Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louvain (suite)

L’université a profondément marqué la ville de son empreinte. Présente dans nombre d’édifices, elle occupe notamment ce qui reste des anciennes halles des drapiers (1317-1432). L’esprit de la Renaissance n’apparaît guère dans l’ensemble de ces édifices ; le baroque, au contraire, s’y épanouit dès la seconde moitié du xviie s., sous l’influence de la Contre-Réforme : l’église Saint-Michel (1650-1671) en est un des plus beaux spécimens, à la fois monumental et fleuri. On retrouve le même style dans la chapelle de Notre-Dame (1641) et dans maints portails de collèges. Ceux-ci, nombreux, jalonnent la ville. Au style rocaille appartiennent l’ancien couvent des Sœurs noires (1681), les collèges Van Dale (1569), des Prémontrés (1755), du Luxembourg (1755), etc. Beaucoup de bâtiments ont souffert durement des deux guerres mondiales et les travaux de restauration n’en ont pas effacé tous les stigmates. Quelques maisons particulières tout à fait remarquables ont échappé aux dévastations : la maison dite « Van’t Sestich », à façade gothique, et d’autres de style Renaissance ou baroque.

Le musée communal Vanderkelen-Mertens renferme des spécimens typiques de la sculpture brabançonne, des fragments de vitraux, des broderies et des tapisseries. Dans les environs de Louvain, à Heverlee, se dressent le château gothique et Renaissance d’Arenberg — demeure imposante malgré de nombreuses transformations — ainsi que la célèbre abbaye du Parc, vaste ensemble édifié du xvie au xviiie s.

R. A.


L’affaire de Louvain

Le transfert en Wallonie de la section francophone de l’université catholique de Louvain est une conséquence de la législation linguistique de 1962-63. Celle-ci consacrait l’homogénéité linguistique de la Flandre et de la Wallonie. Dès 1962, cependant, lors de l’élaboration et de la discussion de ces lois, les professeurs francophones réclamaient pour les membres de leur section des facilités linguistiques sur le plan administratif ainsi qu’un réseau d’enseignement en français pour leurs enfants. Ces exigences furent d’emblée rejetées par la section néerlandophone, où l’on commença à parler de transfert. Intervenant dans le débat, les évêques rejetaient toute idée de transfert, mais promettaient l’autonomie des deux sections. Finalement, en août 1963, la loi accorda aux membres francophones les mesures d’exception souhaitées.

L’affaire de Louvain rebondit après la publication, en avril 1965, de la loi sur l’expansion universitaire, qui prévoyait de nouvelles implantations de l’université hors de l’arrondissement de Louvain. Jusque-là, le mécontentement flamand était provoqué par les lenteurs mises à réaliser l’autonomie de chaque section. Une déclaration équivoque faite par le secrétaire général de la section francophone en novembre 1965 provoqua un tollé général dans les milieux flamands. Arguant que le but inavoué de la section francophone consistait à franciser à terme tout le Brabant méridional par une implantation triangulaire Bruxelles-Louvain-Wavre, ces mêmes milieux exigèrent, manifestations à l’appui, le transfert de la section francophone en Wallonie.

Pour sortir de l’impasse, les évêques décidèrent en janvier 1966 la création d’une commission professorale, destinée en particulier à se prononcer sur les implantations envisagées. Sur ce point la commission n’arriva pas à s’entendre, les membres néerlandophones considérant le transfert des candidatures comme une mesure minimale, solution rejetée par les membres francophones. Une commission extra-universitaire aboutit à un résultat analogue, le climat passionnel ambiant rendant toute solution de compromis impossible.

Acculés à trancher la question eux-mêmes, les évêques signèrent le 13 mai 1966 une déclaration dont la forme autant que le fond mirent en moins d’une semaine toute la Flandre en ébullition. C’était, assorti de menaces, le rejet catégorique de toute idée de transfert : « Nous nous refusons à envisager deux Universités catholiques dans notre pays, même si la réalisation en était financièrement ou politiquement possible [...]. Cette décision est irrévocable [...]. Nous n’acceptons pas que cette unité soit mise en cause par quiconque appartient à l’Université. »

Inquiet de l’effervescence provoquée par cette déclaration, l’épiscopat jeta du lest les jours suivants, tandis que le débat était porté sur le plan politique par la déposition d’un projet de loi visant au transfert. Afin d’apaiser le mécontentement de la section néerlandophone, on nomma à des postes clés deux professeurs laïques flamands, l’un et l’autre partisans du transfert. Après quoi, l’épiscopat, dans une déclaration sybilline, se déchargea du problème au profit de l’autorité académique ainsi remaniée. Au Parlement, le problème resta en suspens : le gouvernement entendait faire respecter la trêve linguistique, et il obtint le rejet de la prise en considération de ce projet de loi.

Ces mesures ouvrirent une période de calme avant la tempête. De part et d’autre, on attendait la discussion de la nouvelle loi sur l’expansion universitaire, prévue pour 1968.

La tension latente explosa brutalement après la publication du programme d’expansion de la section francophone en janvier 1968. Le plan dévoilait les rivalités régnant entre les autorités académiques de chaque section et, préjugeant de la décision politique sur le transfert, affirmait le maintien inconditionnel de la section francophone à Louvain. Le scénario de mai 1966 se répéta, amplifié : grèves des cours, motions, manifestations de rue, déposition d’un nouveau projet de loi tendant au transfert. En février, les événements se précipitèrent. Les rétractations publiques de l’évêque de Bruges, déclarant avoir commis une grave erreur en contresignant la déclaration épiscopale du 13 mai, firent sensation. L’épiscopat avoua ensuite publiquement son désaccord sur la question du transfert. Après un chassé-croisé prolongé entre l’épiscopat, les autorités académiques et le gouvernement, se rejetant mutuellement la responsabilité d’une décision, les sociaux-chrétiens flamands exigèrent une déclaration gouvernementale qui reconnaisse le principe du transfert. Le refus du gouvernement entraîna la démission des ministres sociaux-chrétiens flamands, ce qui provoqua la chute du cabinet.