Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Leeds (suite)

La ville concentre l’essentiel des hautes fonctions tertiaires de la conurbation, bien que Wakefield soit la métropole religieuse et Bradford un gros centre commercial. Elle est surtout le centre financier, culturel et administratif : directions régionales des ministères économiques, de la Banque d’Angleterre, des quatre grandes banques de dépôt britanniques, succursales des banques d’affaires londoniennes. Quelques-unes des grandes institutions de prêt à la construction sont originaires de la conurbation, où leur influence est encore très forte. La Bourse des valeurs bénéficie de la présence de nombreuses firmes industrielles de moyenne dimension. Un grand journal régional s’imprime à Leeds. L’université compte 10 000 étudiants.

La conurbation a une apparence prospère, et son taux de chômage est inférieur à la moyenne nationale. Pourtant, sa population n’a guère augmenté de 1951 (1 693 000 hab.) à 1971 (1 726 000 hab.). La population des principales villes diminue légèrement, et celle des petites tend à augmenter du fait de l’allégement des densités dans les quartiers centraux et de la construction d’ensembles immobiliers à la périphérie. En 1971, Leeds avait 495 000 habitants, Bradford 293 000, Huddersfield 131 000, Halifax 91 000, Wakefield 60 000, Keighley 55 000, Dewsbury 51 000, Morley 44 000, Brighouse 34 000, etc.

Le paysage industriel n’a guère changé dans les hautes vallées depuis l’époque victorienne. Les maisons ouvrières, construites en grès meulier grisâtre des Pennines, s’alignent en files monotones sur les versants raides, tandis que les usines textiles occupent beaucoup de place dans les bas quartiers. Bradford a reconstruit avec modestie une partie de son centre. C’est à Leeds que les grands travaux de rénovation urbaine ont le plus d’ampleur. Une nouvelle voirie dont la construction, commencée en 1965, durera jusqu’en 1985 comprend une autoroute circulaire interne et diverses radiales qui la brancheront sur l’autoroute M 1 Leeds-Londres et sur l’autoroute transpennine Leeds-Manchester. Une partie de ces nouvelles voies est souterraine, en particulier sous le complexe universitaire en construction au nord-ouest du centre ; les transports en commun ont été particulièrement soignés. Le centre commercial réservé aux piétons sera le plus grand centre d’Europe exempt de trafic automobile ; grands magasins, banques, bureaux, cinémas, galeries marchandes s’y édifient rapidement. Au sud, le quartier industriel au bord de l’Aire est en cours de rénovation. On abat les petites maisons victoriennes construites dos à dos, et la population ouvrière est relogée dans de petits blocs d’appartements sur place ou à la périphérie. Leeds est devenue la métropole incontestée de tout l’ouest du Yorkshire.

C. M.

Léger (Fernand)

Peintre français (Argentan 1881 - Gif-sur-Yvette 1955).


Pour beaucoup de ses contemporains et pour la majeure partie de ses commentateurs, l’œuvre de Fernand Léger s’est imposée comme la plus spécifique de notre temps, celle qui témoigne le plus universellement d’ambitions plastiques devenues cohérentes, dès l’aube du siècle, grâce à quelques poètes et plasticiens justement dominés par la haute stature de cet homme qui, de ses origines terriennes, avait gardé le sens des réalités.

Fils d’un éleveur de bestiaux, Léger fait ses études dans une école religieuse avant d’entrer en apprentissage chez un architecte de Caen (1897-1899), puis de venir à Paris (1900-1902). Après son service militaire, il est reçu au concours d’entrée à l’École nationale des beaux-arts. C’est comme élève libre qu’il suit les cours de Léon Gérome, tout en fréquentant l’académie Julian. L’exposition de Cézanne, en 1907, au Salon d’automne le détermine dans sa voie. Léger y apprend le refus de la sentimentalité, la rigueur de la perception, la concentration sur le dessin et les structures essentielles. Aussi, bien qu’intégré à Montparnasse au groupe de la Ruche, d’un caractère plutôt pittoresque, il sera plus proche de celui du Bateau-Lavoir, où, avec Picasso et Braque, s’élabore le cubisme*. À la Ruche, cependant, il rencontre Chagall, Soutine, Laurens Lipchitz, Archipenko, et se lie avec Blaise Cendrars*, qui sera non seulement un compagnon de route, mais une sorte d’initiateur aux beautés de cette vie moderne dont ils vont devenir, l’un et l’autre, les chantres majeurs. « La guerre, faite en première ligne, comme brancardier parmi les sapeurs du génie, est le choc déterminant qui cristallise son orientation artistique et sociale, appartenance populaire et culte solidaire de la beauté mécanicienne », a justement noté Jean Leymarie dans son introduction au catalogue de la rétrospective organisée au Grand Palais, à Paris (oct. 1971 - janv. 1972). Aux théories manipulées dans l’entourage de Jacques Villon, à Puteaux, et qui décideront de la fondation du groupe de la Section d’or, Léger préfère cet affrontement direct avec la réalité.

S’il fut proche des peintres cubistes, c’est surtout par un souci, commun avec eux, de s’opposer à l’impressionnisme, considéré comme une décadence de la peinture : d’où la reconnaissance exclusive de Cézanne, qui avait envisagé de « traiter la nature par le cylindre, la sphère, le cône ». Mais, en découvrant avec les cubistes une nouvelle architecture, Fernand Léger découvrait également le dynamisme du monde contemporain. Les « orphistes » (les Delaunay*) et les futuristes* codifiaient au même moment cette expression du mouvement. En s’éloignant de l’objet pour retenir ce qui pouvait rendre signifiant son dynamisme, Léger a senti, lui aussi, que la réduction de cette réalité à la géométrie était une solution. En témoignent des œuvres aussi majestueusement élaborées que la Noce (1910-11, musée national d’Art moderne, Paris). Les formes découpées, multipliées par elles-mêmes en un jeu de plans kaléidoscopiques, créent une dynamique plastique que renforcent les effets de simultanéité des contrastes colorés. En 1913, les divers Contrastes de formes renoncent passagèrement à la figuration. Fernand Léger a ainsi très vite dépassé le cubisme, trop statique selon lui, pour construire des symphonies plastiques où l’on perçoit déjà ce sens de la monumentalité qu’il développera ultérieurement dans des compositions à contenu social. Dès 1910, il avait reçu le soutien du marchand D. H. Kahnweiler, qui le présente sur les cimaises de sa galerie aux côtés de Braque et de Picasso.