Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Loir-et-Cher. 41 (suite)

Trois grandes vallées tranchent avec les plateaux. Entre Perche et Beauce, les Vaux du Loir, bordés d’abris troglodytiques creusés dans le tuffeau (Troo), portent de grasses prairies (vaches laitières, bêtes à l’engrais), attirent à deux heures de Paris les résidences secondaires ; Vendôme, ancienne capitale de comté, sous-préfecture, en tient le principal passage (18 547 hab.). Entre Sologne et Berry, la vallée du Cher se consacre aux céréales et aux fourrages, s’ourle de vergers et de vignobles (caves de champagnisation de Montrichard), exploite des champignonnières (Bourré), élève autour de Selles-sur-Cher des chèvres (fromages) ; Selles-sur-Cher (4 656 hab.), Saint-Aignan (3 680 hab.), Montrichard (3 857 hab.) sont des centres de villégiature. Le Val de Loire est, des trois sillons, le plus opulent. Coupant, entre Beauce et Sologne, le département à peu près en son milieu, il combine sur ses sables fins limoneux la culture des céréales, des oléagineux, des légumes de plein champ (asperge de Vineuil), l’élevage laitier, adosse à ses coteaux calcaires des vignobles réputés (gamays rosés de Mesland). À l’abri d’un éperon précocement fortifié, Blois en commande la meilleure position (61 437 hab. pour l’agglomération).

Le Loir-et-Cher a une économie trop diversifiée pour tenir dans la production française un rang éminent. Il ne s’en distingue pas moins par ses vins, ses fruits, ses légumes (le quart de la production française d’asperges), ses bois. Haut lieu de la Renaissance, il concentre, dans un cadre de forêts royales (Blois, Russy, Boulogne), des trésors d’architecture (châteaux de Blois, Chambord*, Cheverny, Chaumont-sur-Loire) qui lui confèrent un prestige touristique universel. Il s’industrialise. Héritier d’un vieil artisanat rural (forges dans le Perche, ganterie à Vendôme, travail de la laine en Sologne, tanneries, laiteries), ouvert à la décentralisation parisienne, il fabrique du matériel automobile et aéronautique (Blois), électrique (Vendôme, Romorantin-Lanthenay), sanitaire (Selles-sur-Cher), de literie (Mer), d’armement (Salbris). Blois a une importante chocolaterie, Vendôme, une grande imprimerie. Deux tranches nucléaires à Saint-Laurent-des-Eaux produisent 5,5 TWh ; un dôme souterrain à Chémery, en Sologne, tient en réserve régulatrice de distribution un milliard de mètres cubes de gaz de Lacq. Tandis que le secteur primaire, pressé par la mécanisation et la concentration des terres, tombait entre 1954 et 1975 de 49 à 18 p. 100 des actifs (50 p. 100 d’exploitations en moins), le secteur secondaire s’élevait de 25 à 40 p. 100 (de 28 000 à 44 000), suivant le secteur tertiaire (42 p. 100).

Le réseau urbain s’est hiérarchisé (46 p. 100 de citadins en 1975 contre 31 p. 100 en 1954). Mais un long exode (53 000 entre 1851 et 1962) a vidé les campagnes et vieilli la population. La densité moyenne (45 hab. au km2) est, avec celles du Cher et de l’Indre, la plus basse des pays de Loire ; l’accroissement naturel est lent (0,4 p. 100 par an). En progrès depuis 1954, le Loir-et-Cher a dépassé son maximum du siècle dernier (280 392 hab. en 1891).

Le Loir-et-Cher est l’un des départements français dont l’unité s’est le plus mal réalisée. Étranglé à la hauteur du Val par le Loiret et l’Indre-et-Loire, il n’a pu se trouver, en 1790, que sur des régions écartées. Allongé sur 130 km du Maine au Berry, perpendiculairement aux vallées, il se brise au contact de chacune d’elles. Blois, son chef-lieu, contrarié dans son développement par le voisinage d’Orléans et de Tours, le couvre mal de son autorité : Vendôme a toujours manifesté vis-à-vis de lui une forte autonomie ; Lamotte-Beuvron bascule sur Orléans, la vallée du Cher sur Tours. Les grandes relations routières et ferroviaires ne se nouent qu’au dehors (Orléans, Tours, Vierzon). Ce sont les structures régionales, administratives, judiciaires, ecclésiastiques, le réseau d’autocars qui rétablissent l’harmonie. Le qualificatif de loir-et-chérien a prévalu sur celui d’orléanais.

