Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis VI le Gros ou le Batailleur (suite)

Mais il agit aussi en tant que suzerain en Normandie, où il soutient en vain les droits de Robert Courteheuse et de son fils Guillaume Cliton contre leur frère et oncle, le roi d’Angleterre Henri Ier Beauclerc ; au terme de deux rudes campagnes (1109-1113 et 1116-1120), Louis VI, vaincu à Brémule le 20 août 1119, est contraint de renoncer à ses projets, que son adversaire déjoue une nouvelle fois au cours d’une troisième guerre (1123-1127). Intervenant en Flandres pour punir les assassins du comte Charles le Bon en 1127, le roi de France ne réussit pas à lui donner pour successeur son protégé, Guillaume Cliton, qui est déposé dès 1128 au profit de Thierry d’Alsace, faute d’avoir respecté les privilèges des grandes villes de la principauté.

Finalement, c’est en accordant son appui juridique aux forces socio-économiques qui s’épanouissaient à l’intérieur des grands fiefs que ce roi soldat réussit à affaiblir l’autorité et le prestige de ses grands vassaux. Ainsi, il favorise l’émancipation du clergé dans le cadre de la réforme grégorienne à condition de se réserver le droit d’accorder la permission de présider à l’élection des évêques et dans la mesure où cette émancipation affaiblit le pouvoir de ses vassaux dans son royaume et non le sien dans son domaine. Ainsi, il soutient l’établissement de communes* en Flandre et en Picardie, alors qu’il maintient les villes de son domaine royal dans une étroite dépendance et qu’il ne concède à des communautés rurales que des privilèges financiers et économiques, mais non politiques, à l’exemple des coutumes de Lorris en Gâtinais, qui servent de charte modèle pendant tout le xiie s. Par là se trouve renforcée l’autorité d’une royauté dont le prestige s’affirme d’abord en 1124, lorsque l’empereur Henri V, gendre et allié de Henri Ier Beauclerc, n’ose affronter son armée en rase campagne ; mais il s’affirme aussi lorsque, en 1137, le duc d’Aquitaine Guillaume X choisit pour épouser sa fille et unique héritière, Aliénor, le futur Louis VII, dont le domaine s’étend brutalement de l’Oise aux Pyrénées.

P. T.

➙ Capétiens / Commune médiévale / Louis VII le Jeune.

 A. Luchaire, Recherches historiques et diplomatiques sur les premières années de la vie de Louis le Gros, 1081-1100 (A. Picard, 1886) ; Louis VI le Gros. Annales de sa vie et de son règne, 1081-1137 (A. Picard, 1889 ; réimpr. Culture et civilisation, Bruxelles, 1964) ; les Premiers Capétiens, 987-1137, dans Histoire de France, sous la dir. d’E. Lavisse (Hachette, 1901).

Louis VII le Jeune

(v. 1120 - Paris 1180), roi de France de 1137 à 1180.


Fils de Louis VI et d’Adélaïde de Savoie, associé au trône dès 1131, Louis le Jeune épouse l’unique héritière du duc Guillaume X d’Aquitaine, la princesse Aliénor, à la fin de juillet 1137. Il devient donc presque à la même heure Dux Aquitanorum et roi de France.


Le conflit avec l’Église

Prince autoritaire et actif, plus intelligent et plus instruit que son père, Louis VII a sans doute manqué de l’énergie nécessaire pour assurer le succès de sa politique, surtout à la fin de sa vie. Ayant écarté de la Cour, dès son avènement, sa mère, avec l’appui de Suger, conseiller expérimenté du souverain défunt, il entre rapidement en conflit violent avec l’Église, en partie, sans doute, sous l’influence de sa sensuelle épouse.

Il accorde son investiture en 1138 à l’évêché de Langres à un moine de Cluny et non au candidat de saint Bernard, favorise en 1139 et en 1146 l’établissement des communes de Reims et de Sens au détriment des clergés locaux et prétend imposer en 1141 son conseiller, le chancelier Cadurc, à l’archevêché de Bourges, à qui le pape Innocent II oppose Pierre de La Châtre, qui doit se réfugier auprès du comte Thibaud IV de Champagne. Louis VII envahit alors la principauté de ce dernier, prend et brûle Vitry en 1142, mais ne peut faire lever l’interdit qui frappe ses terres qu’en accédant aux désirs du pontife.


Louis VII et la deuxième croisade

S’étant croisé le jour de Noël 1145 pour tenter de reconquérir Edesse à l’appel de saint Bernard, il abandonne le gouvernement de son royaume à Suger de 1147 à 1149, mais ne parvient même pas, malgré son très grand courage, à s’emparer de Damas. Par contre, il se brouille avec son épouse, dont la fidélité semble bien avoir chancelé lors de son séjour à Antioche auprès de son oncle Raimond d’Aquitaine. Malgré les efforts du pape Eugène III, qui reçoit les époux royaux à Rome à l’automne 1149, malgré la naissance d’une seconde fille en 1150, Louis VII commet l’erreur de faire prononcer par le concile de Beaugency, le 21 mars 1152, la dissolution de son mariage sous prétexte de consanguinité. Ainsi, il jette Aliénor dans les bras de Henri Plantagenêt.


Le conflit avec Henri II Plantagenêt

En vain, Louis VII affecte-t-il de garder le titre de duc d’Aquitaine en tant que tuteur des héritières du duché, ses deux filles Marie et Alix. Renonçant à ses droits contre une indemnité de 2 000 marcs en août 1154 seulement, Louis VII se remarie alors avec Constance de Castille et donne sa propre sœur en mariage au comte Raimond V de Toulouse, qu’il aide à repousser en juin 1159 les assauts du roi angevin. La conclusion en 1160 d’un mariage entre Henri le Jeune, fils aîné de Henri II, et Marguerite, fille de Louis VII et de Constance, semble même sceller la réconciliation des deux souverains, le second accordant en dot à la jeune princesse le Vexin normand, qui lui avait été cédé avec le château de Gisors en 1151. Dès 1167, pourtant, les hostilités reprennent, du fait des prétentions de Henri II sur l’Auvergne, puis de celles qu’il élève sur le Berry.

Remarié une troisième fois avec Adèle de Champagne en novembre 1160, Louis VII bénéficie dès lors de l’appui des princes champenois ainsi que de celui des papes Eugène III, puis Alexandre III (1162-1165), qu’il a accueillis sur ses terres pour les soustraire aux entreprises de l’empereur Frédéric Ier Barberousse. Surtout, il accorde refuge à l’archevêque de Canterbury, Thomas Becket, et apporte son aide à Henri et Richard, fils de Henri II révoltés en 1173.

Manquant d’énergie et de bons conseillers depuis la mort de Suger, le 13 janvier 1151, Louis VII ne réussit à imposer à Henri II la conclusion du traité d’Ivry, le 21 septembre 1177, que grâce à l’intervention menaçante du pape.