Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Languedoc (suite)

L’âge féodal

Le Languedoc, région excentrique de l’Empire carolingien, est naturellement l’une des premières régions à s’émanciper au ixe s. en principautés féodales pratiquement indépendantes. La plus importante est le comté de Toulouse, qui se constitue en État en 924 lorsque le comte Raimond III Pons (v. 900-v. 950/951) annexe le marquisat de Gothie, c’est-à-dire la Leptimanie, et devient ainsi le maître de la majeure partie des terres languedociennes. Menacé par les ambitions territoriales des ducs d’Aquitaine et des comtes de Barcelone, affaibli pendant longtemps par des partages successoraux, le comté de Toulouse, qui inclut le comté de Narbonne, s’accroît en 1093 du marquisat de Provence et reste stable dans ses limites jusqu’au traité de Paris de 1229, qui incorpore au domaine royal les sénéchaussées de Nîmes-Beaucaire et de Béziers-Carcassonne et prépare l’annexion du comté de Toulouse, qui est effective en 1271 à la mort d’Alphonse de Poitiers et de Jeanne de Toulouse.

Le Languedoc, qui est écartelé géographiquement entre le bassin d’Aquitaine et le Midi méditerranéen, doit son unité à sa fidélité au droit romain et écrit, à l’usage général de dialectes dérivés du latin classique, à la permanence de ses structures agraires et de ses pratiques culturales (assolement biennal), à l’importance de son semis urbain, hérité de l’époque romaine, à la vigueur de sa vie municipale, stimulée par l’apparition des premiers consulats vers 1130, au raffinement de sa vie intellectuelle, animée par les troubadours.

Sanctuaire privilégié de l’hérésie cathare, combattu d’abord par saint Dominique, le Languedoc est en grande partie ruiné par la croisade contre les albigeois (v. cathares), qui facilite son annexion en deux temps au domaine royal, à l’intérieur duquel il constitue dès 1229 les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne, puis, après 1271, celles du Rouergue et de Toulouse, à l’écart desquelles demeure jusqu’à sa confiscation par Philippe VI de Valois en 1341 la moitié de la ville et seigneurie de Montpellier, fief des rois de Majorque, que Jacques III (1349-1375) finit par lui vendre pour 120 000 écus en 1349.

Le pays, reconstruit par les Capétiens et par les Valois, qui y fondent de nombreuses bastides, redevient un foyer d’intense activité économique (foires* drapières). Atteint dans sa prospérité par la chevauchée du Prince Noir en 1356, par les raids des Grandes Compagnies, le Languedoc reste fidèle aux Valois, auxquels ses états, apparus au xive s., accordent leur indispensable appui financier lors des crises consécutives à la signature des traités de Brétigny de 1360 et de Troyes de 1420.

Le souverain est représenté à Toulouse depuis 1296 par un lieutenant du roi, qu’il choisit souvent au sein de sa famille ; il dote le Languedoc d’un parlement siégeant provisoirement (1420), puis définitivement (1444) à Toulouse, d’une Cour des aides, établie à Montpellier en 1478, et enfin d’une Chambre des comptes, créée en 1523.


Temps modernes et contemporains

Profondément pénétré par la Réforme qui se maintient dans le Bas-Languedoc et la région de Castres, le Languedoc protestant se révolte de 1621 à 1629 sous la direction de Henri II de Rohan (1579-1638), mais refuse son aide au gouverneur Henri Ier de Montmorency (1534-1614), qui accorde son appui militaire à Gaston d’Orléans, et qui est vaincu à Castelnaudary le 1er septembre 1632 par les troupes de Richelieu. Dès lors assujetti étroitement à l’autorité de l’intendant de Montpellier, le Languedoc perd ses dernières institutions particulières en 1789-90. Foyer de la Terreur blanche en 1815, centre de l’opposition républicaine de 1848 à 1851, le Languedoc est resté pendant plus d’un siècle un bastion électoral de la gauche française, radicale ou socialiste, recrutant en particulier ses électeurs dans les campagnes, qui souffrent depuis 1900-1905 d’une crise de structure due à la surproduction de vin, aggravée par la concurrence du vignoble algérien et par une industrialisation longtemps insuffisante, à laquelle les pouvoirs publics semblent vouloir remédier en faisant de Toulouse la capitale française de l’azote et de l’aéronautique. Telle est peut-être l’une des raisons des fluctuations électorales en 1968 et 1973.

P. T.

➙ Aquitaine / Cathares / Languedoc-Roussillon / Provençale (littérature) / Toulouse.

 C. de Vic et J. Vaissette, Histoire générale du Languedoc (J. Vincent, 1730-1745 ; 5 vol. ; nouv. éd., J. B. Paya, Toulouse, 1838-1847 ; 10 vol.). / E. Le Roy Ladurie, Histoire du Languedoc (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 2e éd., 1967) ; les Paysans de Languedoc (S. E. V. P. E. N., 1966 ; 2 vol. ; éd. abrégée, Flammarion, 1969). / J. Godechot, « Histoire du Languedoc » dans Languedoc (Horizons de France, 1965). / P. Wolff (sous la dir. de). Histoire du Languedoc (Privat, Toulouse, 1968) ; Documents sur l’histoire du Languedoc (Privat, Toulouse, 1969). / G. Baissette, Ce pays de Montpellier (Causse, Montpellier, 1970). / M. Chauvet, le Languedoc méditerranéen (France-Empire, 1971).


L’art en Languedoc

Si les peintures et les gravures préhistoriques des grottes de Niaux, de l’Aldène, de Gazel et de la vallée de l’Ardèche frappent par la précision et la vigueur du trait et témoignent de la puissance d’un art magique, Nîmes* et le pont du Gard manifestent avec éclat la grandeur de l’urbanisme romain et les hautes qualités techniques et esthétiques de son génie civil. À Narbonne*, les fouilles de l’église Saint-Paul-Serge ont mis au jour des sarcophages qui comptent parmi les meilleures créations de la sculpture paléochrétienne.

Saint-Sernin de Toulouse* domine l’art roman de la province, mais de la Garonne au Rhône et du Velay (v. Auvergne) aux Corbières abondent des œuvres remarquables de l’architecture et de la sculpture des xie et xiie s. Dans la haute vallée de l’Hérault, au lieu même où Guillaume d’Orange, le Guillaume au Court Nez des chansons de geste, se retira pour mener une vie d’ascèse et de prière, s’élèvent l’église et les restes du cloître de l’un des plus vénérables monastères de l’Occident, Saint-Guilhem-le-Désert. Un clocher rustique au toit à deux pentes de tuiles romaines domine cet ensemble d’un style dépouillé.