Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Antarctique (suite)

Sur la pente de l’inlandsis (entre 3 000 et 1 200 m), les paysages progressivement se modifient. La topographie glaciaire devient irrégulière et se résout en dômes, parfois séparés, comme ceux de la péninsule Antarctique, laissant apparaître des cuvettes, où la blancheur du manteau nival est déchirée et laisse affleurer des pointements rocheux élevés, dressés à la façon de navires échoués. La neige ne parvient plus à les recouvrir en raison de la force des vents, de la raideur des pentes et de la plus grande absorption thermique de la roche nue. C’est pourquoi certaines régions montagneuses sont occupées par de petits glaciers de type alpin sans rapport avec l’inlandsis. Sous l’effet de la déclivité d’ensemble, les vents catabatiques acquièrent sur cette couronne leur plus extrême violence ; de plus, l’anticyclone peut céder la place à une dépression établie entre le pôle et la mer de Ross, dont le fort gradient barométrique favorise le passage d’un courant-jet et la pénétration des temps perturbés. Ceux-ci permettent un afflux d’air océanique, qui apporte un adoucissement des températures (été : – 20 à – 25 °C ; hiver : – 40 °C) et une augmentation des précipitations (200 à 300 mm par an). Les blizzards, si fréquents qu’ils constituent le trait climatique dominant, transportent la neige, la transforment en croûte ou l’accumulent en « zastrouguis », congères disposés en grandes vagues irrégulières, hautes de quelques décimètres et ordonnées dans le sens du vent. L’absence de fusion, encore interdite par l’altitude et le froid, et l’accumulation neigeuse favorisent le tassement et la formation d’une glace dont la progression est plus sensible (quelques siècles suffisent pour passer de la neige à la glace bulleuse), pouvant atteindre et dépasser 10 m par an (17 m à 200 km au sud de Mirny).

• La marge littorale. L’inlandsis s’écoule vers les rivages en bras individualisés (glacier Lambert, le plus important) ou isolés entre les parois rocheuses des fjords (glacier de Beardmore), au pied de montagnes (glacier de Wilson) ou sur des îles (île Drygalski). Nombre de ces effluents atteignent la mer, où ils donnent naissance à des icebergs ou à des plates-formes. Mais certaines régions côtières demeurent déneigées en permanence ; c’est le cas : des secteurs de côtes basses, faites de larges baies précédées d’un pointillé d’îlots (comme la terre Adélie), aux roches lustrées, ornées de rares moraines et d’étroites plages ; des vallées sans glaces (dites « oasis »), au profil caractéristique en U glaciaire, comme celles situées dans la région de McMurdo, qui sont les plus typiques (les parois abruptes, modelées par le gel, fournissent des débris, qui s’accumulent dans les fonds, où subsistent des lacs d’eau douce ou salée).

Le manteau glaciaire est important, car la région appartient à la zone d’alimentation de l’inlandsis : aux précipitations fortes (550 mm sur la côte de la mer de Bellingshausen) s’ajoutent les neiges de vannage apportées par les « vents blancs », qui soufflent de l’intérieur. En outre, les températures y sont moins rigoureuses sous l’effet des effluves océaniques et des vents catabatiques encore violents, mais qui sont réchauffés par un effet de fœhn. Comme la température du mois le plus chaud atteint 0 °C, la fusion est possible, permettant une recristallisation en profondeur de l’eau infiltrée. Quelques décennies suffisent pour faire de la glace, à écoulement rapide de quelques dizaines (glacier de la Zélée : 30 m) à quelques centaines de mètres par an (glacier de Beardmore : 500 à 600 m ; glacier Denmann : 1 200 m). L’abondance des crevasses, comme celles établies au passage des défilés ou au contact des plates-formes flottantes (ou de la banquise), qui sont des butoirs contre lesquels viennent s’édifier des crêtes de pression, des chevauchements de blocs de glace ou de moraines, en apporte un spectaculaire témoignage. L’expédition Scott, qui emprunta le lit du glacier de Beardmore, n’y progressa qu’au prix des pires difficultés.

Les secteurs déneigés sont ceux où l’alimentation est nulle ou déficitaire sous l’effet des vents qui en balaient la neige, de l’activité du rayonnement solaire, qui traverse aisément un manteau nival trop mince, ou de l’apport de poussières et de sable qui, absorbant mieux les radiations, favorisent la fusion ; localement peut intervenir le degré géothermique, comme dans la région de McMurdo. En général, c’est la roche nue qui affleure, car les dépôts proglaciaires sont minces et peu étendus en raison de la lenteur (ou de l’inefficacité) de l’érosion glaciaire ; les matériaux transportés à la base des glaces sont exportés en mer par les icebergs. En hiver, les régions les plus proches de la mer sont encombrées d’un chaos de glaces formant la banquette côtière, dont l’origine est complexe (gel des embruns, résidus de glaces de mer, accumulation de congères) et qui est fréquemment fracturée sous la poussée de la banquise. En été, la fusion et le décollement opéré par la marée permettent son morcellement en petits blocs, qui vont s’agglutiner à la banquise du large. Bloquée en hiver, faiblement battue par une houle amortie par les glaçons, la côte ne subit qu’une faible érosion, qui ne laisse que des dépôts peu usés et rares. Les falaises vives sont très localisées, et seules les plages sont décorées de formes particulières, comme des dépressions circulaires dues à la fusion de chicots de glace, ou de crêtes formées par la pression latérale de la banquise.

Sur cet ourlet étroit vient se réfugier une vie appauvrie par la brièveté de la période végétative et la forte évaporation, qui ne tolèrent qu’une maigre végétation de lichens et de mousses, dont les touffes, parfois réfugiées dans les anfractuosités, sont trop éparses pour former le tapis de la toundra. On ne trouve de plantes à racines que sur les îles de la péninsule Antarctique. Pas d’animaux terrestres, sauf de minuscules insectes. Les collectivités animales d’une certaine densité n’y font qu’une fugace apparition saisonnière, profitant, comme les manchots empereurs, de la renaissance du plancton littoral ; l’hiver revenu, ces peuplements nomades prennent place sur un glaçon qui les emmène vers les confins plus hospitaliers de la banquise. Pareillement, le benthos est rare sur les étages infralittoraux, trop raclés par les glaces. Au point de vue humain, les littoraux font figure de régions privilégiées, ce sont des sites favorables à l’installation de bases scientifiques et aériennes.