisme, loin de libérer les hommes, mène à un esclavage de la plupart ; l’augmentation de la production, si elle permet d’accroître les satisfactions matérielles, compromet définitivement la qualité de la vie, sauf pour une infime minorité de privilégiés, qui, en fait, échappent au machinisme, tout en profitant des progrès de l’appareil productif.