Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lima (suite)

Le tissu urbain

La ville ancienne, issue de l’époque coloniale, repose, comme presque toutes les villes de cette époque, sur une trame en damier, à partir de deux places, remplie de maisons de deux étages autour d’un patio central. Mais, par suite de l’essor des fonctions de direction de la ville, ministères, grandes banques et sièges sociaux se sont installés dans cet ancien quadrilatère colonial, en particulier autour de la plaza de Armas, et ont progressivement substitué aux vieilles maisons de grands immeubles, souvent d’une somptuosité provocante. Une partie de la ville ancienne est donc devenue le centre des affaires, tandis que le reste est occupé soit par des classes moyennes dans les anciens quartiers bourgeois, soit même par des gens plus pauvres dans certaines zones dégradées dont les maisons mal entretenues ont perdu de leur pouvoir d’attraction. Autour de la ville coloniale se sont implantés, en direction des plages, de nouveaux quartiers de résidence riche, comme San Isidro ou Miraflores, avec leurs grandes villas entourées de jardins ; la densité, faible, ne dépasse guère 50 habitants à l’hectare. Les gens pauvres, en particulier les migrants, vivent dans des quartiers d’habitat spontané, les barriadas, qui sont au départ de véritables bidonvilles avec leurs petites cabanes en nattes, en planches, et au toit de tôle, mais qui souvent évoluent ensuite en quartiers pauvres, avec une prédominance de constructions en brique et ciment et un certain effort des pouvoirs publics pour l’implantation de magasins et de services. Néanmoins, ces quartiers demeurent très misérables et assez insalubres. Ils se trouvent en effet dans tous les endroits où l’urbanisation est impossible, sur les bords malsains du río Rimac, qui traverse Lima, sur les collines rocheuses du nord et de l’est de la ville et sur les remblais désertiques de la plaine, dans les endroits non irrigués. Près d’un quart de la population vit dans ces barriadas, qui sont en constante expansion, puisque, en 1956, ils n’abritaient que 100 000 personnes, soit environ 8,6 p. 100 de la population urbaine, alors que maintenant y sont logées 600 000 personnes.

La violence de ces contrastes du tissu urbain se retrouve dans le paysage des environs de la ville puisque Lima est établie au milieu d’une belle huerta couverte de cultures maraîchères et fruitières, de pâturages et de cultures de canne à sucre, dans la partie irriguée de l’oasis, tandis que la zone environnante non irriguée présente, en opposition brutale, un aspect totalement désertique. Comme dans de nombreux pays du tiers monde, Lima pose donc au Pérou le problème de la macrocéphalie du réseau urbain. La capitale concentre une trop grande partie des activités industrielles et tertiaires dynamiques et porte préjudice au développement économique du reste de l’espace national. Malgré cet essor, le nombre d’emplois reste insuffisant par rapport à l’importance de la population potentiellement active, par suite de l’ampleur démesurée des migrations vers la capitale. Aussi les services de planification tentent-ils de freiner cette évolution en s’efforçant de promouvoir un véritable pôle de développement dans la plaine côtière septentrionale. Mais sa réalisation, confiée à l’ORDEN, organisme d’aménagement péruvien, avec la coopération de techniciens étrangers, se heurte à de nombreux obstacles par suite de la puissance acquise de Lima.

M. R.


L’art à Lima

La fin du xvie s. est marquée par la construction de la cathédrale, à laquelle travailla l’architecte espagnol Francisco Becerra (arrivé au Pérou en 1582), qui, ici comme à Cuzco*, prit pour modèle la cathédrale de Jaén (Espagne) ; l’édifice ayant été fortement endommagé par les tremblements de terre de 1606 et de 1609, on substitua à la voûte Renaissance la croisée d’ogives gothique, mieux faite pour résister aux séismes. Le nouveau style élaboré à Cuzco après le tremblement de terre de 1650 influença ensuite, par sa force et sa beauté, l’art de Lima. L’église de San Francisco (1657-1674), construite d’après les plans du Portugais Constantino de Vasconcelos, et l’église des Desamparados en sont les meilleurs exemples. La recherche d’une architecture antiséismique à structures légères et de coût peu élevé aboutit à des effets plastiques impressionnants, comme ceux de la façade de San Francisco (appareil à bossages, portail-retable alliant des éléments de petite et de grande échelle).

Le tremblement de terre de 1746 constitue une césure dans l’architecture du xviiie s. Deux genres de portails (ou frontispices) baroques sont à remarquer dans la première moitié du siècle, les portails-retables et ceux qui manifestent un effort d’aménagement plastique du mur ; deux exemples brillants parmi les premiers : le portail de La Merced (1697-1704) et celui de San Agustín (1720), véritables retables de pierre rythmés de colonnes torses du plus pur style de Cuzco ; au nombre des seconds, il faut citer celui de Santa Rosa de las Monjas (1704-1708), le portail est de la cathédrale (1730-1732) et le portail du palais Torre Tagle (au remarquable patio). L’architecture de Lima est neuve par son goût des lignes courbes, qu’attestent l’église des Huérfanos (projetée en 1742), de base elliptique, et le cloître circulaire de Santo Tomás.

Dans la seconde moitié du xviiie s., l’art de Lima est lié à la figure de Manuel de Amat y Junyent (vice-roi de 1761 à 1776), à qui l’on attribue les plans de plusieurs monuments ; son style, qui dérive des dessins des Bibiena, se découvre à l’église des Nazarenas (1766-1771), à la tour de Santo Domingo (1773-1776) et à la Quinta de Presa. N’oublions pas non plus le rôle d’urbaniste tenu par le vice-roi, qui transforma la promenade de la Alameda en y plaçant de nombreuses fontaines et ordonna la construction du théâtre de comédie et de la plaza de Toros de Acho.

Par-delà la parenthèse du xixe s. et du début du xxe se distinguent des efforts novateurs comme celui du groupe d’Orrego, qui essaye d’accorder l’urbanisme au paysage. Joaquín Pocarey, disciple de l’Espagnol Victorio Macho, illustre la sculpture. C’est le peintre José Sabogal qui, à l’école des beaux-arts de Lima, fut l’instigateur de cette renaissance dans les années 1930. À l’heure actuelle, les peintres les plus en vue sont Fernando de Szyszlo pour la tendance non figurative et Fernando Oruellas, dont l’inspiration comporte un fond néo-figuratif.

Trad. d’après S. S.