Y. B.

➙ Blois / Centre (Région) / Orléanais.

 Y. Babonaux, Villes et régions de la Loire moyenne (Touraine, Blésois, Orléanais). Fondements et perspectives géographiques (S. A. B. R. I., 1966).

loisirs

Ensemble d’occupations auxquelles l’individu peut s’adonner de plein gré après s’être dégagé de ses obligations professionnelles, familiales ou sociales, pour se reposer, pour se divertir ou pour développer de façon désintéressée son information et sa formation.



Loisir et durée du travail professionnel

Certains auteurs considèrent que le loisir a existé à toutes les époques, dans toutes les civilisations. Ce point de vue est fort discutable. Certes, le temps hors travail est aussi ancien que le travail lui-même. Dans la société traditionnelle française, on comptait au début du xviiie s. environ 140 jours chômés par an. Mais ces jours étaient imposés soit par le chômage d’une économie rurale « sous-développée », soit par l’autorité religieuse. Il a fallu deux conditions pour que le loisir devienne possible dans la vie des travailleurs.
1. Les activités de la société ne sont plus réglées dans leur totalité par des obligations rituelles imposées par la communauté spirituelle. Au moins une partie d’entre elles, hors travail, échappe au rite collectif et relève du libre choix des individus, bien que ce libre choix soit conditionné par les caractères généraux de la société.
2. Le travail professionnel s’est détaché des autres activités. Il n’a plus la limite naturelle que l’économie rurale de la pluie et du beau temps lui conférait. Sa limite est arbitrairement décidée par une organisation spécifique, si bien que le temps libre est assez nettement séparé ou séparable de lui.

Il a fallu l’avènement de la société industrielle (1830 en France) pour qu’après un allongement initial de la durée du travail (de 70 à 75 heures par semaine) le progrès de la productivité, associé au mouvement de revendication sociale, permette de produire plus en travaillant moins. Le loisir suppose d’abord la diminution de la durée des occupations professionnelles. Compte tenu qu’en un siècle la durée moyenne annuelle du travail pour les professions extra-agricoles dans les sociétés industrielles les plus avancées est passée d’environ 4 000 heures à environ 2 000 heures et que, dans la société américaine pendant la même période, la durée hebdomadaire moyenne est passée d’environ 65 heures à moins de 40 heures (avec une réduction moyenne de 4 heures par semaine par décennie), il n’est pas étonnant que la quasi-totalité des prévisions des économistes ou des sociologues sur la fin du siècle aillent dans le même sens. R. Richta ne se risque pas à prévoir le volume de la réduction du temps de travail, mais il l’envisage comme le problème majeur du socialisme à l’heure de l’ère « scientifico-technique », qu’il oppose à l’ère industrielle, en mettant l’accent dans l’œuvre de Marx sur les fondements critiques de l’économie politique. Le parti communiste de l’U. R. S. S., dans sa résolution de 1967, prévoit qu’en 1980 la durée du temps libre pour l’ouvrier moyen sera de 45 heures, soit un durée plus longue que la durée du travail hebdomadaire. Pour l’an 2000, dans une perspective de capitalisme réformé, H. Kahn et A. J. Wiener estiment que, dans la société américaine, on pourra ne travailler que 7 heures 30 par jour pendant 3 jours. La durée du week-end sera passée à 4 jours (vendredi, samedi, dimanche, lundi), et les vacances actuelles des enseignants pourront être étendues à la majorité des travailleurs, soit 13 semaines annuelles. Dans la perspective, aux États-Unis, d’un éventuel socialisme postindustriel fondé sur le « self-management of producers and citizens », E. Mandel croit possible une semaine de 20 à 24 heures réparties en 5 ou 6 heures par jour. Dans l’hypothèse plausible d’un taux de croissance de productivité (non de production) de 5 p. 100 par an, cet objectif pourrait être atteint autour de l’an 2000 « si une économie planifiée s’était débarrassée des charges militaires » assumées pour le monde capitaliste tout entier.

Certains sociologues mettent en doute cette évolution et ces prévisions.