Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lifar (Serge) (suite)

Quant à la danse elle-même, Lifar la veut indépendante et, comme il le dit déjà dans son Manifeste du chorégraphe (1935), sans concessions à la musique (il dicte certains rythmes des partitions aux compositeurs [Icare, David triomphant]) ni aux décors. Le chorégraphe (le « choréauteur », mot qu’il crée) est maître de son œuvre, il a son propre langage. Doté d’un sens inné de l’expression, d’un lyrisme parfois excessif, Lifar conçoit des ballets narratifs dont les thèmes héroïques s’attachent à la mythologie (les Créatures de Prométhée), au merveilleux médiéval (Oriane et le prince d’Amour). Il est à remarquer que l’action est centrée sur ses personnages principaux, qui sont presque toujours des héros solitaires (David, Icare). Mais Lifar chante aussi l’amour plus fort que la mort (Roméo et Juliette, les Noces fantastiques). Le « geste lifarien » suggère plutôt qu’il propose une idée, mais il est si bien adapté à la situation qu’il crée instantanément un état d’âme. Fuyant le réalisme, Lifar procède souvent par allusion. L’humour ne lui réussit guère. Son style, dit « néo-classique », fondé sur la danse d’école, s’est enrichi de mouvements nouveaux (arabesques genoux pliés, pieds en dedans), de positions nouvelles (les sixième et septième : les pieds sont dirigés vers l’avant, ou serrés, les genous fléchis, ou décalés en « instantané de marche »).

Obligé de quitter l’Opéra à la Libération, Lifar est directeur artistique (1945-1947) du Nouveau Ballet de Monte-Carlo. De retour à Paris, il reprend ses fonctions à l’Opéra et fonde l’Université de la danse (1957), crée l’Institut chorégraphique (1947) et dirige l’École supérieure d’études chorégraphiques (1958).

Ayant fait ses « adieux » à la scène (1956) après avoir dansé une dernière fois Giselle, il poursuit une carrière internationale de chorégraphe, remontant ses œuvres principales ou créant des spectacles nouveaux en Argentine, au Pérou, en Finlande, en Suède, en Turquie, en Italie, en Iran, etc.

Auteur de plus de quatre-vingts ballets — dont aucun, semble-t-il, n’a été retranscrit par un système de notation — et, depuis 1935, de plus de vingt-cinq ouvrages sur la danse, Serge Lifar est possesseur d’une importante collection de souvenirs, de correspondances, de documents, de sculptures, de maquettes, de partitions dont le premier instigateur ne fut autre que Serge de Diaghilev.

H. H.

➙ Ballet / Ballets russes / Chorégraphie / Danse.

ligaments

Faisceaux fibreux qui unissent les os entre eux.


Ce n’est que par extension que l’on donne ce nom à certaines formations servant à fixer plus ou moins solidement les organes dans une position donnée (ligaments du foie, de l’utérus par exemple).

Histologiquement, le ligament est constitué d’une série de fibres conjonctives parallèles et très serrées ; la condensation et l’orientation des fibres dans un seul sens, celui de la traction qui s’exerce sur les extrémités du ligament, donne à ce tissu conjonctif unitendu ses caractéristiques très spéciales.

Les lésions traumatiques des ligaments sont très fréquentes : elles dominent la pathologie et le traitement des entorses, et constituent un élément important des luxations.


Pathologie chirurgicale des ligaments : les entorses

L’entorse est la conséquence d’une distorsion articulaire allant de l’élongation à la rupture des ligaments, mais sans déplacement permanent des extrémités osseuses. C’est une lésion extrêmement fréquente, s’observant électivement chez l’adulte, car l’enfant a des ligaments souples et élastiques, et le vieillard un tissu osseux fragile qui cède en premier. Le traumatisme agit le plus souvent par une distorsion indirecte de l’appareil ligamentaire sous l’action d’un des bras de levier articulaire, plus rarement par cause directe, tel un écartement forcé des surfaces articulaires. Les articulations les plus atteintes sont, par ordre de fréquence décroissante : la tibio-tarsienne (cheville), le genou, la médio-tarsienne, la radio-carpienne (poignet). Des prédispositions congénitales ou acquises (laxité articulaire post-traumatique) peuvent faciliter l’apparition des entorses.

Les lésions des ligaments présentent deux degrés de gravité : soit simple élongation, qui se traduit par la flaccidité et l’extensibilité anormale du ligament ; soit rupture ou désinsertion. La rupture est le plus souvent partielle ; quant à la désinsertion, c’est une lésion rare, à la limite des fractures articulaires par arrachement. Il peut exister des lésions articulaires associées : déchirure de la capsule articulaire, hémarthrose (sang dans l’articulation).

La physiopathologie des entorses est assez discutée : on a longtemps considéré que tous les signes cliniques et évolutifs pouvaient être mis sur le compte des lésions destructrices et de leur retentissement sur la dynamique articulaire. Mais, devant l’évolution parfois paradoxale (séquelles importantes en l’absence de lésions anatomiques par exemple), R. Leriche (1879-1955) a introduit la notion de troubles vaso-moteurs : le traumatisme déclenche au niveau des ligaments, éléments très riches en filets nerveux, des troubles vaso-moteurs qui expliquent la douleur, la chaleur locale, la contracture réflexe et, si l’hyperhémie (la congestion) persiste, la décalcification.

En pratique clinique, on arrive très schématiquement à distinguer des entorses légères et des entorses graves.

• L’entorse légère, qui correspondrait à l’ « entorse pure » de Leriche, se caractérise par une douleur vive, qui s’atténue parfois à tel point que le sujet peut reprendre sa marche ; mais, très vite, la douleur réapparaît, plus sourde, avec gonflement périarticulaire plus ou moins important. À l’examen, on note l’existence d’un point douloureux « exquis » au niveau de l’insertion ligamentaire, une hyperthermie locale, parfois une ecchymose. Il n’existe aucun mouvement anormal au niveau de l’interligne intéressé.