Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Annélides (suite)

Chez les Polychètes, l’embryon se transforme en une larve en forme de toupie, la trochophore, planctonique, nageuse active grâce à ses deux couronnes ciliées, le prototroque et le paratroque ; c’est un organisme viable, avec un tube digestif, deux néphridies excrétrices, un ganglion nerveux et un organe sensoriel (plaque sincipitale) ; les deux bandelettes mésodermiques qui flanquent l’intestin vont jouer un rôle fondamental dans la suite du développement. On peut diviser la trochophore en trois parties : les deux régions extrêmes ne fourniront que des pièces très réduites chez l’adulte, le prostomium à l’avant et le pygidium à l’arrière ; par contre, la zone moyenne, située entre les deux couronnes ciliées et contenant justement le mésoderme, s’allongera et donnera l’essentiel du corps, avec ses segments.

Des métamorphoses progressives assurent le passage du stade larvaire à la forme adulte. Grâce à la division des cellules initiales du mésoderme, les téloblastes, les bandelettes mésodermiques s’allongent à partir de l’arrière ; elles se découpent en tronçons transversaux qui correspondent aux futurs segments et se creusent d’autant de cavités, les sacs cœlomiques ; chaque anneau comporte ainsi deux sacs, un à droite, l’autre à gauche, qui entourent l’intestin, s’accolent au-dessus et en dessous de lui, et s’appliquent sous l’ectoderme ; à la limite entre deux segments contigus, les feuillets des sacs se soudent, donnant ainsi des cloisons transversales qui persisteront. Contre l’ectoderme, le feuillet mésodermique différencie des muscles, tandis que deux néphridies et un ganglion nerveux double se mettent en place. Quant aux initiales génitales, elles se sont isolées très tôt dans le massif mésodermique, et les cellules qui en dérivent, futures cellules reproductrices, se retrouvent au niveau des sacs cœlomiques. On mesure donc l’importance du mésoderme dans la croissance et dans la formation des segments.

Si les Myzostomidés, les Sipunculiens et les Echiuriens présentent un développement comparable, il n’en va pas de même chez les Oligochètes et les Hirudinées, qui n’ont pas de larve libre ; la destinée des blastomères reste cependant déterminée de la même manière.


Morphologie des Annélides : métamérie et soies

La métamérie est le trait essentiel de la structure des Annélides. Le nombre de segments, ou métamères, est à peu près fixe pour une espèce donnée ; certaines petites Archiannélides n’en ont qu’une dizaine ; des Polychètes peuvent en présenter plusieurs centaines.

Chaque métamère représente une unité anatomique : sous le tégument se trouvent des muscles circulaires et longitudinaux, et à la face ventrale deux ganglions nerveux plus ou moins fusionnés ; les deux sacs cœlomiques, emplis d’un liquide, maintiennent le tube digestif dans l’axe ; le segment contient en outre deux néphridies et des vaisseaux sanguins. Une cloison presque complète, le dissépiment, sépare deux métamères contigus. L’annélation transversale qui apparaît à la surface du corps correspond, en général, aux métamères internes ; cependant, chez la Sangsue médicinale, plusieurs sillons superficiels peuvent appartenir au même segment, puisqu’on compte 102 annélations pour 27 métamères réels.

En avant et en arrière du corps, le prostomium et le pygidium n’ont pas valeur de métamères ; ils dérivent des pôles extrêmes de la trochophore et ne sont jamais occupés par le cœlome. Le prostomium contient les ganglions cérébroïdes et porte souvent des organes sensoriels (yeux, antennes, palpes) ; la bouche s’ouvre en arrière de lui, sur la face ventrale. Le pygidium porte l’anus.

Primitivement, tous les segments du corps sont identiques, mais leur plan initial subit souvent des modifications en fonction de leur position sur l’animal ; celles-ci permettent de distinguer les classes et les familles. Ainsi, chez les Polychètes, le premier anneau, qui porte la bouche, fusionne souvent avec les deux ou trois suivants pour former le péristomium, muni de cirres tentaculaires. Chez les Sangsues, la ventouse postérieure résulte de la coalescence de six segments.

Les modifications les plus variées portent sur les parapodes et sur les soies. Les parapodes constituent des expansions latérales molles de chaque segment et n’existent que chez les Polychètes. Les soies sont des productions chitineuses allongées, portées par les parapodes ou insérées directement dans le tégument chez les Oligochètes. Elles affectent une grande variété de forme et de taille chez les Polychètes, qui en sont toujours richement pourvus ; les acicules sont des soies épaisses servant de squelette aux parapodes ; les soies proprement dites peuvent être simples ou composées ; elles se groupent en faisceaux sur l’unique rame ou sur les deux rames de chaque parapode ; les crochets sont courts et recourbés. Les Oligochètes ont des soies peu nombreuses (en général huit par anneau), courtes et peu variées. Les Hirudinées (ou Achètes) n’en ont pas. Les soies servent au déplacement (reptation, nage) ou à l’ancrage du Ver dans sa galerie ou son tube.

Chez les Polychètes errants, les segments sont tous à peu près identiques ; chez les sédentaires, ils diffèrent suffisamment pour qu’on puisse les répartir en deux ou trois régions (thoracique, abdominale, caudale).


Nutrition

L’appareil digestif consiste en un tube droit présentant une légère constriction à la traversée de chaque dissépiment ; il n’y a pas de glandes individualisées, et les enzymes de la digestion s’élaborent dans sa paroi. Cet appareil comporte parfois, comme chez le Lombric, un pharynx, un jabot et un gésier, précédant l’intestin. Chez les Sangsues, l’estomac, volumineux, porte plusieurs paires de caecums, où s’emmagasine le sang ingéré.

Un certain nombre de Polychètes et quelques Hirudinées font saillir par la bouche une trompe pouvant atteindre de grandes dimensions ; molle ou garnie de denticules cornés (mâchoires et paragnathes), celle-ci sert à capturer les proies ou bien à fouir et à absorber sable ou vase.