Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Laos (suite)

L’économie est caractérisée par le déséquilibre entre une production intérieure faible et un niveau de consommation relativement élevé. Le revenu par tête est faible. Il en résulte une dépendance très grande à l’égard de l’aide étrangère, surtout d’origine américaine, qui a permis au Laos de subsister en tant qu’État dans sa structure actuelle, mais pas d’assurer son propre décollage économique.

M. B.


L’histoire

L’histoire du Laos ne débute qu’en 1353, avec la fondation du royaume de Lan Xang (du « Million d’éléphants »). Si, en raison même de sa situation géographique, le pays ne cesse d’être étroitement mêlé à l’évolution politique de la péninsule, les faits sont surtout connus par des chroniques et des annales dont les données présentent souvent de notables divergences. Avant 1353, les témoignages archéologiques fournissent les principaux mais rares jalons pour toute une longue période remontant au préhistorique indochinois le plus reculé.


La préhistoire et la protohistoire

Encore qu’insuffisamment connues, trois cultures sont attestées au Laos, chacune paraissant localisée dans une contrée bien déterminée : mésolithique, avec outillage hoabinhien (nord du Viêt-nam), dans la région de Luang Prabang ; néolithique, avec mobilier funéraire et dépôts coquilliers des abris-sous-roche apparentés à ceux du Viêt-nam central, dans la province de Khammouane (grottes de Mahaxay) ; protohistoire, associant une culture mégalithique à l’âge du bronze et à un outillage de fer, dans la province de Xieng Khouang (plateau du Trân Ninh : plaine des Jarres). Les Jarres, semblant de destination funéraire, évoquent une « organisation sociale fortement constituée » et une « hiérarchie bien ordonnée ». On suppose que cette culture caractérise une ethnie indonésienne dont descendraient les actuelles tribus khas.


Débuts de la période historique

En attribuant à l’ensemble des peuples thaïs un ancêtre commun, Khun Borom, partageant son empire entre ses sept fils et confiant la royauté sur l’actuel Laos et le nord-est de la Thaïlande (Phak Isarn) à son aîné Khun Lo, la légende ne fournit aucune donnée directement contrôlable. Mais elle semble faire écho à quelque migration, à une date indéterminée, de populations originaires de la Chine méridionale, fixées un temps dans la région de Diên Biên Phu et entreprenant la conquête du pays au détriment des chefferies khas. Ces dernières semblent avoir été aussi refoulées du Sud (province de Champassak) par des éléments chams, vers les ive-ve s. Aux vie-viiie s., les Khmers succèdent aux Chams dans la même région, le site et le temple de Vat Phu devenant même le lieu saint par excellence des Kambujas. Fortement implantés dans le Sud, où ils demeureront jusqu’au milieu du xive s., les Khmers ne semblent guère avoir dépassé la latitude de Vientiane (Vieng Chan), atteinte à la fin du xiie s. ; mais c’est à leur influence que serait due l’introduction du bouddhisme et du brahmanisme dans la région de Luang Prabang, aux xiie-xiiie s. Dans les dernières décennies du xiiie s., le royaume thaï de Sukhothai, formé aux dépens de la puissance khmère, annexe la région de Vientiane. Son rapide affaiblissement, suivi de sa soumission au royaume d’Ayuthia*, favorisera, finalement, la naissance du royaume lao.


Le royaume lao du Lan Xang

La fondation du royaume indépendant est l’œuvre d’un prince lao, Fa Ngum, aidé dans son entreprise par la Cour d’Angkor, auprès de laquelle il avait vécu exilé. Élevé dans la capitale, marié à l’une des filles du souverain khmer, qui met à sa disposition une armée, il entreprend, de 1340 à 1350, la reconquête de la principauté de ses ancêtres (haut Mékong). Proclamé roi à Xieng Dong-Xieng Thong (site de Muong Swa, future Luang Prabang), il redescend occuper Vientiane et revient se faire sacrer solennellement dans le premier site (1353). Le nouvel État fortifie l’emprise de la culture indianisée dans le haut Mékong, où s’impose, grâce à une mission de religieux et d’artisans conduite par l’ancien maître spirituel du souverain (amenant l’image vénérée du Pra Bang, qui donnera son nom à la capitale), le bouddhisme cinghalais.

De la fondation du royaume à l’intervention française (1885), quatre périodes, à la chronologie souvent imprécise et aux faits parfois altérés, peuvent être distinguées.

• L’unification du royaume (1353-v. 1548). À la mort de Fa Ngum (1373 ou 1393), son fils procède au recensement de la population et réorganise l’armée pour garantir l’indépendance. Après l’échec d’une tentative d’alliance avec le Dai Viêt (act. Viêt-nam), ce dernier poursuit une politique expansionniste (règne de Lê Thành-tông, 1460-1497), occupe le Trân Ninh et s’empare de Luang Prabang, d’où le roi est contraint à fuir. Son fils Thèng Kham (1480-1486) libère le Trân Ninh, et la restauration du royaume sera poursuivie par ses successeurs : son frère La Sèn Thai, qui resserre les Liens avec la cour d’Ayuthia ; un autre frère, Visun (v. 1501-v. 1520), qui épouse une princesse du Lan Na (capitale Chieng-Mai) et fait de nombreuses et importantes fondations au cours d’un règne paisible. Sous le règne de son fils, le pieux Pothisarat (v. 1520-v. 1547), le Lan Xang semble parvenu au sommet de sa puissance. Entretenant de bonnes relations avec le Viêt-nam, il vainc une armée d’Ayuthia après avoir pris le parti d’un prince entré en rébellion et obtient pour son fils Settha le trône, vacant, du Lan Na. Rentré à Luang Prabang. Settha contraindra ses deux frères à abdiquer en sa faveur et se fera couronner sous le nom de Setthatirat.

• Les conflits avec la Birmanie (milieu du xvie s.-début du xviie). L’accroissement de la puissance du Lan Xang, sa mainmise sur le Lan Na surtout ne pouvaient laisser les Birmans indifférents. Tentant de s’emparer du Lan Na, le roi birman Bayin Naung entrait à Chieng-Mai vers 1556. Setthatirat l’abandonnait à un prince thaï qui acceptait la suzeraineté birmane et, pour faire face à la menace, concluait un traité d’alliance avec Ayuthia. Quittant Luang Prabang, il s’installe à Vientiane, la dote de fortifications, d’un palais avec temple destiné à abriter le Pra Kèo (le Bouddha dit « d’Emeraude »), palladium amené de Chieng-Mai, et, en 1566, un grand stūpa, le That Luang (« Grand Reliquaire ») pour une relique du Bouddha... Destinées à affirmer la puissance politique et religieuse du Lan Xang, ces fondations n’arrêtent nullement les Birmans, qui, de 1563 à 1574, envahiront le royaume à trois reprises. Occupant Vientiane en 1574, emmenant le prince héritier No Kèo Kuman en captivité, ils imposeront au Lan Xang, avec leur suzeraineté, un souverain de leur choix. Des révoltes éclatent, que les Birmans tentent d’apaiser tantôt par la force, tantôt par des changements de politique. Finalement, sous la pression des bonzes, occupés par les guerres contre Ayuthia, ils rendront la liberté à No Kèo Kuman qui, sitôt devenu roi, dénoncera la suzeraineté birmane (v. 1591) et s’efforcera de rétablir le Lan Xang dans sa puissance. Son cousin Vongsa, couronné sous le nom de Thammikarat, lui succédera en 1596 ; il sera exécuté sur l’ordre du prince héritier en 1622...