Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lisbonne (suite)

L’industrie a en effet connu un développement notable sur les deux rives de la mer de Paille. Sur la rive droite, menacée par l’envasement mais desservie par l’autoroute et la voie ferrée, les centres industriels se succèdent jusqu’à Vila Franca de Xira. Un important complexe chimique est établi autour de la raffinerie de pétrole de la S. A. C. O. R., située à Cabo Ruivo ; d’une capacité de 1,2 Mt, elle est doublée d’une usine de pétrochimie ; à proximité, Matinha a aussi des usines chimiques. Plus en amont, Sacavém est spécialisé dans la verrerie et la céramique, tandis qu’Alverca possède à la fois des industries alimentaires et chimiques et des constructions mécaniques. Près d’Alhandra enfin se trouve l’énorme cimenterie Tejo.

Sur la rive méridionale sont établis les chantiers navals à Margueira, les hauts fourneaux de la Sidérurgie nationale à Seixal et la puissante entreprise chimique de la Companhia União Fabril (C. U. F.) à Barreiro. Cette dernière, qui emploie environ 10 000 ouvriers, est un parfait exemple de concentration verticale, dont la production va des huiles végétales et du savon aux acides et superphosphates, mais comporte aussi la fabrication des sacs de jute nécessaires au transport des engrais ainsi que la métallurgie dérivée du traitement des pyrites de cuivre. Chacun de ces divers centres industriels possède son propre port, auquel on accède par un chenal étroit qu’il faut régulièrement entretenir.

La croissance industrielle de Lisbonne a constitué un puissant facteur d’attraction de main-d’œuvre qui explique en grande partie la rapide augmentation de la population. La ville ne comptait encore que 350 000 habitants au début du siècle, à peine 600 000 en 1930 ; aujourd’hui, l’agglomération est estimée à 1 200 000 habitants, dont 850 000 pour la ville elle-même, dont les vieux quartiers du centre connaissent une stagnation, voire une régression. Cependant, depuis une dizaine d’années, la saturation du marché de l’emploi tend à faire sensiblement diminuer le rythme d’accroissement de la population.

R. L.


L’histoire

Depuis son origine, Lisbonne vit avant tout sous le signe du commerce : Ulisipo, puis Olisipo fut une escale sur les routes maritimes de l’Antiquité, Felicitas Julia un carrefour de voies romaines, puis al-Uchbūna un gros centre commercial musulman. Située en dehors du comté primitif, reconquise puis perdue par les chrétiens, la ville n’a été occupée définitivement parles Portugais qu’en 1147. C’est au milieu du xiiie s. qu’Alphonse III en fit la capitale de son royaume ; mais d’autres cités, Évora par exemple, lui disputèrent un temps ce rôle. Coimbra lui a ravi le rôle de capitale universitaire ; Braga revendique la primauté dans le domaine ecclésiastique ; mais aucune ville n’a pu, tout au long de l’histoire portugaise, supplanter Lisbonne, capitale politique certes, mais surtout capitale économique du monde portugais.

La fortune de Lisbonne est liée essentiellement à son port, comme en témoigne sa prospérité aux Temps modernes. Dès le xive s., Lisbonne était un port actif, accueillant chaque année 400 à 500 navires. En transférant dans la capitale la Casa da Guiné créée par Henri* le Navigateur à Lagos, la royauté a fait de Lisbonne la métropole du commerce atlantique. Au fur et à mesure que s’étendent les conquêtes affluent à Lisbonne l’or d’Afrique, les épices d’Orient, le sucre brésilien et les produits européens offerts en contrepartie. La liberté du commerce avec le Brésil a pu, un bref moment, favoriser d’autres ports ; mais les dangers de la guerre sur mer ont contraint à revenir au système des convois, pour le plus grand profit de Lisbonne comme au temps du monopole royal. En 1796, elle assurait encore les quatre cinquièmes du commerce impérial.

La croissance de la ville reflète l’activité du port : 60 000 habitants en 1415, au début de l’expansion ; 100 000 habitants en 1550 ; 165 000 habitants en 1619. Au xvie s., tant par sa richesse que par le nombre de ses habitants, Lisbonne figure parmi les premières villes d’Europe. Les 15 ha de la ville wisigothique, les 100 ha du xiiie s. sont depuis longtemps insuffisants. Des rives du Tage, la ville déborde largement sur les flancs des collines. Mais, au xviiie s., un terrible désastre affecte cette ville prospère. Le 1er novembre 1755, un très violent séisme — sans comparaison avec ceux que Lisbonne avait déjà subis en 1344 et en 1531 — ruine les bas quartiers commerçants, faisant plus de 30 000 morts. De ce malheur naquit une ville nouvelle, édifiée sur les plans d’Eugênio dos Santos, la Lisbonne de Pombal*, avec un large front de mer sur l’admirable site portuaire qu’offre la « mer de Paille ».

L’empire colonial disparu, Lisbonne en est réduite, au début du xixe s., au rôle de simple capitale politique, et cela dans un pays qui connaît bien des difficultés. Il semblerait même qu’elle ait abandonné à Porto, la métropole du Nord, le rôle de capitale industrielle. De 1801 à 1864, la population de la ville stagne aux alentours de 200 000 habitants. Depuis un siècle, l’essor démographique, largement alimenté par une forte migration rurale, a repris à un rythme accéléré. Certes, les quatre bairros qui constituent la ville ont moins de 900 000 habitants, et certaines paroisses comme Carnide ou Charneca ont encore un caractère rural ; mais Lisbonne déborde largement sur les concelhos voisins, où se créent des cités dortoirs. Dans la ville même, le secteur tertiaire (commerce, banque, fonction publique) s’est considérablement développé ; sur la rive sud du Tage se sont créés de gros centres industriels : Seixal, Cacilhas et surtout Barreiro. Depuis 1966, le pont Salazar joint les deux parties d’une grande agglomération qui, débordant la Lisbonne historique ou les 82 km2 de la cité officielle, s’étale largement sur les deux rives du Tage.

J. M.

 O Porto de Lisboa. Estudo de historia economica, sequido de um catálogo bibliografico e iconografico (Lisbonne, 1960). / J. A. França, Une ville des lumières : la Lisbonne de Pombal (S. E. V. P. E. N., 1965). / G. Sed-Rajna, Manuscrits hébreux de Lisbonne. Un atelier de copistes et d’enlumineurs au xve siècle (C. N. R. S., 1971).