Lavigerie (Charles) (suite)
Il s’agit d’abord pour lui d’implanter l’Église en Afrique continentale ; pour cela, il envoie des missionnaires dans le Soudan occidental (beaucoup sont massacrés), puis vers le Tanganyika et l’Ouganda, où de florissantes chrétientés s’épanouiront. Le second objectif africain de Lavigerie est la lutte antiesclavagiste : les Pères blancs rachètent des enfants de l’esclavage pour les élever et les préparer à l’évangélisation de leurs frères de race ; l’archevêque conseille l’Association internationale africaine et, en 1888, mène à travers le monde une campagne d’information qui provoque et inspire la conférence internationale antiesclavagiste de Bruxelles (1889-90), prélude à la disparition presque générale de l’esclavagisme en Afrique.
Cardinal en 1882, Lavigerie obtient, après la conquête de la Tunisie, que le nouvel archidiocèse de Carthage soit uni en sa personne au siège d’Alger (1884). Son prestige est tel que Léon XIII va l’utiliser pour faire accepter par les catholiques français le principe du ralliement* à la république. Pour comprendre l’attitude du fondateur des Pères blancs, il faut se souvenir que les catholiques de droite étaient opposés à l’expansion coloniale de la France, expansion que favorisaient au contraire les républicains opportunistes, Jules Ferry* en tête. Cependant, c’est à contrecœur que Lavigerie, le 12 novembre 1890, en son palais d’Alger, prononce en présence de quarante officiers de l’escadre de la Méditerranée un toast par lequel il demande aux catholiques français d’accepter les institutions de leurs pays afin de prendre une part déterminante aux affaires publiques.
Lavigerie subit alors l’assaut général des droites avec d’autant plus de force que Léon XIII ne l’appuie officiellement que le 16 février 1892 — quelques mois avant la mort du cardinal — par l’encyclique Inter innumeras sollicitudines.
Il est certain que l’action missionnaire de Lavigerie — si elle touche par la générosité de ses intentions — apparaît de nos jours comme fortement marquée d’anachronisme. Le cardinal d’Alger — pas plus que les hommes de son temps — n’a soupçonné ni le sentiment religieux ni la culture originale des populations d’Afrique noire. Sa notion de civilisation chrétienne fut exclusivement occidentale ; sa conception des rapports du spirituel et du politique aboutit à un blocage.
P. P.
➙ Afrique noire / Algérie / Religieux et religieuses.
J. Tournier, le Cardinal Lavigerie et son action politique (Perrin, 1913). / J. Perraudin, les Principes missionnaires du cardinal Lavigerie (Rapperswil, Suisse, 1941). / S. C. Wellens, la Société des missionnaires d’Afrique (Louvain, 1953). / F. Lambert, l’Apostolat missionnaire africain selon le cardinal Lavigerie. Étude historico-théologique (Rome, 1959). / L. Cristiani, le Cardinal Lavigerie (Éd. France-Empire, 1961). / X. de Montclos, Lavigerie, le Saint-Siège et l’Église. De l’avènement de Pie IX à l’avènement de Léon XIII, 1846-1878 (Éd. de Boccard, 1965) ; le Toast d’Alger. Documents 1890-1891 (Éd. de Boccard, 1966) ; le Cardinal Lavigerie. La mission universelle de l’Église (Éd. du Cerf, 1968). / F. Renault, Lavigerie, l’esclavage africain et l’Europe, 1868-1892 (Éd. de Boccard, 1971 ; 2 vol.).