Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Londres (suite)

Cependant, à mesure que se développait la couronne suburbaine au-delà des limites du comté, le besoin d’une autorité unique se faisait davantage sentir. Après avoir bien des fois été à l’ordre du jour, la réforme du gouvernement de Londres a abouti en 1964 à la création d’un conseil du Grand Londres (Greater London Council) chargé d’administrer l’ensemble de l’agglomération. Mais, en fait, le Grand Londres a cessé de correspondre aux limites de l’agglomération à partir de 1939 (date où il atteint sa population maximale). C’est au profit de la région de Londres que se fait l’expansion urbaine depuis lors.

Durant la bataille d’Angleterre, Londres fut, particulièrement du 7 septembre au 15 novembre 1940, l’objectif des bombardements allemands et subit de graves destructions.

F. B.


L’expansion spatiale

Londres a toujours été la principale agglomération de l’archipel britannique. Son développement s’est poursuivi de façon quasi ininterrompue depuis un millénaire et à un rythme accéléré depuis le début du xixe s.

Londres se distingue de la plupart des grandes villes mondiales par sa double origine, qui se perpétue de nos jours par la dualité du district central des affaires. La ville romaine, proche du pont et des installations portuaires, est devenue la City, ville marchande et financière, tandis que, plus à l’ouest, à côté du gué primitif, s’installait la ville politique de Westminster, résidence royale et, plus tard, lieu de réunion du Parlement (la remontée du niveau marin a fait disparaître ce gué et repoussé la limite de la marée plus en amont jusqu’à Teddington [tide-ending town]). Lorsque Édouard le Confesseur (1042-1066) et Guillaume le Conquérant (1066-1087) fixèrent définitivement à Londres la capitale du royaume, la ville avait alors environ 20 000 habitants (1 p. 100 de la population de l’Angleterre). Elle n’en avait encore que 35 000 au milieu du xive s., à la veille de la Grande Peste.

Sous le règne d’Élisabeth Ire (100 000 hab. en 1560, 200 000 vers 1600), Westminster et la City sont réunies par l’avenue du Strand et ses rangées continues de maisons ; Londres s’étend désormais d’un seul tenant. Mais la dissymétrie des deux rives du fleuve persiste jusqu’à nos jours. La City et Westminster sont toutes deux sur la rive nord, la plus commode pour gagner les principales provinces ainsi que les Galles, l’Écosse et l’Irlande. La rive sud, le « mauvais côté de la Tamise », n’eut, pendant longtemps, qu’une simple tête de pont, Southwark, un village de rouliers et d’aubergistes mal relié à l’autre rive par un pont unique et qui s’effondrait souvent. Tous les attributs du pouvoir, les principaux monuments, les quartiers les plus peuplés et presque tous les bassins portuaires se situent sur la rive nord. De nos jours, les fonctions supérieures sont encore très rares au sud, et l’essentiel de l’activité économique et politique se déploie sur la rive nord.

Après le grand incendie de 1666, qui détruisit entièrement la ville de bois et de torchis, Londres se reconstruisit rapidement, en pierre et en brique cette fois, et de façon plus desserrée. Les beaux quartiers du West End apparaissent à l’époque géorgienne. L’essor économique et colonial de la Grande-Bretagne stimule le développement du port, des industries et l’accroissement de la population, grâce à un afflux constant de provinciaux, de créoles et d’étrangers. La ville a déjà 500 000 habitants au début du xviiie s. et 960 000 lors du premier recensement de la population en 1801, soit 9 p. 100 de la population anglo-galloise. Elle franchit peu après le cap du million d’habitants et devient la plus grande ville du monde.

L’étalement du Londres géorgien et victorien s’effectue à basse densité, en tache d’huile, dans toutes les directions, selon des modalités bien différentes de celles que connaissait Paris à la même époque. Il y a à cela plusieurs raisons. D’abord, Londres a bénéficié de la protection stratégique qu’a value à la Grande-Bretagne sa situation insulaire ; à part le mur romain, dont il subsiste quelques vestiges dans la City, aucune muraille n’a gêné l’étalement urbain. Les édiles n’ayant jamais ressenti la nécessité d’élever des fortifications, Londres n’a pas eu ces enceintes successives qui, dans d’autres villes comme Paris, Vienne ou Moscou, ont imposé un développement en auréoles soulignées par des boulevards concentriques.

En second lieu, la monarchie a dû céder très tôt une large part du pouvoir politique à un Parlement avare, expression de la province. Aucun souverain n’a pu, comme ce fut le cas à Paris, construire de grands monuments civiques, percer de vastes perspectives qui auraient dirigé le développement urbain. La chance offerte par la reconstruction qui suivit l’incendie de 1666 n’a pas été saisie. Le palais de Buckingham lui-même n’a pas été construit expressément pour la fonction royale, mais simplement acheté par le roi à une grande famille noble qui désirait s’en défaire. De là, l’absence de lignes directrices, la confusion du plan, la monotonie de l’agglomération.

Enfin, la construction des quartiers modernes s’est opérée dans un régime trop libéral, l’intervention du pouvoir central se réduisant à peu de chose. Chaque propriétaire (la grande propriété foncière prévaut à Londres comme dans tout l’est de l’Angleterre) concédait à un entrepreneur la construction d’îlots entiers. Ce système de leasehold (partage des frais entre propriétaires fonciers et spéculateurs immobiliers) permit d’édifier en peu de temps de vastes quartiers résidentiels, les uns (surtout à l’ouest) pour les classes aisées, les autres (surtout à l’est) pour les classes populaires. Chaque quartier a sa logique interne, son style architectural, son plan, souvent en damier, sa voirie, qui se raccorde imparfaitement à celle du quartier voisin. On a pu dire que Londres est un « archipel de villages ».