Lifar (Serge) (suite)
Quant à la danse elle-même, Lifar la veut indépendante et, comme il le dit déjà dans son Manifeste du chorégraphe (1935), sans concessions à la musique (il dicte certains rythmes des partitions aux compositeurs [Icare, David triomphant]) ni aux décors. Le chorégraphe (le « choréauteur », mot qu’il crée) est maître de son œuvre, il a son propre langage. Doté d’un sens inné de l’expression, d’un lyrisme parfois excessif, Lifar conçoit des ballets narratifs dont les thèmes héroïques s’attachent à la mythologie (les Créatures de Prométhée), au merveilleux médiéval (Oriane et le prince d’Amour). Il est à remarquer que l’action est centrée sur ses personnages principaux, qui sont presque toujours des héros solitaires (David, Icare). Mais Lifar chante aussi l’amour plus fort que la mort (Roméo et Juliette, les Noces fantastiques). Le « geste lifarien » suggère plutôt qu’il propose une idée, mais il est si bien adapté à la situation qu’il crée instantanément un état d’âme. Fuyant le réalisme, Lifar procède souvent par allusion. L’humour ne lui réussit guère. Son style, dit « néo-classique », fondé sur la danse d’école, s’est enrichi de mouvements nouveaux (arabesques genoux pliés, pieds en dedans), de positions nouvelles (les sixième et septième : les pieds sont dirigés vers l’avant, ou serrés, les genous fléchis, ou décalés en « instantané de marche »).
Obligé de quitter l’Opéra à la Libération, Lifar est directeur artistique (1945-1947) du Nouveau Ballet de Monte-Carlo. De retour à Paris, il reprend ses fonctions à l’Opéra et fonde l’Université de la danse (1957), crée l’Institut chorégraphique (1947) et dirige l’École supérieure d’études chorégraphiques (1958).
Ayant fait ses « adieux » à la scène (1956) après avoir dansé une dernière fois Giselle, il poursuit une carrière internationale de chorégraphe, remontant ses œuvres principales ou créant des spectacles nouveaux en Argentine, au Pérou, en Finlande, en Suède, en Turquie, en Italie, en Iran, etc.
Auteur de plus de quatre-vingts ballets — dont aucun, semble-t-il, n’a été retranscrit par un système de notation — et, depuis 1935, de plus de vingt-cinq ouvrages sur la danse, Serge Lifar est possesseur d’une importante collection de souvenirs, de correspondances, de documents, de sculptures, de maquettes, de partitions dont le premier instigateur ne fut autre que Serge de Diaghilev.
H. H.
➙ Ballet / Ballets russes / Chorégraphie / Danse.