Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lavigerie (Charles) (suite)

Il s’agit d’abord pour lui d’implanter l’Église en Afrique continentale ; pour cela, il envoie des missionnaires dans le Soudan occidental (beaucoup sont massacrés), puis vers le Tanganyika et l’Ouganda, où de florissantes chrétientés s’épanouiront. Le second objectif africain de Lavigerie est la lutte antiesclavagiste : les Pères blancs rachètent des enfants de l’esclavage pour les élever et les préparer à l’évangélisation de leurs frères de race ; l’archevêque conseille l’Association internationale africaine et, en 1888, mène à travers le monde une campagne d’information qui provoque et inspire la conférence internationale antiesclavagiste de Bruxelles (1889-90), prélude à la disparition presque générale de l’esclavagisme en Afrique.

Cardinal en 1882, Lavigerie obtient, après la conquête de la Tunisie, que le nouvel archidiocèse de Carthage soit uni en sa personne au siège d’Alger (1884). Son prestige est tel que Léon XIII va l’utiliser pour faire accepter par les catholiques français le principe du ralliement* à la république. Pour comprendre l’attitude du fondateur des Pères blancs, il faut se souvenir que les catholiques de droite étaient opposés à l’expansion coloniale de la France, expansion que favorisaient au contraire les républicains opportunistes, Jules Ferry* en tête. Cependant, c’est à contrecœur que Lavigerie, le 12 novembre 1890, en son palais d’Alger, prononce en présence de quarante officiers de l’escadre de la Méditerranée un toast par lequel il demande aux catholiques français d’accepter les institutions de leurs pays afin de prendre une part déterminante aux affaires publiques.

Lavigerie subit alors l’assaut général des droites avec d’autant plus de force que Léon XIII ne l’appuie officiellement que le 16 février 1892 — quelques mois avant la mort du cardinal — par l’encyclique Inter innumeras sollicitudines.

Il est certain que l’action missionnaire de Lavigerie — si elle touche par la générosité de ses intentions — apparaît de nos jours comme fortement marquée d’anachronisme. Le cardinal d’Alger — pas plus que les hommes de son temps — n’a soupçonné ni le sentiment religieux ni la culture originale des populations d’Afrique noire. Sa notion de civilisation chrétienne fut exclusivement occidentale ; sa conception des rapports du spirituel et du politique aboutit à un blocage.

P. P.

➙ Afrique noire / Algérie / Religieux et religieuses.

 J. Tournier, le Cardinal Lavigerie et son action politique (Perrin, 1913). / J. Perraudin, les Principes missionnaires du cardinal Lavigerie (Rapperswil, Suisse, 1941). / S. C. Wellens, la Société des missionnaires d’Afrique (Louvain, 1953). / F. Lambert, l’Apostolat missionnaire africain selon le cardinal Lavigerie. Étude historico-théologique (Rome, 1959). / L. Cristiani, le Cardinal Lavigerie (Éd. France-Empire, 1961). / X. de Montclos, Lavigerie, le Saint-Siège et l’Église. De l’avènement de Pie IX à l’avènement de Léon XIII, 1846-1878 (Éd. de Boccard, 1965) ; le Toast d’Alger. Documents 1890-1891 (Éd. de Boccard, 1966) ; le Cardinal Lavigerie. La mission universelle de l’Église (Éd. du Cerf, 1968). / F. Renault, Lavigerie, l’esclavage africain et l’Europe, 1868-1892 (Éd. de Boccard, 1971 ; 2 vol.).

Lavoisier (Antoine Laurent de)

Chimiste français (Paris 1743 - id. 1794).



Sa jeunesse

Fils d’un procureur au Parlement originaire de Villers-Cotterêts, Lavoisier perd tôt sa mère ; il est élevé, ainsi que sa jeune sœur, par sa grand-mère maternelle, puis, après la mort de celle-ci, par sa tante, restée célibataire pour se consacrer à l’éducation de ses neveux. Il fait ses études au collège Mazarin, où il semble d’abord attiré par les lettres, puisqu’il obtient en 1760 un prix de discours français au concours général.

Puis, par atavisme sans doute, il fréquente la faculté de droit et, licencié en 1764, il se fait inscrire au barreau de Paris. Cependant, on le voit fréquemment au laboratoire de chimie de Guillaume Rouelle (1703-1770) ; il suit avec intérêt les cours de mathématiques et d’astronomie de l’abbé Nicolas Louis de La Caille (1713-1762) et il est un auditeur assidu de Bernard de Jussieu* (1699-1777). Et le jeune avocat, de plus en plus attiré par la science, va lui consacrer le meilleur de son activité.

Il accompagne dans ses voyages autour de Paris le naturaliste Jean Guettard (1715-1786), chargé de dresser l’atlas minéralogique de la France, et il donne bientôt un Mémoire sur les couches des montagnes et une Analyse des gypses des environs de Paris. Puis il remporte, à l’âge de vingt-trois ans, une médaille d’or de l’Académie des sciences, qui a mis en concours la Meilleure Manière d’éclairer les rues d’une grande ville. Deux ans plus tard, en 1768, il en est élu membre.


Fermier général

Mais Lavoisier doit choisir une carrière et devient l’adjoint du fermier général Baudon, épouse en 1771 la fille de son collègue J. Paulze et devient lui-même, en 1779, fermier général. En 1775, Turgot l’a nommé régisseur des poudres et salpêtres. Cette dernière fonction oblige le savant à résider à l’Arsenal ; il y a un logement, mais aussi un laboratoire d’où vont sortir tant de sensationnelles découvertes.

Il partage l’enthousiasme que suscite la Révolution. Député suppléant aux États généraux de 1789, il devient en 1790 membre de la commission pour l’établissement du nouveau système de poids et mesures. En 1791, il est nommé secrétaire de la Trésorerie nationale et propose, pour la perception des impôts, un plan qu’il développe dans son traité De la fortune territoriale du royaume de France.


Sa condamnation

Après avoir supprimé l’Académie, la Convention décrète, en novembre 1793, l’arrestation de tous les fermiers généraux, et Lavoisier vient lui-même se constituer prisonnier. En dépit des interventions qui se produisent en sa faveur, il est envoyé devant le Tribunal révolutionnaire. Lorsque le médecin J. N. Hallé (1754-1822) présente aux juges un rapport qui énumère les services rendus par le chimiste à la patrie et à la science, le président J.-B. Coffinhal-Dubail (1754-1794) lui répond : « La République n’a pas besoin de savants ; il faut que la justice suive son cours. » Le 8 mai 1794, il est condamné et guillotiné le jour même. Le lendemain, L. Lagrange* dira à J.-B. Delambre (1749-1822) : « Il ne leur a fallu qu’un moment pour faire tomber cette tête et cent années peut-être ne suffiront pas pour en reproduire une semblable. »