Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Leningrad (suite)

La métallurgie est née du port militaire, de l’arsenal de Kronchtadt. On sait que les ouvriers de l’usine Poutilov s’étaient portés à l’avant-garde de la Révolution. Devenue « Kirov », l’entreprise livre des machines d’extraction minière et de l’équipement pour les usines métallurgiques. Les tracteurs d’une puissance de 220 CV (la plus élevée du monde), employés dans les régions polaires, sont fabriqués par une autre entreprise. Elektrossila a fourni des turbines de grande taille, d’abord pour les centrales établies dans la région, sur le Volkhov, ensuite pour les grands ouvrages construits sur la Volga et les fleuves sibériens.

Enfin, plus que Moscou, Leningrad concentre des activités modernes, de qualité et même de luxe, destinées à la consommation urbaine, aux laboratoires de recherche, à l’industrie aéronautique et spatiale, dont une partie de la production est exportée. C’est grâce à la production de la ville que la région du Nord-Ouest assure le cinquième de la production soviétique des téléviseurs, le tiers de celle des moteurs électriques. L’optique, la mécanique de précision, l’appareillage électroménager, la photographie et le cinéma, l’appareillage téléphonique, les machines-outils modernes pour l’équipement des industries alimentaires et textiles, l’imprimerie et tout ce qui intéresse l’édition, la fabrication de bicyclettes et de motocyclettes sont des secteurs caractéristiques (d’où est exclue toutefois l’automobile, initialement monopolisée par Moscou). Tous imposent un niveau supérieur de technicité, une formation professionnelle poussée des cadres et de la main-d’œuvre. Tous utilisent des quantités relativement faibles de matières premières et livrent des produits de valeur. Tous, enfin, exigent une grande quantité d’énergie ; celle-ci était fournie déjà avant la Révolution par de grosses centrales thermiques recevant du charbon importé par le port ; elle l’est depuis les premiers plans quinquennaux par les centrales hydrauliques du Volkhov et depuis quelques années par les centrales construites au terminus du gazoduc venant de Moscou et de Stavropol, et dont l’accroissement de capacité doit permettre le développement d’une nouvelle catégorie d’industries, textiles synthétiques et matières plastiques. La ville joue donc un rôle d’avant-garde dans toutes les branches industrielles, à l’exception de l’industrie lourde.


L’extension de l’agglomération

L’ensemble du territoire de la ville, qui couvre plus de 320 km2, tend à dépasser largement les limites de la ville « historique ». Le centre prend peu à peu le caractère d’une ville-musée et, pour la perspective Nevski, d’une city, où se concentrent bureaux et commerces. Les îles sont consacrées aux espaces verts, aux loisirs (parc Kirov) et au port. Vers le nord, les usines et les ensembles résidentiels qui les entourent tendent à se fondre dans la taïga. Au sud, l’extension se fait le long des voies ferrées et des routes, sous la forme de longs faubourgs, comme le Moskovski, le « faubourg de Moscou ». De nouveaux quartiers remplacent les médiocres quartiers détruits durant la guerre. Un combinat de matériaux préfabriqués, situé près d’un grand espace vert, le « parc de la Victoire », contribue à la progression rapide de l’urbanisation. Mais en dehors des voies de communication subsistent encore des espaces vides. La campagne commence de façon brutale. À ce titre, Leningrad, au contraire de Moscou, est une ville sans banlieue proche.

L’extension de l’agglomération avait posé dès avant 1941 le problème des communications, bien qu’on se soit toujours efforcé de ne pas dissocier lieu de résidence et lieu de travail. Une partie des migrants « pendulaires », si ce n’est la majorité, utilise la voie ferrée. Les grandes gares pénètrent soit jusqu’au bord de la Neva, sur sa rive droite (gare de Finlande), soit à l’extrémité de la Nevski (gare de Moscou), ou enfin, pour le sud, jusqu’au canal Obvodnyï (gares de la Baltique et de Varsovie). La construction d’un métro aussi luxueux que celui de Moscou avait commencé avant la dernière guerre. Deux lignes se croisent à peu près au centre de la ville, et l’on envisage le creusement d’une troisième ligne et d’une rocade. Enfin, les trolleybus, dont le faisceau de lignes se noue sur la Nevski, facilitent les mouvements migratoires. Il est caractéristique que ceux-ci sont moins développés que dans d’autres agglomérations soviétiques : la ville compte moins de 20 p. 100 de sa population active recensée dans les villes dites « spoutnik » (satellites) contre 36 p. 100 à Moscou.

Il est probable que l’agglomération va tendre à s’allonger en direction du port et du littoral du fond du golfe, où est prévu un aménagement urbanistique important, en rapport avec le développement des nouvelles activités maritimes et de l’ouverture vers l’extérieur.


Leningrad et sa région

Il est difficile de définir les caractères et les limites de ce qui serait, par analogie avec Moscou, un « grand Leningrad ». Les autres localités urbaines qui dépendent du soviet urbain de la ville ont un peu plus de 600 000 habitants. La province (oblast) compte en outre 1 436 000 habitants de plus, dont 61 p. 100 vivent dans les villes. Mais les localités de cette région sont de petite taille. Ce sont : des centres industriels, animés par l’électricité hydraulique ou la batellerie du système de la Neva, qui unit le port de Leningrad au lac Ladoga (ainsi Kirovsk, Petrokrepost) ; des centres de culture maraîchère et d’élevage laitier pour le ravitaillement de l’agglomération (le long de la route de Moscou, au bord du littoral, dans les clairières de la taïga, où se dispersent aussi scieries et industries du bois) ; des villes-musées, anciens lieux de résidence des tsars (Petrodvorets [l’ancien Peterhof], Pouchkine, Poulkovo [site d’un observatoire], qui sont devenus des localités de datcha ou des lieux de récréation pour la population de Leningrad. En revanche, le port semble paralyser tout développement d’une activité maritime d’importance, au moins jusqu’à la frontière de l’Estonie, au sud, et jusqu’aux abords de Vyborg, au nord. Il semble donc que la ville exerce une action efficace plus sur l’ensemble de sa grande région économique, que sur son arrière-pays immédiat. Ce développement relativement limité peut s’expliquer par la perte du rôle de capitale aussi bien que par la modestie, sur le plan international, des activités portuaires. C’est bien pourquoi le sort de la ville dépend étroitement de la politique d’ouverture de l’Union soviétique et en particulier de l’élargissement de ses relations avec l’Occident par la voie baltique.

A. B.

 V. S. Chvarts, Leningrad (en russe, Leningrad, 1966). / A. L. Kaganovitch, Splendeurs de Leningrad (Nagel, 1968).