Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lille (suite)

De 1596 à 1633, la ville prospère sous le gouvernement des archiducs d’Autriche Albert (1559-1621) et Isabelle (1566-1633) : la perte des laines anglaises l’a conduite à se consacrer à la sayetterie et à la bourgeterie (laine sèche), qui fournit du travail à des milliers d’artisans, tandis que les négociants lillois profitent du vaste marché espagnol. En même temps, la Contre-Réforme s’exprime à Lille par l’installation de nombreuses communautés religieuses.

La ville s’agrandit vers le nord, annexant les faubourgs Notre-Dame (1603) et de Courtrai (1618). En 1667, elle est assiégée et prise par Louis XIV en personne, qui charge Vauban d’y construire la « reine des citadelles ». Réunie à la France par le traité d’Aix-la-Chapelle (1668), elle s’accroît vers l’ouest, où s’édifie un quartier royal à la française. En 1708, Louis François Boufflers (1644-1711) soutient à Lille un siège héroïque et malheureux contre le Prince Eugène et Marlborough, mais le traité d’Utrecht (1713) restitue la ville — un moment néerlandaise — à Louis XIV.

Au xviiie s., Lille — siège de l’intendance de Flandre et d’Artois — est fortement marquée, sur le plan culturel et administratif, par l’influence française. La prospérité de son industrie est attestée par la fondation d’une chambre de commerce (1714) ; mais la fin de l’Ancien Régime y est caractérisée par un certain déclin, lié à la fin de son monopole économique et au développement — encouragé par des règlements libérateurs — de l’industrie textile du « plat-pays » (Roubaix, Tourcoing, Lannoy).

Du 26 septembre au 8 octobre 1792, 34 000 Autrichiens assiègent Lille, qui résiste au point de forcer le duc de Saxe-Teschen à se retirer, laissant une ville saccagée par les bombardements. En 1804, Lille est substituée à Douai comme chef-lieu du département du Nord.

Dès le début de la grande industrie (première moitié du xixe s.), la ville redevient une importante place industrielle, notamment grâce à la filature moderne de coton, qui a pris son essor sous l’Empire et à laquelle s’ajoutent la filature du lin et la retorderie, les constructions mécaniques (usine de Fives, 1861) et les industries chimiques. En 1850, elle compte 75 000 habitants et 25 000 ouvriers. En 1858, elle annexe quatre communes industrielles (Wazemmes, Esquermes, Fives et Moulins-Lille), triplant d’un coup sa superficie et doublant sa population (que grossit l’afflux des Flamands belges), poussant peu à peu ses tentacules vers Roubaix et Tourcoing, et devenant le centre de la région économique la plus riche de France. Mais la paupérisation ouvrière, qui double l’essor économique, fait d’elle l’un des fiefs du socialisme guesdiste. En 1901, Lille compte 220 000 habitants, ce qui constitue le maximum absolu de son chiffre de population, car le développement des voies de communication (inauguration du Chemin de fer du Nord dès 1846) et le démantèlement de la ville (à partir de 1919) contribuent à dépeupler celle-ci au profit de sa banlieue.

Ce qu’elle a gagné en puissance économique, Lille l’a perdu en pittoresque, et bientôt le savoureux patois lillois, chanté par Alexandre Desrousseaux (1820-1892), auteur du P’tit Quinquin, ne sera plus qu’un souvenir, comme le folklore flamand. Ville universitaire (université d’État, facultés catholiques) depuis le dernier quart du xixe s., centre d’un évêché depuis 1913, siège d’une foire internationale (1925), Lille est devenue grande capitale régionale. Les batailles qui s’y sont déroulées en octobre 1914 et en mai 1940 (préludes à deux dures occupations allemandes) restent dans la ligne de son passé militaire. Lille est la patrie d’Albert Samain, du général Faidherbe, d’Edouard Lalo, du général de Gaulle.

P. P.

L’histoire de Roubaix

La ville apparaît dans l’histoire avec la charte de 1469, par laquelle Charles le Téméraire lui accorde le droit de fabriquer des tissus de toutes laines. Mais, alors qu’elle n’est qu’un bourg de 104 feux, elle est frappée par l’arrêt de 1614, qui réduit la fabrication dans le « plat-pays ». Durant un siècle et demi, elle mène une dure lutte contre le monopole lillois. L’arrêt de 1776, en libérant l’industrie de ses entraves, marque le début de la fortune de Roubaix, qui, en dix ans, augmente de 50 p. 100 sa production. Mais, en 1800, la ville n’a encore que 8 000 habitants, groupés autour d’une seule église, Saint-Martin.

Au xixe s., Roubaix connaît un prodigieux essor. La libre concurrence lui permet de devenir — avec Tourcoing — la métropole de la laine. L’essor est favorisé par l’espace, car, ville sans fortifications, Roubaix s’étend dans la campagne, englobant maints hameaux, où travaillent les tisserands et s’entourant de villes industrielles satellites (Croix, Wattrelos...). La proximité de la frontière et la crise des Flandres y font affluer des milliers de familles belges, qui s’y implantent : la ville compte 25 000 habitants dès 1850, 40 000 en 1861, 100 000 en 1887, 120 000 en 1900. On y traite 4 883 t de laine en 1861, 36 000 en 1901. En 1910, la production dépasse 1 milliard et demi de francs. Mais ce prodigieux bond en avant, s’il a fait de Roubaix le « Manchester du Nord », en a fait aussi la « Mecque du socialisme », car la dichotomie entre la classe patronale et une masse ouvrière vivant dans des conditions difficiles est dramatique : elle se marque surtout dans l’habitat, les centaines de « courées » insalubres où s’entassent les familles ouvrières.

Ce n’est que lentement, grâce à la législation sociale et aussi aux efforts de groupements patronaux et de la municipalité, que cette masse émergera des conditions de vie du sous-prolétariat.

Après une dure occupation durant la Première Guerre mondiale, Roubaix retrouve rapidement son niveau de production (108 000 t de matières travaillées, avec Tourcoing, en 1927). Mais la crise mondiale provoque le chômage (12 631 chômeurs en 1935) et réduit à 60 p. 100 la production de la ville. En 1945, Roubaix possède encore 338 établissements textiles (dont 140 tissages) ; bientôt, cependant, les bouleversements de la technique et les nécessités du Marché commun vont l’obliger à renoncer aux habitudes du xixe s.

P. P.