Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

latine (littérature) (suite)

Mais sous le règne de Claude*, puis de Néron* apparaît un véritable renouveau, quelle que soit l’influence grandissante de la rhétorique, qui, devenant base de toute culture, s’exprime par un goût prononcé pour la virtuosité, les formules brillantes et paradoxales, le dédain de la composition. Ce renouvellement de la littérature est dû à des écrivains dont plusieurs sont d’origine espagnole — ce qui montre l’universalité de l’humanisme romain —, et notamment à Sénèque*. Ce maître à penser, philosophe autant que moraliste, joint à la hauteur de son inspiration une expression aussi souple qu’incisive. À la même époque, deux poètes renouent avec la grande tradition poétique : ainsi Lucain (39-65), neveu de Sénèque, dont la Pharsale, malgré une rhétorique fatigante, contient des vers qui, par leur chaleur, leur puissance d’évocation, comptent parmi les plus beaux de la poésie latine ; ainsi Perse (34-62), dont l’enthousiasme généreux de ses Satires révèle une âme éprise d’idéal. Parallèlement, la prose prend un nouvel essor avec Pétrone († 65), l’arbitre des élégances de l’époque de Néron. Artiste-né, aussi doué pour la fantaisie et la bouffonnerie que pour les notations les plus délicates, Pétrone est, avec son Satiricon, le plus ancien représentant de la veine romanesque latine que nous possédions.

Cette renaissance des lettres sous la dynastie julienne va se poursuivre avec les Flaviens et jusqu’aux premiers Antonins. Mais, dès lors, c’est une réaction classique qui l’emporte. Elle a pour chef Quintilien, dont la cicéronienne Institutio oratoria prône le retour aux meilleurs écrivains, grecs et latins, tout en critiquant implicitement le « romantisme néronien ». C’est ainsi que les poètes néoclassiques du temps (Silius Italicus, Stace) tendent à imiter Virgile, ce qui n’empêche pas d’autres, plus vigoureux, de viser au réalisme satirique au prix d’un travail minutieux : Martial (v. 40 - v. 104) donne un recueil d’Épigrammes à la facture impeccable et dont la finesse de l’observation est sans égale ; quant aux Satires de Juvénal (v. 60 - v. 140), elles gardent toujours valeur d’actualité pour leur véhémence, leur ironie, leur indignation, tout en s’appuyant sur une étonnante puissance d’évocation. Cette force créatrice se retrouve dans la prose chez le « plus grand peintre de l’Antiquité », Tacite*, qui s’élève au-dessus de tous les écrivains de son siècle par sa pénétration psychologique et la mise en œuvre d’un art très conscient. Mais, à la même époque, l’honnête homme qu’est Pline le Jeune (63 - v. 114) paraît bien pâle et annonce déjà l’épuisement d’une littérature qui aura brillé de tous ses feux avant de s’étioler.


La décadence

Alors qu’au iie s. la littérature grecque acquiert de nombreux titres de gloire, les lettres latines entrent dans une lente et irrémédiable décadence au moment de l’époque la plus prospère de l’Empire, c’est-à-dire sous les Antonins. Leur vitalité ne se manifeste pratiquement qu’en dehors de Rome — en Afrique —, et, à part quelques rares exceptions — elles ne subsistent que par l’essor rapide de la littérature chrétienne.

Le déclin est total dans l’éloquence et dans la poésie. L’histoire (Florus, Justin) paraît survivre, mais, perdant toute hauteur de vues, elle tend de plus en plus vers la biographie, où s’illustre Suétone*. L’érudition, qui, au siècle précédent, avait brillé avec Pline l’Ancien, garde encore quelque prix grâce à Aulu-Gelle. Le seul écrivain qui par son génie dépasse de loin son siècle reste Apulée (125 - v. 180), ce conteur-né dont le roman les Métamorphoses révèle une imagination très vive et une rare virtuosité. Précurseur du fantastique en littérature, Apulée, dans la lignée de Pétrone par le réalisme frappant de ses peintures de mœurs, débouche sur l’étrangeté du merveilleux.

Mais, désormais, les œuvres de la latinité chrétienne vont reléguer dans l’ombre la littérature profane. Si, au ive s., la prose peut s’honorer des Panégyriques des rhéteurs gaulois et de quelques discours (Symmaque), tandis que l’histoire (Ammien Marcellin) cherche à renouer avec la tradition de Tacite, c’est surtout par la poésie que survit la littérature : Ausone (v. 310 - v. 395) a de l’aisance et un réel talent descriptif ; Claudien, le « dernier poète romain », dont l’inspiration est toute nourrie de Virgile, trouve spontanément des accents qui, par leur fermeté et leur plénitude, atteignent une ampleur depuis longtemps oubliée. Avec lui s’éteint la littérature latine païenne. Il appartient aux chefs-d’œuvre inspirés par la foi nouvelle de lui apporter un nouveau souffle.

A. M.-B.

➙ Antiquité classique (les grands courants littéraires de l’) / Chrétiennes (littératures).

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