Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

linéaire (application) (suite)

 R. Deltheil, Compléments de mathématiques générales, t. I : Algèbre linéaire et calcul différentiel (Baillière, 1953). / A. Lichnerowicz, Algèbre et analyse linéaire (Masson, 1956). / P. Dubreil et M. L. Dubreil-Jacotin, Leçons d’algèbre moderne (Dunod, 1961). / L. Chambadal et J.-L. Ovaert, Cours de mathématiques, t. I : Notions fondamentales d’algèbre et d’analyse (Gauthier-Villars, 1966). / J. Lelong-Ferrand et J. M. Arnaudiès, Cours de mathématiques, t. I : Algèbre (Dunod, 1971). / L. Chambadal, Mathématiques préparatoires au commerce et à l’économie (Dunod, 1972).

linguistique

Science de la langue et des langues.


C’est une discipline ancienne, liée, explicitement ou non, aux théories philosophiques ou scientifiques qui caractérisent le développement de la « pensée européenne ». Ainsi, au xixe s., la réflexion linguistique dépend d’abord des conceptions générales intéressant les problèmes biologiques posés par les sciences naturelles ; elle s’intègre ensuite au courant historique et évolutionniste de la fin du xixe s. Au début du xxe s., le développement de nouvelles théories psychologiques et la naissance de la sociologie influencent directement les recherches linguistiques.


La grammaire comparée

C’est le problème de la parenté entre les langues, avec la découverte du sanskrit par l’Anglais sir William Jones (1746-1794), qui joue le rôle déterminant dans l’orientation de la linguistique au xixe s. Cette découverte permet à l’Allemand Franz Bopp (1791-1867), dans son ouvrage sur le système des conjugaisons indo-européennes (1816), de mettre en évidence, à partir de certaines formes de mots, des relations génétiques définissant une origine commune entre le sanskrit, le grec, le latin et des langues modernes européennes comme l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le russe, le français, etc. Cet ouvrage marque les débuts de recherches minutieuses faites à partir de la comparaison de textes anciens très divers, qui ont pour objet d’établir des correspondances entre les langues*, c’est-à-dire des relations régulières, phonétiques ou morphologiques, qui ne sauraient être dues au hasard et qui révèlent par conséquent une filiation génétique. On constate ainsi l’apparentement de certaines langues à l’intérieur de groupes comme le slave, le celte, le germanique, le roman et on formule l’hypothèse que ces langues sont issues d’une langue mère hypothétique appelée indo-européen, le sanskrit en étant un des plus anciens témoins. Cependant, si la masse des documents analysés est importante, les comparaisons ne s’effectuent souvent que sur des fragments de la langue (particularités du lexique, de la syntaxe, de la forme des mots) : seuls les points communs sont retenus, les divergences ne sont pas évaluées, et les comparaisons sont faites à partir de textes provenant de lieux et d’époques fort divers, sans que se manifeste un réel souci de définir une chronologie. La grammaire comparée a permis cependant l’élaboration d’une méthode comparée qui fera de la linguistique une science de l’évolution des langues.


La linguistique historique

C’est au Danemark avec Rasmus Rask (1787-1832) et en Allemagne avec Jacob Grimm* (1785-1863) que se précise l’exigence d’une analyse méthodique et historique des faits de langues. L’étude d’un grand nombre de textes en langues germaniques portant sur de longues périodes permet à J. Grimm de définir la loi de mutation consonantique (dite « loi de Grimm ») : celle-ci établit des relations systématiques entre les évolutions des consonnes indo-européennes en latin, en grec et en sanskrit. À l’évolution d’un seul élément du système, on substitue l’évolution structurale du système tout entier. Des travaux de même nature sont entrepris sur les langues romanes par Friedrich Diez (1794-1876). En même temps que se développe en France la linguistique comparative historique, introduite par Michel Bréal (1832-1915) vers 1870, l’école des néo-grammairiens se constitue en Allemagne. August Leskien (1840-1916) et Hermann Paul (1846-1921) formulent les principes théoriques de la linguistique historique ; leurs thèses sur la nature générale des langues reposent sur les conceptions positivistes et mécanistes de leur époque. La langue est pour eux un organisme vivant qui se développe, croît et meurt indépendamment des hommes qui la parlent. On doit l’étudier comme n’importe quel autre organisme soumis à des transformations, elles-mêmes dues à un processus historique. La connaissance qu’on peut en avoir dépend de la description des changements qui l’ont affectée au cours des siècles. Seuls ces derniers sont essentiels, et leurs lois sont impératives et aveugles. Ces théories, avec quelques variantes, provoquent une réaction qui, s’appuyant également sur les résultats fournis par la méthode comparée, interprète les changements manifestés par les langues comme dépendants du contexte, beaucoup plus vaste, que constitue l’histoire des civilisations humaines. Cette interprétation, soutenue par Ferdinand de Saussure*, puis par Antoine Meillet* en France, lie l’évolution de la langue à celle des sociétés qui l’utilisent ; elle est alors à la fois reflet et manifestation d’une culture et de son histoire. Otto Jespersen*, reprenant les thèses évolutionnistes propres aux sciences naturelles, interprète les phénomènes de changement linguistique dans le sens d’un progrès général dans le langage : c’est avec lui qu’apparaissent pour la première fois les notions d’économie dans le langage, alliant à la simplification des moyens utilisés le maximum d’efficacité dans la communication. Dans une certaine mesure, à la fin du xixe s., le développement de la réflexion théorique sur la méthode comparée et ses résultats aboutit à une mise en question fondamentale qui porte sur l’objet même de la linguistique : l’étude de la langue et des langues.

Les comparatistes, en raison même de l’étendue de leurs travaux, qui intéressent au début du xxe s. d’autres domaines que l’indo-européen, et devant la multiplication des faits qui peuvent être soumis à la classification, sont conduits à se poser le problème de la nature même de la langue. Le concept vague de langue nationale ne suffisait pas à rendre compte des phénomènes, complexes et parfois contradictoires, que révèlent les premières enquêtes sur les dialectes et les patois, celles-ci remettant en cause les résultats les mieux établis.