Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

logistique (suite)

Par ailleurs, l’appartenance d’une nation à un système d’alliance comme le traité de l’Atlantique* Nord ou le pacte de Varsovie* impose un choix entre une logistique commune de l’alliance et une logistique nationale. Au minimum, de tels systèmes devraient logiquement conduire à une standardisation aussi bien dans le domaine de la gestion que dans la réalisation des matériels depuis le stade de la recherche jusqu’à celui des fabrications. C’est ainsi que, dans le cadre du traité de l’Atlantique Nord, la nécessité en certains domaines d’un soutien logistique collectif a entraîné la création dès 1953 d’agences spécialisées (telle NADGE [Nato Air Defense Ground Environment] pour les transmissions). Mais ces problèmes comportent d’évidentes implications politiques qui en rendent les solutions très difficiles.


Logistique et guerre nucléaire

L’intervention progressive et généralisée du facteur atomique ne pouvait manquer d’avoir des conséquences sur la logistique. Imposant la dispersion et la mobilité d’unités qui, depuis les années 1960, sont pour la plupart mécanisées ou blindées, c’est-à-dire constituées de matériels de plus en plus techniques et coûteux, la guerre nucléaire apporte en outre la menace d’une destruction massive des moyens de transport et des voies de communication. Sa parade exige, d’autre part, une aptitude permanente à déclencher immédiatement une riposte, ce qui est le fondement même de toute dissuasion. Cet état de fait influe nécessairement sur les fonctions de la logistique.

Dispersion et mobilité conduisent à une plus grande consommation de munitions comme de carburants. La protection des troupes entraîne la mise en œuvre d’un important matériel du génie. Tout cela laisse prévoir une augmentation notable du tonnage des ravitaillements et une technicité plus grande des organismes logistiques chargés d’y faire face. D’autre part, la fragilité de matériels de plus en plus élaborés ne peut que compliquer les problèmes de réparations et d’approvisionnement en pièces de rechange, qui ne peuvent être atténués que par une standardisation systématique.

En outre, les pertes humaines massives, civiles comme militaires, prévisibles en cas de guerre atomique, poseraient des problèmes graves qui dépasseraient sans doute les possibilités des services de santé, tant pour l’évacuation que pour la décontamination et le traitement des blessés. Enfin, la destruction des voies de communication, jointe à l’accroissement des tonnages à transporter, entraînerait une utilisation intensive de moyens de transport résiduels et une discontinuité des courants de ravitaillement. Il serait donc nécessaire de doter les unités en permanence de deux à trois jours d’approvisionnement et de répartir a priori dès le temps de paix les stocks de ravitaillement indispensables au premier jour d’un conflit. Mais, afin d’éloigner d’eux la menace d’un bombardement atomique, ces dépôts devraient être d’un niveau assez modeste pour ne pas constituer un objectif rentable pour l’adversaire.

« Si j’avais eu à Leipzig 30 000 coups de canon de plus, j’aurais gagné la bataille », disait Napoléon. Frédéric II constatait déjà avec amertume que « les subsistances commandent les opérations ». Depuis lors, l’avènement des guerres nationales, la prolifération des armements techniques, qui ont donné au conflit une dimension industrielle, l’avènement de l’arme nucléaire n’ont cessé d’accroître l’importance de la logistique et d’étendre son domaine. Désormais, elle ne commande plus seulement les opérations, mais l’ensemble de l’économie des grandes puissances, et cela dès le temps de paix. Les États-Unis et l’U. R. S. S. en font l’expérience et tentent d’y mettre un terme par la négociation et la conclusion en 1972 et en 1974, d’accords sur la limitation des armements stratégiques. L’avertissement de Thiers déplorant que « la plupart des généraux ou des gouvernements négligent cette espèce de soin » est plus actuel que jamais.

B. de B.

➙ Armement / Défense / Désarmement / Intendance militaire / Matériel (Service du) / Santé (Service de) / Stratégie / Transport (Aviation militaire de).


Logistique et mise en œuvre de l’aviation militaire

Un avion de combat est un véhicule transportant des armes et des munitions ; il doit donc être ravitaillé en carburant et en munitions. C’est aussi un appareil d’une technique, évoluée, qui doit être l’objet de soins incessants, assurés par la maintenance.

• Le ravitaillement. En une à trois heures de vol, un avion tactique consomme de 3 à 10 m3 de carburant et de 1 à 4 t de bombes, roquettes, etc. Pour un bombardier, ces chiffres atteignent 10 à 100 m3 et 5 à 30 t. Après chaque sortie, l’avion doit être remis en état et ravitaillé en vue de la sortie suivante. Cette opération peut demander l’intervention de 15 à 30 personnes pendant une durée d’une demi-heure à trois heures ; elle exige des matériels spéciaux, des ateliers et du personnel qualifié. L’ensemble de ces moyens est rassemblé à proximité des pistes d’envol sur une base. Celle-ci est elle-même l’aboutissement d’une chaîne logistique utilisant des dépôts et établissements industriels ainsi que des moyens de transport de toute nature.

• La maintenance. C’est l’ensemble des activités qu’il faut déployer pour conserver le matériel en bon état de fonctionnement : entretien courant, visites périodiques après un certain nombre d’heures de vol, réparations, ravitaillement en pièces de rechange et outillage. Suivant leur importance, ces opérations sont du ressort de l’unité, des ateliers de la base ou d’ateliers spécialisés ou industriels. Elles nécessitent des installations importantes et un personnel spécialisé et nombreux (de l’ordre de 900 hommes pour 30 « Mirage III » à l’échelon de l’escadre et de la base). On estime qu’une heure de vol coûte de 10 à 30 heures de travail de mécanicien à tous les niveaux. L’approvisionnement en pièces de rechange, en outillages et en matériels de servitude, la gestion des stocks (300 000 pièces au niveau militaire, 800 000 au niveau industriel) sont des opérations très complexes, désormais facilitées par l’emploi des ordinateurs. L’organisation de la maintenance relève des grands commandements aériens, de services militaires spécialisés (service du matériel de l’armée de l’air en France, Air Force Systems Command aux États-Unis) et, à l’échelon national, de grands services techniques (Direction technique des constructions aéronautiques), qui assurent la liaison avec l’industrie.

Si l’aviation militaire exige ainsi pour sa mise en œuvre une logistique spécifique et contraignante, elle apporte, par ses appareils de transport, une contribution précieuse à la logistique d’ensemble des forces armées (v. transport [Aviation militaire de]).

P. L.