Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

laque

Au féminin, sève naturelle du laquier (Rhus vernicifera), arbre originaire de Chine et transplanté en Corée, au Japon et en Annam. — Au masculin, le terme désigne la sève ayant subi la préparation qui la rend utilisable et l’objet exécuté en cette matière.


De composition différente, les laques indiens, birmans et cinghalais sont faits à partir de la gomme-laque, substance dérivée de la sécrétion collante que dépose un insecte (Tachardia lacca) sur les arbres. À partir du xviie s., ce produit servira de base aux vernis employés par les artisans européens afin d’imiter les laques importés d’Extrême-Orient.


Technique

Des incisions pratiquées dans l’arbre à laque permettent de recueillir un jus blanchâtre qui durcit et fonce au contact de l’air. On épure ce jus par des filtrages et une ébullition lente. Le laque est alors prêt à l’emploi et s’applique en couches successives sur différents supports : le bambou, le cuir, la porcelaine, les métaux, les tissus et surtout le bois, nu ou recouvert d’une toile de chanvre apprêtée. Chaque couche, colorée le plus souvent en noir ou en rouge, doit être séchée en milieu humide et poncée pour obtenir unité et brillant. Résistant à l’eau et aux acides, le laque constitue une excellente protection et permet toute une gamme de décors : peints, sculptés, gravés, incrustés.


L’art du laque : invention chinoise

L’emploi du laque est attesté dès l’époque Shang (Chang*), mais son usage à des fins décoratives ne nous est connu que vers la fin des Zhou (Tcheou*), aux environs de 300 av. J.-C. Les fouilles du Henan (Ho-nan) et surtout de la région de Changsha (Tch’ang-cha), au Hunan (Hou-nan), ont mis au jour des pièces de mobilier, des boucliers, des instruments de musique et des objets rituels peints en rouge, en jaune, parfois en vert sur fond noir. Des personnages et des animaux s’associent à des motifs de volutes et de triangles, inspirés des bronzes incrustés de l’époque.

Sous les Han*, la production est contrôlée par les ateliers impériaux. Citons, entre autres, les coupes et les nécessaires de toilette, exécutés pour la plupart au Sichuan (Sseu-tch’ouan) et trouvés en grand nombre en Corée, en Mongolie, au Gansu (Kan-sou) et en Chine du Sud. Sur les coupes, datées entre 85 av. et 71 apr. J.-C., des inscriptions fournissent le nom des artisans et du contrôleur responsable de la fabrication. Peint ou gravé, le décor, très libre, est rehaussé sur les objets de luxe d’incrustations d’argent.

Dès la fin des Han, le développement de la céramique ralentit la production des laques. Le raffinement des techniques s’affirme néanmoins sous les Tang (T’ang*). Ainsi, les pièces magnifiques conservées au Shōsō-in de Nara* (Japon) depuis 756 révèlent des peintures en jaune et or sur laque blanc ainsi que des incrustations d’or, d’argent, de nacre et d’ambre.

Peu d’objets nous sont parvenus de la période Song*. Quelques pièces brunes, sans décor, rappellent par leur sobre beauté la qualité des céramiques de l’époque. Les premiers laques sculptés, travaillés dans des couches de différentes couleurs, apparaissent également. Cependant, les plus beaux exemples datent des Yuan* (xive s.) et du début des Ming* (xve s.). Les laques rouges, dits « de Pékin », sculptés de motifs floraux, de dragons ou de paysages, sont employés jusqu’à l’époque Qing (Ts’ing*), en particulier pour le mobilier.

Au xvie et au xviie s., d’autres formules se développent, comme les laques « burgautés » avec incrustations de nacre et d’ivoire, les laques d’or inspirés du Japon et les laques incisés où les creux sont emplis d’or et de couleurs. Sous l’empereur Kangxi (K’ang-hi), à la fin du xviie s., de splendides armoires, ornées de paysages polychromes rehaussés de reliefs dorés, sont les derniers exemples harmonieux d’un art qui se tourne bientôt vers la surcharge de matières précieuses et le goût de la virtuosité pure. Néanmoins, il faut encore signaler les paravents dits « de Coromandel », très appréciés en Europe aux xviie et xviiie s., où les décors, plus sobres, sont gravés avant d’être peints sur le fond noir.


Développements originaux au Japon

Introduit sans doute au ve s. par des artisans chinois ou coréens, l’art du laque ne s’épanouit au Japon* qu’à partir de l’époque Heian, trois ou quatre siècles plus tard.

Aux viiie-ixe s., la technique du « laque sec » (en jap. kanshitsu), plus répandue qu’en Chine, est utilisée pour les statues. Celles-ci sont modelées, à partir d’un noyau d’argile ou de bois, dans des tissus de chanvre imprégnés de laque, puis dorées ou polychromées (le Prêtre Ganjin, viiie s., au Tōshōdai-ji, Nara).

Sous les Fujiwara, le décor des objets d’usage, le mobilier, l’intérieur de certains temples (Byōdō-in, 1053 ; Chūson-ji, v. 1120) font appel au laque incrusté de nacre (raden) ou au laque d’or (makie). Cette dernière technique, caractéristique des œuvres japonaises, offre des possibilités infinies. Les motifs, saupoudrés d’or et d’argent quand le fond est encore mou, sont recouverts d’une nouvelle couche de laque, polie jusqu’à ce que transparaisse le métal. La surface lisse et brillante du hira-makie s’accompagne souvent, à partir du xiiie s., de décors en relief (taka-makie), de fils ou de petites parcelles d’or.

Du xive au xvie s., tandis que l’emploi des laques d’or fait école sur le continent, une nouvelle vague d’influences chinoises porte l’intérêt sur les laques sculptés. Le type populaire, kamakura-bori, est caractérisé par des motifs sculptés sur le bois avant laquage. À l’époque Momoyama, des coffres luxueux s’ornent de compositions florales souples et raffinées, écho des peintures de l’école Kanō*. Deux artistes de génie, Kōetsu* et Kōrin*, dominent le xviie s. : ils renouvellent l’art du makie par des thèmes inédits et par l’emploi audacieux de matériaux comme le plomb et l’étain.