Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XIV (suite)

La France en 1715

Ainsi le vieux roi, après la terrible et épuisante guerre de la Succession d’Espagne, peut faire le bilan de son règne. Il est roi depuis soixante-douze ans et a perdu tous ses compagnons de jeunesse. Ses grands ministres sont morts. En quatre ans, de 1711 à 1714, la mort va lui enlever toute sa descendance à l’exception d’un arrière-petit-fils de cinq ans, le duc d’Anjou (futur Louis XV). Ces deuils l’inciteront à écrire, sans trop d’illusions semble-t-il, un testament qui habilite ses bâtards à lui succéder. Son neveu Philippe d’Orléans, qu’il a nommé régent, fera d’ailleurs casser ce testament le lendemain de la mort du Roi-Soleil, qui survient après une courte maladie le 1er septembre 1715.

À cette date, qu’en est-il du royaume ? De sérieuses retouches doivent être apportées au classique tableau de désolation tel que l’a dressé Fénelon*. La baisse de population due à la crise de 1709-10 a été vite compensée, car à partir de 1714 de belles récoltes vont faire baisser le prix du pain. La vigoureuse expansion de la marine de commerce favorise un intense trafic avec la Chine et les ports sud-américains. Le commerce avec la Louisiane* s’est développé ; Marseille* s’est enrichie par le commerce du Levant, et Nantes* grâce au sucre antillais. Dans l’industrie, le bas prix des subsistances et le renouveau du négoce favorisent une renaissance des manufactures ; aussi le climat est-il bien plus propice à la reprise qu’à une récession.

En 1715, la France sort territorialement agrandie des guerres de Louis XIV, et les frontières renforcées empêcheront pour un siècle toute invasion étrangère. Dans le domaine militaire, de grands progrès ont été obtenus ; la France a la première armée d’Europe, et, surtout, une véritable intendance a été enfin créée (arsenaux, magasins d’étapes, casernes). Si la marine de guerre, après 1690, décline, par manque de moyens, la première place revient aux armements privés, et le roi a su favoriser et judicieusement employer les flottes privées des négociants.

La grande faiblesse, ce sont les finances. En 1715, l’État est considérablement endetté par plus de vingt ans de guerres presque successives. Louis XIV, à cause de ses guerres, n’a jamais eu, après 1672, de finances stables. Ce déséquilibre est aggravé par l’absence d’une grande banque et d’organismes de crédit, et, malgré les efforts et quelques essais de Vauban, qui n’a pas été écouté, il n’y a eu aucune réforme dans la répartition des impôts.

Dans sa politique étrangère, le roi a eu contre lui les riches économies anglaise et hollandaise, le regain de puissance de l’empereur Léopold Ier (1651-1705) qui, en arrêtant les Turcs à Vienne, puis en les chassant de ses Marches de l’est, a retrouvé un grand prestige, en se posant, comme jadis, champion de la chrétienté.

La phase économique défavorable qui recouvre tout son règne, Louis XIV l’a aggravée par ses dépenses militaires, par la révocation de l’édit de Nantes et par l’absence d’une politique maritime et coloniale soutenue.

En revanche, si la vieille administration des officiers vénaux subsiste encore, elle n’a plus grande autorité ; la réalité du pouvoir appartient désormais au gouvernement royal et à son solide réseau d’intendants. Les « fureurs paysannes » ont disparu en même temps que se sont développées la police et l’armée. Les éléments nomades, pouvant devenir dangereux, ont été sédentarisés : mendiants dans les hôpitaux généraux, soldats dans les casernes. En 1715, dans une France encore auréolée de toutes les gloires de son « Grand Siècle », la monarchie administrative centralisatrice commence. La France ordonnée de Louis XV s’annonce.

P. P. et P. R.

➙ Académie / Académie royale de peinture et de sculpture, Académie royale d’architecture / Anne d’Autriche / Bourbon / Bourgeoisie / Camisards / Classicisme / Colbert / Commerce international / Empire colonial français / Fouquet / Fronde / Gallicanisme / Jansénisme / Le Brun / Louvois / Marine / Mazarin / Monarchie d’Ancien Régime / Noblesse / Succession d’Espagne (guerre de la) / Vauban / Versailles.

 E. Lavisse, Louis XIV (Hachette, 1911 ; 3 vol.). / P. Sagnac et A. Saint-Léger, Louis XIV (P. U. F., 1935 ; nouv. éd., 1949). / P. Sagnac, la Formation de la société moderne, t. I : la Société et la monarchie absolue, 1661-1715 (P. U. F., 1945). / H. Méthivier, le Siècle de Louis XIV (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1950 ; 6e éd., 1971) ; l’Ancien Régime (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1961 ; 5e éd., 1971). / J. Orcibal, Louis XIV et les protestants (Vrin, 1951). / R. Mousnier, xvie et xviie siècles (P. U. F., 1954). / E. Préclin et E. Jarry, les Luttes politiques et doctrinales aux xviie et xviiie siècles (Bloud et Gay, 1955-56). / G. Livet, l’Intendance d’Alsace sous Louis XIV (Les Belles Lettres, 1957 ; 2 vol.). / B. Verlet, Versailles (Fayard, 1961). / Louis XIV par lui-même (Perrin, 1964). / A. Adam et coll., la France au temps de Louis XIV (Hachette, 1966). / P. Goubert, Louis XIV et vingt millions de Français (Fayard, 1966) ; l’Avènement du Roi-Soleil (Julliard, coll. « Archives », 1967) ; l’Ancien Régime (A. Colin, coll. « U », 1969-1973 ; 2 vol.). / N. Mitford, The Sun King (New York, 1966 ; trad. fr. le Roi-Soleil, Gallimard, 1968). / R. Mandrou, la France aux xviie et xviiie siècles (P. U. F., coll. « Nouvelle Clio », 1967) ; Louis XIV en son temps (P. U. F., 1973). / B. Teyssèdre, l’Art français au siècle de Louis XIV (Libr. génér. fr., 1967). / J. B. Wolf, Louis XIV (New York, 1968). / R. Hatton, Europe in the Age of Louis XIV (Londres, 1969 ; trad. fr. l’Époque de Louis XIV, Flammarion, 1971). / F. Dornic, R. et S. Pillorget et P. Cogny, la France de Louis XIV (Denoël, 1970). / J. Levron, la Vie quotidienne à la cour de Versailles, aux xviie et xviiie siècles (Hachette, 1972). / J.-L. Thireau, les Idées politiques de Louis XIV (P. U. F., 1973).

Louis XIV (style)

Le style Louis XIV, élaboré dès 1648 au sein de l’Académie* royale de peinture et de sculpture instituée sous les auspices du chancelier Séguier, s’est manifesté pratiquement au château de Vaux*, construit par Louis Le Vau* à partir de 1656 pour le grand animateur des arts de l’époque, Nicolas Fouquet*. Distribué « à l’italienne », c’était un palais princier entièrement décoré d’allégories peintes et sculptées sous la direction d’un maître nourri du doctrinal romain, Charles Le Brun*. De ce chantier découlera l’entreprise royale de Versailles*.